Paroles de chansons odieuses, shows délirants, propos cinglants : le crew rap américain Odd Future, surdoué, avance à coups de “fuck” et de “kill”. Rencontre avec son leader Tyler, The Creator pour la sortie de son Goblin.
Dans son premier album, Bastard (2009), Tyler mettait déjà en garde : “J’ai créé Odd Future parce qu’on a plus de talent que ces rappeurs de 40 piges qui se la racontent en Gucci.” Même s’il s’affiche avec Mos Def ou les Neptunes, il n’appartient à aucun mouvement : “La scène hip-hop, je m’en tape. Je ne veux surtout pas ressembler à ce stéréotype foireux du rappeur de base de L. A.” Il n’en a d’ailleurs pas les manières : “Le sampling ? Pas besoin ! Pourquoi utiliser les sons d’un autre ? Pourquoi ne pas créer par toi-même, jouer tes propres notes ?”
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Une telle révolte artistique conduite par des nihilistes noirs de 20 piges n’avance pas sans entraves. Les scènes porno gore et les coups de latte dans le bide qui parsèment les textes de Tyler ont vite attiré la foudre : “On a fait tout ça parce qu’on s’emmerdait. Mais maintenant qu’on nous prend pour des leaders, on devrait être responsables et faire gaffe. J’emmerde tout ce système !”
Sous le spectacle et les outrages, Tyler raconte surtout sa psyché abîmée : “Achetons des flingues pour buter ces gosses qui ont de vrais parents/ avec leurs belles baraques et leur putain de gazon” (dans Sandwitches). On cite Eminem à l’époque où il flinguait cette Amérique aux pelouses impeccables et les yeux du rappeur s’allument : “C’est la 14 sur le Slim Shady lp ! Il avait 26 ans mais c’est un peu la même amertume que je ressens.” Silence. “Oui, je suis jaloux. Parce que moi je n’ai pas de famille, pas de maison où rentrer.”
On le dit homophobe, misogyne et violent, mais ici, en plein soleil, Tyler semble surtout un gamin instable qui trompe l’ennui en s’inventant fables nécrophiles et punchlines cinglées, zappant constamment l’interview pour photographier le cul des filles ou lancer des cookies sur les touristes qui bullent en terrasse. L’ado hyperactif branché rap, skate et webporn à la place du tueur postapocalyptique ? “Ça me gonfle, ton interview Wikipédia ! Je ne veux pas en dire trop, sinon ça n’intéressera plus personne. Dans six mois, je serai un artiste crève-la-dalle à cause de ces putains d’interviews. Si ça foire, je serai obligé de me foutre en l’air ou de retourner au bahut. Et comme il est hors de question que je retourne à l’école…”
En concert aux Eurockéennes de Belfort le 3 juillet
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