Le départ fracassant du groupe de Noel Gallagher à quelques heures de sa performance à Rock en Seine met-il en danger la suite d’Oasis ? La réponse est oui, et ce ne serait pas forcément une mauvaise chose.
Sale semaine pour la musique. Après la disparition tragique de René des Musclés, c’est au tour de Noel Gallagher d’annoncer son départ d’Oasis. Ce qui signifie automatiquement (il écrivait tout) la fin programmée de l’un des groupes majeurs du rock britannique de ces vingt derniers années. Majeur ? Certains tapotent sur le clavier pour s’esclaffer. « Ah ah Blur ça a toujours été mieux. « Han franchement à part les deux premiers albums y’avait pas de quoi fouetter un rat. » Pourtant, l’annulation du concert d’Oasis et le jet d’éponge de Gallagher, c’est quand même quelque chose.
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D’abord, et on aura beau dire, parce qu’Oasis a vraiment réussi un truc au milieu des années 90, avec ces deux disques – Definitely Maybe en 1994, et What’s the story (Morning Glory) en 1995 – un peu carrés des épaules, certes, mais chargés d’une énergie incroyable. Avec l’aide de musiciens quasi interchangeables, les deux frangins prolos de Manchester réussissaient à vous sortir tous les deux mois des hymnes biens réels, qui vous aidaient à passer les longs voyages en TER pour aller à la ville; qui vous donnaient le courage d’appeler au téléphone cette fameuse Lucie que vous aviez remarqué au bar du coin.
Si les deux mecs d’Oasis avaient réussi à se sortir du bousin (avec leur front bas, leurs Adidas normales et leurs K-way), vous vous disiez pourquoi pas moi tiens hein ? Ainsi, en quelques mois, les Supersonic, Live Forever, Wonderwall, Don’t Look Back In Anger, Champagne Supernova sont devenus des titres compagnons, à écouter au casque, le volume au maximum. Et ils le sont devenus pour le monde entier.
De leusr turnes moisies de Manchester, les deux frangins Gallagher sont ainsi devenus en l’espace de deux ans les nouveaux héros du rock mondial. Pour capter le souffle qu’ils avaient créé, on a même inventé une expression : la « brit pop ». Un courant musical au sein duquel ils ont, au bout de quelques mois, dû partager la vedette avec Blur, ce groupe londonien, classe et cultivé qui était leur exact opposé. Blur, c’était les étudiants attardés qui avaient écouté les disques de jazz de leurs parents autant que Bowie et les groupes punks des années 70. Les mecs d’Oasis, eux, s’étaient passé en boucle des best of des Beatles et étaient tombé par hasard sur les meilleurs albums des Stones, des Who et des Happy Mondays.
Si aujourd’hui la victoire de Blur est plus qu’avérée (le groupe vient de se reformer pour une série de concerts exceptionnels, et Damon Albarn est devenu l’un des gourous de la musique mondiale), on ne pourra jamais enlever à Oasis le panache qui fût le sien au milieu des années 90. Tout était parfait. Il y avait Noël, l’aîné assez brillant et rigolo qui écrivait des chansons à la pelle, et Liam, le plus jeune, qui avait une tronche à se prendre une tête dans n’importe quel bar du monde après 23 heures, mais qui quand il débarquait derrière le micro avec sa dégaine de singe et ses bras derrière le dos, devenait tout simplement la Rolls des chanteurs.
Ça a duré deux, et puis il y a eu ce troisième album mou du genou, Be Here Now, en 1997, surproduit, dans tubes, et qui annonçait tout bonnement le déclin d’Oasis. La sortie quelques mois plus tard de la collection de face B qui accompagnait les singles du groupe extraits des deux premiers albums était là pour le prouver : Oasis avait connu un âge d’or, de 1994 à 1996. Noel Gallagher, la dernière fois qu’on l’avait croisé, l’avait même reconnu : « J’admets que j’ai eu des années incroyables. Pour les deux premiers albums d’Oasis, j’étais un peu en lévitation ».
Après Be Here Now, il y a eu quatre albums, franchement pas terribles, sauf peut-être le dernier, Dig Out Your Soul (2008), qui sauvait un peu les meubles avec son côté psyché. Mais reconnaissons le, Oasis était devenu pénible. On se souvient de concerts qui sentaient le graillon, de morceaux sous-chantés par un Liam en roue libre, de musiciens juste là pour toucher le cachet. C’était moche. Le seul qui semblait un peu à part, là dedans, c’était Noel, surtout lorsqu’il prenait le micro seul.
En 2006, au Cabaret Sauvage, il était venu seul avec sa guitare jouer des morceaux d’Oasis en acoustique. Ce fût un moment incroyable. Drôle, lucide, attachant, Nono était redevenu notre idole l’espace d’une soirée. Son départ d’Oasis serait aujourd’hui presque une bonne nouvelle, l’occasion pour lui de se pencher sur cet album solo qu’il évoque depuis plus de cinq ans en interview, sans qu’on ne voit jamais la queue d’une chanson. On le sait, le plus âgé des deux Gallagher d’Oasis est un fan absolu de Neil Young : on rêve en secret, pour sa future échappée solitaire, de titres un peu mélancoliques à la guitare, écrits au cordeau, évoquant cette Angleterre middle-class qu’il connaît – enfin connaissait – presque par cœur.
Reste à savoir désormais si l’annonce de Noel Gallagher sur le site internet du groupe, pour le plus grand désespoir de Rock en Seine, ne sera pas la énième péripétie d’un groupe dont les nouvelles nous parviennent depuis dix ans le plus souvent via la rubrique people. En Angleterre, on semble ne pas y croire. Les Gallagher auraient tenté le coup une dernière fois, pour se protéger d’une longue descente vers la lose et l’anonymat.
Pourtant, la déclaration de Noel Gallagher, simple et franche (« C’est avec tristesse mais avec un grand soulagement que je vous annonce que je quitte Oasis ce soir. Les gens écriront et diront ce qu’ils voudront, mais je ne pouvais tout simplement plus travailler avec Liam »), semble être assez honnête. Les deux frangins Gallagher menaient, même en tournée, une vie assez séparée, et Noel ne s’était jamais privé de montrer son agacement envers les frasques de Liam – qui à Rock en Seine aurait donc brisé l’une des guitares préférées de son frangin, dans un coup de colère, mettant ainsi fin à la saga Oasis.
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