Le 6 mai dernier, le toujours sympathique Mika avait convié quelques journalistes à un dîner de retrouvailles. Au dessert, il a fait écouter en avant-première des titres de son prochain album à paraître à la rentrée.
Je le dis sans forfanterie ni gloire particulière, mais j’ai été parmi les premiers à rencontrer Mika, à l’aube d’un succès colossal qui aura vu son premier album, Life in cartoon motion, s’écouler à plus de six millions d’exemplaires à travers le monde. La première fois, donc, il débarquait à peine de l’Eurostar, et c’est à la brasserie borgne qui fait face à la Gare du Nord que l’on fit connaissance avec celui qui allait devenir quelques mois plus tard l’une des pop stars les plus courtisées de la planète. C’est parce qu’il se souvient précisément de ceux qui l’ont soutenu dès le départ que Mika a tenu à reprendre contact de la manière la plus conviviale qui soit, en nous invitant avec quelques confrères(-sœurs) à un dîner dans un resto plus confortable et raffiné que le Terminus Nord où tout commença il y a deux ans. Certes, entre temps il est devenu la cible privilégiée de quelques puristes pour lesquels un tel succès est forcément une anomalie culturelle et son bénéficiaire un infréquentable connard. Personnellement, j’estime au contraire que Mika reste l’incarnation idéale d’un chanteur pop moderne, habile compositeur et mélodiste de haut niveau, qui n’a aucun point commun avec les Britney, Justin Timberlake et autres parasites du même tonneau que l’on voudrait nous refourguer en seconde noce comme des génies des temps nouveaux. Les chansons futées de Mika ont pénétré des millions de cerveaux et on doit toujours se réjouir qu’un type qui n’a rien calculé, qui a fait presque contre vents et marées le disque dont il rêvait depuis son enfance parvient à conjuguer cette utopie artisanale avec un cart(o)on commercial qu’il faudrait être de très mauvaise foi pour juger immérité. De toute façon, il va falloir s’y résoudre, on n’en a pas fini avec Mika. Car si le franco-anglo-libanais a choisi pour son retour de commencer par sortir discrètement le 25 mai un ep acoustique, Songs for sorrow, « seulement » disponible à 10 000 exemplaires dans le monde, le véritable album qui suivra au mois de septembre devrait logiquement affoler les ondes et les charts avec la même puissance irrésistible que Life in cartoon motion. C’est bien simple, parmi les six titres que Mika avait choisi à la fin du dîner de nous faire entendre, quatre sont des hits incontestables, qui nous trottaient déjà dans la tête après une seule écoute. C’était l’heure du dessert, ce fut en fait une véritable farandole. Il y eut d’abord Blame it on to the girls, sorte de petite sœur de Grace Kelly avec des faux airs de Viva la vida de Coldplay, où Mika fait montre une fois encore d’une science des arrangements chantilly digne des plus grandes fresques de Jellyfish (un groupe dont il connaît, nous confiera-t-il un peu plus tard, l’album Split milk sur le bout des ongles) ou du meilleur Queen période Sheer heart attack. Viendra ensuite le bien nommé We are golden, tube en or annoncé qui présente la particularité d’embarquer à son bord une chorale qui en rajoute plusieurs couches dans la démesure. Héritier des grands princes seventies du Bubblegum – et notamment du trop méconnu Tony Rivers – Mika ne mégotte pas sur les machines à bulles même si cette fois la différence se jouera sur les textes, nettement plus assombris que sur le premier. Confirmation dès le titre suivant, intitulé Rain, qui possède la même souplesse que Relax (dont il pourrait battre les records de diffusions radio) et s’amuse des contrastes entre euphorie et mélancolie sur une trame disco légèrement désenchantée qui ne ferait pas tâche sur le catalogue de Italians do it better. Radicalement différent, le morceau Toy boy figurera sur le ep acoustique et sur l’album. Mika prouve qu’il peut largement se dispenser de tout artifice en utilisant seulement un piano et un orchestre pour un morceau pop à mi-chemin de Ray Davies et de Elton John première époque, avec Polnareff au milieu. La machine à tubes reprendra ensuite avec Touches you, morceau funky de veine Princière (ou George Michael, pour ceux qui sont moins regardants), pour s’achever sur une ballade pour le coup lourdement saccharinée baptisée See you. Sûr qu’on le reverra bientôt, l’ami Mika, pour écouter les sept autres morceaux de ce nouveau juke-box multicolore, qui n’a pas encore de titre mais déjà un avenir cousu d’or fin.
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Christophe Conte
Deux morceaux du ep Songs for sorrow sont en écoute sur le site de Mika : www.mikasounds.com
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