Polyglotte et bigarrée, la pop psychédélique des New-Yorkais de Yeasayer est une drogue dure.
On a, ces derniers mois, évoqué un déplacement, de la Côte Est vers la Côte Ouest, des plus passionnants représentants de la scène musicale américaine. Quand, il y a quelques semestres encore, on aurait vendu son âme pour un billet de concert à Brooklyn (Animal Collective, Grizzly Bear, MGMT), c’est de Californie que nous sont récemment venues les plus belles surprises made in USA (Dodos, Local Natives).
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Or les New-Yorkais de Yeasayer semblent avoir trouvé le compromis parfait : continuer à déplacer, voire carrément à secouer la musique sans pour autant lui faire traverser le pont Verrazano. Bien qu’enregistré à New-York, leur second album, Odd Blood, continue ainsi l’entreprise entamée dès 2007 avec l’épatant All Hour Cymbals : libérer la ville de son nombrilisme rock. Dans la droite lignée de Vampire Weekend, Fool’s Gold, The Very Best ou Damon Albarn, Yeasayer transforme ainsi la pop indé en pop ethno, voir en pop (brian) eno.
Encore plus complexe et déroutant que son prédécesseur, Odd Blood, dont les premiers chapitres furent d’ailleurs dévoilés lors d’un concert au Guggenheim Museum de New York, ressemble moins à un disque de rock qu’à une oeuvre d’art contemporain : à la fois mille-feuille et conceptuel, il invite davantage à l’imagination qu’il ne récite un discours, préfère la fantaisie, les frasques et les digressions aux formats. Elégant dans sa forme (pochette et livret au psychédélisme soigné), l’album est musicalement riche des expériences parallèles de ses membres (on a, ces derniers mois, aperçu les trublions de Yeasayer aux côtés de MGMT, Bat For Lashes ou Simian Mobile Disco).
Conséquence de ces infidélités, on croisera sur Odd Blood aussi bien les fantômes de Tears For Fears (I’ll Remember) que les mélodies psychotropes d’Of Montreal (le fastueux Madder Red), le groove lascif de Prince que la fièvre des Talking Heads. S’il paraît alors délicat, à la première écoute, de se frayer un chemin dans ce disque-dédale, bourré comme un taxibrousse béninois de rythmes, structures et strates sonores, c’est justement parce qu’Odd Blood a été conçu, et gagne à être compris, comme un formidable labyrinthe : s’y perdre reste le meilleur moyen pour y trouver son chemin.
{"type":"Banniere-Basse"}