Multipliant les singles numériques et les collaborations bigarrées depuis 2014, OKLOU trouve le bon tempo sur un premier album entre électronique aqueuse et r’n’b atmosphérique. Rencontre avec l’ingénue Marylou Mayniel.
Comme dit l’adage, tout vient à point à qui sait attendre. Après une demi-décennie à égrener des morceaux au compte-gouttes numérique, Marylou Mayniel emboîte enfin le pas du long format. Du maxi inaugural Avril ep (2014) à l’album Galore, volontiers qualifié de “mixtape”, six ans se sont déjà écoulés pour celle qui émergea dans la nasse de l’internet wave, un courant porté par d’apprenti·es “digital natives” en quête d’aspirations musicales qui mixent electro, hip-hop, r’n’b et Auto-Tune.
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Née en 1993, l’année de parution d’In Utero de Nirvana et de Debut de Björk, la chanteuse, compositrice et productrice se souvient du temps passé sur GarageBand puis sur Logic, ces logiciels de musique assistée par ordinateur avec lesquels elle a fait ses premières armes. Dans son enfance et jeunesse poitevine, Marylou Mayniel suit les cours du conservatoire (piano et violoncelle) tout en découvrant les albums rapportés de la médiathèque par son frère aîné – “Je me souviens encore du jour où j’ai entendu Agoria pour la première fois à 14, 15 ans”.
Une formation jazz et tourangelle
Elle rattrape ainsi le temps perdu, à rebours de l’atavisme parental. Le bac en poche et sans vocation particulière autre qu’une appétence affirmée pour les disciplines artistiques (musique, photo, graphisme), Marylou s’inscrit à l’école Jazz à Tours, décrochant un diplôme de Mima (musicien·ne interprète des musiques actuelles).
“Partir à Tours m’a permise de m’affranchir et de m’émanciper de l’univers familial dans lequel j’avais baigné, même si ce diplôme ne m’a strictement servi à rien. A cette époque, je multipliais de front les projets, avant de monter à Paris et de lâcher les études”, raconte-t-elle dans les locaux parisiens de son label Because Music.
Shlohmo, Clams Casino ou Yung Lean comme modèles
Durant ces trois années tourangelles “pleines d’insouciance”, elle vit une passion amoureuse en même temps qu’une carrière frissonnante, se faisant encore appeler Loumar. Déjà, elle affirme sa signature sonore, mélangeant sons acoustiques et électroniques dans un bain vaporeux assez vertigineux (Loaded, Beamin4 Love ou Chrysalis, des titres extraits de son maxi inaugural).
Loin des contingences de l’industrie du disque et d’une signature obligatoire en label, Marylou se réfère plutôt à des modèles comme Yung Lean, “ma star de la scène cloud rap”, Shlohmo, Clams Casino ou How To Dress Well. Autant de balises pour celle qui s’immerge dans les profondeurs abyssales de SoundCloud et des cultures numériques.
Chacune des onze plages de “Galore” a été mûrement pensée
Bavarde mais posée, lucide mais déterminée, Oklou s’enrichit de toutes ses expériences et démultiplie volontairement les collaborations, hasardeuses ou provoquées. Les noms figurant au générique de sa courte discographie l’attestent clairement : Casey MQ, Sega Bodega, Flavien Berger (aux côtés duquel elle s’essaie dans sa langue maternelle), Musa Musa, Krampf et, bien sûr, Coucou Chloé, qui éditera l’ep The Rite of May (2018) sur son label Nuxxe.
“Je ne fais jamais les choses à contrecœur, insiste Oklou. Composer une musique pour un jeu-vidéo avec Lucien Krampf dans le cadre de la Red Bull Music Academy m’a beaucoup servi dans la genèse de mon premier album, où le caractère narratif est primordial.”
Ainsi, avec la complicité du coproducteur canadien Casey MQ, chacune des onze plages de Galore a été mûrement pensée et réfléchie selon la couleur, l’humeur, la chronologie d’une journée entière pour une écoute matinale ou vespérale, diurne ou nocturne, à l’inverse du fonctionnement de son autrice, qui compose indifféremment de jour comme de nuit.
“Depuis toutes ces années, s’il y a quelque chose que j’ai fini par comprendre et assimiler, c’est que je n’ai pas de pattern.” A défaut de “pattern”, Oklou a trouvé le bon tempo. L’enchaînement Galore, God’s Chariots et Nightime pourrait ainsi constituer le fil conducteur du premier album addictif d’Oklou, même s’il est promotionné par son label comme une mixtape.
Intuitive et obstinée
Parfaitement consciente des exigences de communication sur les réseaux sociaux pour un·e artiste en 2020, Marylou préfère se focaliser sur l’essentiel : la musique, la production, à défaut de pouvoir penser pleinement à la scène – restrictions sanitaires obligent.
“A tout prendre, j’aimerais me concentrer davantage sur l’image que sur les concerts”, dit-elle en nous montrant sur son smartphone un extrait du film d’animation Le Roi et l’Oiseau (1980), sur lequel elle a synchronisé une ébauche instrumentale. Citant Princesse Mononoké (1997) et Le Voyage de Chihiro (2001) comme ses deux dessins animés fétiches d’Hayao Miyazaki, Marylou Mayniel revendique “un rapport volontiers enfantin à la musique”.
Avec son home-studio (un clavier MIDI et un ordinateur en b.a.-ba minimal), que cette nomade déplace au gré de ses déménagements successifs depuis son départ du domicile parental à l’âge de 19 ans, Oklou aspire à trouver un studio de travail, à défaut d’un lieu de vie. En cette rentrée anxiogène et toujours incertaine, elle s’impatiente de la réception des vinyles et cassettes de Galore. “J’avais achevé ce disque juste avant le confinement, la perspective de sa sortie maintes fois reportée et finalement calée à l’automne m’a aidée à tenir.”
“Comme tout le monde, je suis dans l’expectative pour mes dates de concerts, mais la parution de Galore est déjà une éclaircie inespérée.” Intuitive et obstinée, inspirée par les parcours de l’Américaine Caroline Polachek ou de l’Espagnole Rosalía, la brillante Oklou croit en sa bonne étoile, privilégiant sa quête artistique au succès commercial.
Galore (Because Music)
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