Le premier album très inspiré d’Oktober lieber infuse de la lumière et du second degré à la techno boum boum. Un dynamitage en bonne et due forme.
S’emparer d’une esthétique aussi codifiée que celle de la musique électronique et la dynamiter n’est pas vraiment à la portée de tout le monde. C’est pourtant ce que réussit à faire plus ou moins volontairement le duo parisien Oktober Lieber. Dernier rejeton en date d’une génération qui ne choisit plus entre musique club et expérimentations, le groupe sort un premier album synthwave à la production solide et au songwriting qui ose la transversalité.
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Une passion pour les musiques de film
Evidemment pas sortie de la cuisse de Jupiter, la musique d’Oktober Lieber emprunte une autobahn déjà tracée par de glorieux aînés : Dopplereffekt, The Hacker, Kraftwerk (dont l’influence s’entend sur leur titre Computer Model), Chris & Cosey ou encore John Carpenter (sur l’inaugural Visions). L’ombre du maître du score horrifique hante d’ailleurs les grandes lignes de ce disque, dont les climats narratifs sont directement hérités d’une appétence pour les musiques de film.
“Au début, on voulait mélanger des rythmiques cold assez linéaires à des sons industriels. Et puis on a intégré des voix, car on avait aussi envie d’avoir une sorte de narration dans les morceaux, des émotions simples, pures. C’est ça, je crois, qui fait écho à des systèmes de construction de musiques de film…”, explique Marion Camy-Palou, moitié du duo (qui officie également en solo sous le nom de Deeat Palace). L’autre moitié, Charlotte Boisselier (qui joue également dans le projet Ambeyance), complète : “Ce sont des musiques de film qui m’ont marquée initialement car elles étaient associées à des sensations, des sentiments, des images. Je pense à Bernard Herrmann, Alan Silvestri, Angelo Badalamenti.”
Des sonorités industrielles
Oktober Lieber excelle dans sa capacité à manier les clins d’œil sans tomber dans les clichés. “On aime jouer avec des choses identifiables, directement évocatrices.” Aux références précitées, on peut ajouter l’italo disco et la musique des giallos qui infusent les sonorités industrielles de ce disque et qui rappellent les relectures sardoniques du label Not Not Fun Records, Umberto en tête (sur The Attacker), ou la finesse perverse de certains projets synthétiques français – Fléau ou HøRD.
Plutôt que de tuer le père, les deux musiciennes l’emmènent en club et lui montrent la lumière. Les arrangements mélodiques évidemment baignés de chaleur analogique tirent les compositions tantôt vers la pop tantôt vers la dance music. Loin des formules bêtas de la techno dark actuelle qui accompagne une récupération de la culture rave, underground et DIY par les limonadiers de la musique électronique. Marion raconte ainsi : “Quand je suis arrivée à Paris il y a dix ans, la techno, après avoir été une révolution, était devenue un truc chiant qui fait boum boum. Revisiter l’electro en passant par les bases a remis de l’excitation.”
Une musique électronique sombre et curieuse
A les voir agiter les corps d’une foule compacte lors de leur release party au Petit Bain (astucieusement calée le soir d’Halloween), on ne peut que céder face à cette envie d’Oktober Lieber de rouvrir les possibilités d’une musique électronique sombre, curieuse, aussi cérébrale que physique et qui, surtout, ne se prend pas (trop) au sérieux. Si Marion dézingue une partie de la scène française peuplée “d’innombrables fausses répliques eighties avec des musiciens déguisés avec des fringues achetées en fripes…”, on la rassure : Oktober Lieber ne vole pas avec les pigeons.
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