Avant sa sortie à la rentrée, on a pu écouter « MGMT », troisième album perché des New Yorkais. On vous livre quelques pistes pour l’aborder.
Dissipons d’emblée un très gros malentendu potentiel : il ne s’agit pas ici de donner un verdict définitif sur MGMT, troisième album du groupe du même nom, mais seulement quelques pistes. Pas de grandes théories ni d’avis arrêté donc, mais plutôt un petit tour du propriétaire du successeur de Congratulations, dont la sortie est prévue le 16 septembre, avant que l’on s’y repenche après l’été. MGMT, troisième round.
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MGMT n’en fait qu’à sa tête
C’est d’abord ce qu’on se dit à l’écoute de ce disque. Andrew Vanwyngarden et Ben Goldwasser avaient prévenus : MGMT « ne serait jamais un groupe du top 50 » et s’appliquerait à brouiller les pistes autant que faire se peut. Tout comme il ne fallait certainement pas espérer d’eux un Oracular Spectacular bis au moment de la sortie de son successeur, il ne faut donc pas s’attendre à entendre un Congratulations 2 aujourd’hui. Plein de beats sans être électro, psychédélique sans être daté : ce troisième cru marque un départ du groupe vers un monde moins pop, moins évident et immédiat. Une succession de morceaux qui vivent d’eux-mêmes et ne rentrent dans aucun format radio. De Kids à MGMT se déroule un fossé dans lequel on se laisse malmener et sans cesse secouer. On croit parfois apercevoir les prémisses de petits tubes (Plenty Of Girls in The Sea, la reprise d’Introspection du groupe new-yorkais Faine Jade), sans jamais vraiment en être certains. MGMT a créé sa chimère en lorgnant autant chez Animal Collective que chez un Aphex Twin tribal : au diable ceux qui ne prendront pas le train en marche.
MGMT se radicalise
Deuxième sentiment : le duo en a fini d’amener tranquillement son évolution (sa révolution ?) vers un son aux antipodes de Kids. Terminés donc les compromis : MGMT est une entrée en puissance dans les méandres du cerveau d’un groupe qui est parti de la fin (Oracular Spectacular, ses tubes intersidéraux et son succès mainstream) pour revenir à sa propre nuit des temps. Un son parfois dur, des beats explosés, des percussions écrasantes, des nappes de synthés qui se réclament des années 60, mais semblent en fait venir d’une galaxie très lointaine, d’une planète où la vie serait tout juste en train de naître après le big bang créateur (Mystery Disease). Voix en retrait, rythmiques déroutantes : les règles de la construction pop ne sont qu’un lointain souvenir pour le duo qui a jeté ses manuels de solfège au feu sans le moindre regret.
MGMT se Of Montrealise
Conséquence de la radicalisation : MGMT semble s’Of-Montrealiser. Pas de fusion des genres ici : les New-Yorkais ne se sont pas mis au funk sexuel de leur pote Kevin Barnes, mais ont certainement appris beaucoup auprès de lui – rappelons que la tête pensante (et cinglée) d’Of Montreal et le bouclé Vanwyngarden avait, il y a quelques années, initiés un side-project ensemble. Sur MGMT, le duo applique à la lettre la leçon du grand frère Barnes : déconstruis mon fils. En résulte des titres comme A Good Sadness ou Astro-Mancy encore plus découpés, saccadés ; des structures où refrains et couplets sont des concepts totalement obsolètes. Les Américains ont renversé la boîte de Lego et bâti un disque sans se soucier de la notice de construction. Paradoxalement, la bâtisse MGMT tient fermement debout, flexible au vent, mais bien ancrée dans le sol.
MGMT, grands enfants
On savait les deux co-équipiers de MGMT très portés sur les blagues et les chatons. On les redécouvre donc grands enfants se jouant du dieu pop. Il y a une certaine naïveté dans ce troisième album, une insouciance plus pure que dans Oracular Spectacular qui jouait sans cesse avec le feu de l’ironie. Avec son ouverture pastorale portée par une voix d’enfant digne d’un début de Disney (Alien Days), MGMT pousse la candeur et l’innocence à son paroxysme (Plenty Of Girls In The Sea, aussi cool qu’idéaliste) et rend supportable la dureté de certains sons, des boucles étourdissantes de claviers et de beats parfois taillés au scalpel. On se sent alors pris en otage dans le monde imaginaire de deux gamins euphoriques en plein trip d’acide citrique de bonbons colorés. Attention : sur MGMT, il n’y a jamais de vraies redescentes.
MGMT, le psychédélisme futuriste
Sur ce troisième album, il y a les claviers robotiques de Ben Goldwasser et le chant organique d’Andrew Vanwyngarden. Il y a les machines de l’un et les boucles de hippies de l’autre. Il y a l’Espace et des drogues encore non identifiées. Plutôt que de les faire s’affronter, le duo a préféré fusionner le psychédélisme et le futurisme de leurs compositions. On en oublie la pesanteur soulevé par mille couches de reverb, par les voix décuplées, par le timbre de prophète des seventies de Vanwyngarden (qui excelle une fois de plus, au passage, dans l’écriture), par les bruits de jeux vidéo et de vaisseaux qui attaqueront le monde en 2793. La planète MGMT tourne quelque part en orbite dans la tête de ses créateurs ou au-dessus des nôtres. En attendant son arrivée sur Terre, on peut déjà promettre une chose : il va falloir bien des écoutes pour comprendre le langage qu’ont inventé les deux New-Yorkais, pour déceler toutes les subtilités de l’album hanté et sans loi d’un duo qui a construit une nouvelle Lune et croit dur comme fer y habiter.
Album MGMT (Columbia/Sony), à venir le 16 septembre.
Alien Days est à découvrir en avant-première sur la compilation « La bande-son de l’été 2013 » qui accompagne le n°919 des Inrocks actuellement en kiosque.
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