Une nonchalance et une lumière inédites chez l’intrigant californien Mark Koselek. Quand on y pense, les gens dont on attend encore quelque chose au bout du quatrième album se comptent grosso modo sur un doigt. Mark Kozelek par exemple. Des demos de Down colourful hill à ces sommets que sont Evil ou Uncle Joe, sa […]
Une nonchalance et une lumière inédites chez l’intrigant californien Mark Koselek.
Quand on y pense, les gens dont on attend encore quelque chose au bout du quatrième album se comptent grosso modo sur un doigt. Mark Kozelek par exemple. Des demos de Down colourful hill à ces sommets que sont Evil ou Uncle Joe, sa discographie est allée crescendo, toujours plus tendue, toujours plus passionnante. Jusqu’ici l’image que la presse a dû lui renvoyer de lui-même autiste, narcissique n’a modifié sa trajectoire ni dans un sens ni dans l’autre. Pas d’insistance dans la contradiction, pas d’entrain affecté pour prendre le contre-pied. Rien que cette belle obstination à être soi des gens persuadés de n’être personne. « J’ai pour me guérir du jugement d’autrui la distance qui me sépare de moi-même », disait Artaud. De la distance, il y en a toujours eu beaucoup dans les disques des Red House Painters et il y en a encore dans Ocean Beach. Toujours la même, parcourue inlassablement. La seule surprise ici pour ceux qui attendent vraiment une surprise viendrait d’une nonchalance inaccoutumée, de cet instrumental peinard qu’est Cabezon, de l’espèce de jam-session qui clôt Over my head. Pour le reste, on est en terrain connu. On le sait, Mark Kozelek dispose d’un répertoire limité : des chansons lentes courtes et des chansons lentes longues. Quant à savoir si elles sont tristes ou pas, la voix oublie de le préciser. Détimbrée, neutre, elle ne bouge pas. C’est tout ce qu’il y a autour qui bouge, ces guitares qui commencent dans un murmure et se terminent en champ de bataille (Moments), l’éclosion progressive des cordes sur le splendide Summer dress. Et ceux qui confondent cette absence d’effet avec de la froideur ou de l’ennui n’ont qu’à écouter Shadows (prononcer « chef-d’oeuvre ») : il y a là-dedans plus d’émotion vraie, plus de générosité que chez tous les petits malins à l’altruisme laborieux, qui miment jusqu’à la nausée la passion et le don de soi. Peut-être parce que lui sait vraiment ce qu’il en coûte de s’économiser.
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