Rappeur, producteur, chanteur. Avant la sortie de sa nouvelle mixtape, Josman ne veut surtout pas choisir et s’enfermer dans une définition. « Zéro Dollar » pourrait bien confirmer les espoirs placés en lui.
“J’aimerais bien laisser parler la musique et que les gens ne s’intéressent pas au mec qui se cache derrière.” Au départ, Josman n’était pas très chaud pour évoquer son parcours et sa personne dans les colonnes d’un magazine. Installé à Aubervilliers, le rappeur évolue en cercle fermé depuis sa toute première prise de contact avec le son. C’était à Vierzon, il y a une petite dizaine d’années, dans le confort étriqué de sa chambre d’ado.
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“Depuis ce moment, je fais mon truc dans mon coin. La première fois que j’ai composé une prod, je me suis directement rendu compte que ça m’ouvrait un milliard de possibilités. Je pouvais rapper, choisir n’importe quel mot, changer les textes, tout faire tout seul… Et je ne voyais pas de fin.”
Un impératif d’indépendance et d’autonomie
De l’époque des premières expérimentations sur Fruity Loops et des textes mal assurés griffonnés entre deux cours, “Jos” a conservé l’habitude de travailler en autarcie, dans une forme de repli qui tranche avec la plupart des succès du rap actuel qui s’affirment par la force du groupe et de l’entourage. Parmi les rares variantes autorisées dans son impératif d’indépendance et d’autonomie : Eazy Dew. “Un ami avant tout”, qui invite fréquemment sa créativité pour nourrir l’identité sonore d’un projet de plus en plus observé.
“Avant de le rencontrer, je travaillais différemment, retrace Josman. On s’est connus à la SAE, une école d’ingénierie du son à Paris. On aime des choses très différentes mais il a clairement changé ma façon de produire.”
Après avoir écumé les open mics, sorti un premier ep en 2015 (Echecs positifs) puis une mixtape à l’été 2016 (Matrix), Josman a vu sa cote exploser sur YouTube, grâce au clip de Dans le vide et son errance complètement assumée entre rap et pop. Un million six cent mille vues plus tard, Eazy Dew revient sur la conception du morceau qui a tout changé : “Ça va faire presque trois ans qu’on se connaît mais on travaille de façon concrète depuis un an seulement.”
“A la base, Dans le vide était une vieille prod que je n’aimais pas et dont je ne voulais pas me servir. Quand Jos l’a écoutée, il a senti un truc que je n’avais même pas soupçonné. Dans une collab, c’est important d’accepter la notion de contrainte et de s’adapter à une autre vision. Je pense que c’est la clé pour progresser. Sinon, tu peux continuer à faire des sons enfermé dans ta chambre pendant des années.”
La grande force des beatmakers français
Eazy Dew fait partie de cette nouvelle génération de producteurs qui redéfinissent l’essence même du rap français en ouvrant sur des mélodies pop plus chargées et une écriture plus libre : “Les gens font de plus en plus attention à tout ce que représente le domaine du hip-hop au sens large. Ça vient de notre génération : on peut très bien être amis et kiffer des trucs complètement différents”, analyse-t-il.
“Il y a un mec que je cite souvent, c’est DJ Battlecat. L’époque de la G-funk me traumatise encore. Il partait dans tous les sens mais ses sons restaient cohérents. Je pense que c’est l’influence la plus importante pour moi car j’y reviens toujours, alors que je suis aussi dans des délires qui n’ont rien à voir, genre Metro Boomin.”
Et Josman de préciser : “J’ai l’impression que les beatmakers français sont de plus en plus forts. Avant, le rap était très centré sur le texte et la prod n’était qu’un support. Aujourd’hui, les gens sont plus ouverts, plus sensibles aux mélodies. Je n’ai absolument pas de méthode préférentielle pour écrire un morceau. Parfois, je réunis des phrases qui traînent sur d’anciens titres et je les rassemble sur un morceau. Je ne sais pas travailler en fait…” (rires)
A rebours des clichés sur les rappeurs
Capable de compiler ses puzzles de mots et de pensées et ses placements de voix dans un geste en phase avec l’époque, Josman n’en reste pas moins un rappeur au sens classique du terme, technique et talentueux lorsqu’il s’agit de kicker pour défoncer un 16 mesures.
“Les rimes que j’utilise sur Dans le vide sont très faciles. Je fais rimer ‘mer’, ‘mère’ et ‘merde’, lâche-t-il dans un sourire. N’importe qui peut écrire ça, mais ce qui compte c’est l’interprétation. La musicalité de certaines prods autorise ce relâchement. Je ne me serais pas permis ce genre de rimes sur une prod plus classique.”
La force visuelle de clips comme Dans le vide, Doobie ou La Cage permettent aujourd’hui à Josman de se concentrer sur la musique et de gagner en expérience sur scène : “Je me suis pas mal baladé dans les open mics ou dans les premières parties, et personne ne savait qui j’étais. Aujourd’hui, il arrive que le public chante mes fins de phrase. C’est fou.” En 2017, si Josman peut se produire devant des gens qui se déplacent pour le voir, il avoue avoir pris du recul par rapport à la musique et au cliché du rappeur qui a envie de percer.
“J’avais fini par être à l’aise dans la peau de l’inconnu qui arrive sur scène pour défendre sa musique. J’ai un peu l’impression de recommencer à zéro mais je pense être assez fort pour ne pas décevoir les gens. Etre un rappeur, je ne sais pas où ça commence ni où ça s’arrête. Il y a plein d’autres choses plus importantes, comme ma famille ou mes amis. Ce dont je suis certain, c’est que je ne suis pas uniquement un rappeur.” Une définition à contrepied en forme de trahison des images, qui vaut aussi bien pour sa musique que pour sa vie quotidienne.
mixtape Zero Dollar (Choke Industry), sortie en avril
concert le 16 février aux inRocKs Les Bains Super Pool Party #2, avec Myth Syzer et Triplego, Paris (Les Bains)
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