Le Primavera Sound Festival fait vibrer le soleil de Barcelone toute la fin de la semaine. Récit de la première très grosse soirée, avec le meilleur groupe live de notre époque.
BEAK> 7/10
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Avec les programmations de Beak>, Suuns et Thee Oh Sees, on se serait presque cru à Villette Sonique jeudi soir à Barcelone. Sauf que le soleil et un large ciel bleu ont remplacé la pluie poisseuse qui inonde Paris. Et que les zombies édentés qui peuplent les concerts gratuits de la Villette se sont bizarrement transformés en étudiants en M2 (après pris soin de dévaliser tout le catalogue de Topman et Urban Outfitters). C’est donc devant une foule de mecs en chemisettes et de meufs percées au septum que Beak> s’est chargé de faire tomber le soleil au terme d’un concert qui suffit à justifier la création de l’adjectif « métronomique ». Un son ultra-propre, tout pour la basse, de belles révérences au post-punk et au krautrock, quelques calvities bien assumées : la bande de Geoff Barrow a certainement réussi à balayer tous les goûts et les fantasmes d’un public plus observateur que participatif. On était venu pour assister à un concert, on est reparti avec une leçon.
A.F
CAR SEAT HEADREST 8/10
C’est très tôt que commence le concert de ces quatre Américains, que l’on jurerait échappés d’un sitcom des années 90. Et pourtant, derrière la posture timide et renfermée du chanteur se cache une voix n’ayant rien à envier à celle de Julian Casablancas tant elle parvient à capter une foule qui ne cesse de croître au fil des morceaux. Une reprise de Radiohead (Paranoïd Androïd) et de multiples solos de guitares plus tard, on repart agréablement surpris par ce jeune groupe qui, très certainement, ira loin.
A.B
AIR 8/10
Semblant sortir tout droit d’un vortex qui les aurait préservés du temps, Nicolas Gaudin et Jean-Benoît Dunckel arrivent immaculés sur scène pour enchaîner leurs plus grands tubes. De Cherry Blossom Girl à La Femme d’Argent, en passant par le magnifique et mythique Sexy Boy, les Français manient toujours le vocoder et les nappes de synthés à la perfection, tandis que derrière eux, le soleil se couche sur Primavera. Seul bémol: cette version acoustique de Playground Love, qui nous a laissée sur notre faim.
A.B
SUUNS 10/10
Suuns est sans doute le meilleur groupe live des années 2010. Et ce n’est pas la tournée actuelle qui va contredire la folle impression d’addiction laissée par le groupe de Montréal à chaque apparition. Après avoir éclaté les coeurs et les cerveaux des spectateurs de Villette Sonique la semaine dernière, les Canadiens ont encore réussi l’exploit de maîtriser leur son. Hold/Still, leur dernier album sorti au mois d’avril, sera forcément l’un des disques les plus sous-estimés de 2016 mais le groupe ne s’est pas fait prier pour balancer toutes les contradictions émotionnelles imposées par son écoute. Que le son sorte d’une grosse scène de festival ou des mini-enceintes en plastique reliées au PC de Thomas Burgel, la musique de Suuns convoque des sentiments oubliés. Autant d’images du futur imprimées en mille dimensions dans la mémoire des quelques centaines de festivaliers attirés par le chant malade de Ben Shemie hier soir. Loin de sa caricature, Suuns n’est pas qu’un mur de sons abstrus et torturés. Dernière preuve, s’il en fallait, avec une version étirée d’Edie’s Dream : la ballade contemplative la plus captivante de notre époque. Celle que Air a oublié de composer.
A.F
VINCE STAPLES 7/10
Beaucoup trop de style pour Vince Staples sur la scène Pitchfork jeudi soir. Et ce n’est pas parce que la moitié du public s’est barrée interloquée à la moitié du concert que la prestation du Californien s’est noyée dans les vagues et les rouleaux projetés derrière lui au ralenti. Seul au micro, T-shirt blanc et pantalon noir, Staples a livré une heure de concert minimaliste en promenant son charisme à peine adulte aux quatre coins de la scène. On l’attend de pied ferme le 2 juillet prochain à Belfort sur la scène Inrocks des Eurocks.
A.F
TAME IMPALA 8/10
On ne compte plus vraiment le nombre de fois où l’on a vu le groupe sur des scènes de festival. Même setlist, même scénographie, tout laissait à penser que ce live sera le même qu’en 2015, qu’en 2014 etc. Et pourtant, aux deux tiers du concert en plein milieu du morceau Eventually, les enceintes se coupent. Panne de courant ? Problème technique ? Les équipes du festival s’agitent pour résoudre le problème alors que la foule se dirige en masse vers d’autres scènes. Un quart d’heure plus tard, le son revient et le groupe réapparait, en reprenant le concert exactement au moment du problème technique. Magistral.
A.B
LCD SOUNDSYSTEM 9/10
Difficile de résister à l’envie de (re)voir LCD malgré la polémique qui a suivi la reformation à but lucratif du groupe mythique de James Murphy. Dès les premières secondes de Us vs Them, les premières interrogations sur la capacité du groupe à soutenir la comparaison de son souvenir sont levées. Suivent le classique Daft Punk is playing at my house et le sublime I can change et ses références à peine masquées à Gary Numan. La voix de Murphy tient plus que la route et LCD lance finalement la transe de cette première grosse soirée du Primavera Sound Festival sur les coups d’1h30. On part vers Thee Oh Sees en assumant de rater Dance Yrself Clean (qu’ils ont finalement joué pour le rappel) mais en prenant rendez-vous pour leur messe électronique prévue samedi à Paris. Ils joueront à We Love Green après PNL pour la soirée des acronymes et du partage. Ne ratez surtout pas l’éventualité de voir Ademo monter sur scène pour un featuring.
A.F
THEE OH SEES 8/10
C’est une habitude qui pourrait finir par lasser mais tous les concerts de Thee Oh Sees finissent dans la même tornade de bonheur et d’électricité. Comme en 2015, 2013, 2012 et 2010, John Dwyer a transpiré sur sa guitare à Barcelone avec la même excitation qui contamine toutes les rangées de ses concerts depuis presque vingt ans. Il s’agissait exactement du même concert et des mêmes motifs que ceux de l’année dernière : une double batterie au centre de la scène pour tenter de rivaliser avec la puissance délirante du jeu de guitare de la légende du garage. Les années passent, Dwyer ne vieillit toujours pas et il devrait finir par acquérir la nationalité espagnole. On en viendrait presque à souhaiter une troisième programmation de suite à Primavera en 2017.
A.F
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