Alors que le nouvel album des Kills, « Ash and Ice », sort dans un mois, retour sur la discographie d’un duo emblématique du rock des années 2000, entre rudesse garage, copinage avec la mode et approche hyper sexuée de la musique. Classement de leurs quatre albums , du meilleur au pire, en toute subjectivité.
No Wow (2005)
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Dès le début de leur carrière, les Kills semblent avoir un peu mieux intégré une (triste ?) vérité que ses congénères à guitares et jeans slim : au milieu des années 2000, le rock se trouve surtout chez H&M ou chez agnès b. Que ce soit dans la présentation (Hotel et VV, duo masculin-féminin à la tenue vestimentaire et aux références musicales impeccables, la rigidité froide du post-punk anglais d’un côté, l’ultra-sexualisation du rock’n’roll américain de l’autre) ou dans l’exécution ostensiblement rentre-dedans et lascive (à l’époque, la presse parle de leurs performances live comme de parades nuptiales sauvages), tout chez les Kills sent d’office le prêt-à-rocker bon marché.
Partant de cet état de fait assumé, le groupe parvient à se démarquer et à se jouer de ces codifications encombrantes, et arrive à provoquer une réelle ambiguïté sexuelle (en couple ? pas en couple ?) qu’il tire à son avantage. Si tout est faux et si même l’authenticité est une construction publicitaire, alors autant y aller à fond. Pas grave si on ne croit pas trop à l’habillage lo-fi et décharné que propose le groupe, le jeu de guitare savamment robotique d’Hotel et les miaulements rétifs de VV fonctionnent à plein régime et parviennent à eux seuls à amener une véritable tension charnelle et un semblant de dangerosité dans le son. No Wow, leur deuxième album sorti en 2005, peut être à la fois considéré comme l’apogée créative du groupe et le zeitgeist du retour du rock pour défilés de mode. Avec des titres comme No Wow ou Love is a Deserter, on a même envie de croire qu’il peut être bien plus que ça.
Keep on Your Mean Side (2003)
Groupe générationnel dans le sens où il est arrivé pile au bon moment (comprendre : un tout petit peu après tout le monde, suffisamment à temps pour avoir pu intégrer et s’approprier les codes de son époque tout en menant le cortège avec malice), The Kills est apparu sur le circuit à une époque charnière, au moment du basculement d’internet dans la sphère globalisée et juste avant l’écroulement des dogmes esthétiques de la musique pop au sens large. Au moment où il sort son premier album donc, le duo se réclame de Moe Tucker ou de Bobby Gillespie et cela relève presque alors du savoir encyclopédique ou de l’extravagance post-moderne, tant ce même savoir et cette rétromanie galopante ne sont pas tout à fait encore à portée de clic pour tout le monde (ce qui ne saurait tarder).
Produit de son temps donc, de son contexte culturel et esthétique, le premier album des Kills, Keep on Your Mean Side (2003), joue sur les formules choc, les titres programmatiques et faussement provoc’ (Fuck the People, Fried my Little Brains, Black Rooster), les clins d’œil appuyés aux héros réclamés (à PJ Harvey, au blues sale du Delta, au garage désarticulé de Captain Beefheart), tout en faisant l’économie d’employer un batteur pour mieux souligner l’aspect dépouillé et osseux de l’entreprise. Encore une fois, il serait malhonnête d’affirmer que tout cela ne fonctionne pas parfaitement : si l’on tombe dans le panneau de leur feinte sauvagerie, c’est de notre plein gré, et parfois même avec délice.
Midnight Boom (2008)
On ne sait pas trop si c’est en 2008 que certains commencent à confondre The Kills avec The Kooples, mais c’est en tout cas dans ces eaux-là que les choses commencent à se brouiller et à se compliquer pour les deux têtes (corps ?) pensant(e)s du groupe. Hotel et VV se foutent visiblement sur la gueule, et l’unité qui prévalait alors semble (en partie) voler en éclats lorsque sort leur troisième album Midnight Boom. Ça ne s’est pas joué à grand-chose, mais ce disque aurait pu être leur chef-d’œuvre. The Kills tente ici de prendre la tangente, en ayant compris que les recettes (même les plus efficaces) avaient leurs limites. L’ambition est un poil relevée, et le groupe tente de sortir de son ghetto rock Hedi Slimanisé en mélangeant rythmiques discoïdes et déconstruction de son propre catalogue.
L’objet pop qui en résulte est très étrange : quasi-expérimental dans la production par instants (Getting Down) et maladroitement pupute par d’autres (Cheap & Cheerful), les hooks qui le composent se retrouvent souvent réduits à peau de chagrin, parfois jusqu’à l’abstraction – tout en visant l’universalité pop, visez la gageure. Évidemment, tout ça se casse plus ou moins la gueule avec fracas, ce qui n’empêche pas le disque d’être rétrospectivement fascinant dans son aspect de coquille vide et de laboratoire d’idées un peu foireux. En tout cas, juste après, Alison Mosshart (alias VV) ira s’acoquiner avec Jack White pour former le supergroupe The Dead Weather, et voir ailleurs si l’herbe est plus verte.
Blood Pressures (2011)
Entre deux albums de The Dead Weather, The Kills trouve tout de même le temps de maintenir le projet sous assistance respiratoire. Le dernier album en date du groupe, Blood Pressures n’est pas catastrophique en soi, mais il est tellement décousu, mal fagoté et désinvesti qu’il n’a même pas pour lui l’ambition de pouvoir prétendre au titre de bel album malade. Entre des Runaways en plastique sur Nail in my Coffin, une sale imitation de John Lennon sur Wild Charm, ou encore la ballade The Last Goodbye, tellement ringarde et anachronique qu’elle nous donne presque envie de dégainer les briquets, Blood Pressures pâtit avant tout de son éparpillement.
Après cinq années d’absence, The Kills revient avec un nouvel album, Ash & Ice, dont la sortie est prévue pour le 3 juin. Les premiers singles convaincants laissent augurer un retour de forme, tandis que le succès du groupe sur scène ne se dément pas, la Cigale complète de cette semaine soi faisant foi. En attendant deux concerts à l’Olympia les 18 et 19 octobre prochain.
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