Malgré une météo parfois chagrine, l’édition 2015 de Nuits Sonores, qui se tenait du 13 au 17 mai à Lyon, s’est montrée à la hauteur des attentes suscitées par une programmation particulièrement alléchante. Récit.
Face aux multiples tentations d’une programmation se déployant de jour comme de nuit entre divers lieux situés sur la zone urbaine en mutation de la Confluence, le festivalier a fréquemment pu regretter d’être dépourvu de pouvoirs magiques – du genre ubiquité ou téléportation supersonique – qui permettraient de ne rien louper. Hélas, il venait sans cesse buter sur cette irréfragable évidence, paraphrasant feu Daniel Balavoine : Je ne suis pas un super-héros. Il a donc fallu butiner au mieux, avec ses capacités limitées de bipède mortel, dans une programmation à peu près aussi luxuriante qu’une corbeille de fruits tropicaux. D’ailleurs, rien qu’à la regarder, on avait la banane.
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Un élargissement notable
Cette édition 2015 s’est en effet distinguée par un élargissement notable (et appréciable) du spectre musical – orientation qui témoigne d’un stimulant désir d’ouverture, sans rien céder en termes d’exigence artistique. Si les musiques électroniques et le rock indépendant demeurent les deux axes majeurs de Nuits Sonores, d’autres sonorités, d’origine et de nature très diverses, s’offraient à la curiosité du public – que ce soit sur les scènes de jour, à la Sucrière (friche industrielle superbement réhabilitée) et à la Maison de la Confluence, ou sur les scènes de nuit à l’ancien Marché de gros.
On a ainsi pu, par exemple, se faire envoûter par le psyché-jazz sophistiqué, teinté d’influences africaines, d’Idris Ackamoor & The Pyramids, groupe (afro-)américain des années 70 récemment réactivé (et dont le label munichois Disko B a réédité en 2012 les trois albums historiques en un coffret CD judicieusement intitulé They Play To Make Music Fire !). On a pu encore, sur la scène extérieure de la Sucrière, se déhancher sous la bruine au rythme du mix bariolé du DJ anglais Albion (ok, il nous avait peut-être amené la pluie de sa perfide patrie d’origine, mais il a su largement se faire pardonner avec son set joyeux et ensoleillé).
Oreilles et gambettes ont aussi pu frétiller de plaisir sous l’effet de la musique atypique et tonique – sorte de drum’n’bass organique – du trio polonais 67,5 Minut Projekt, convié dans le cadre de la carte blanche à Varsovie. On a même pu entendre de la musique contemporaine, et pas n’importe laquelle puisqu’il s’agissait de la pièce Music For 18 Musicians de Steve Reich, si magistralement interprétée par l’ensemble français Links que des frissons nous parcourent encore l’échine en y repensant.
Orage de décibels
Cerise sur le plateau : plusieurs des musiciens de l’ensemble Links ont rejoint Ben Klock (le DJ/producteur berlinois étant à la fois tête d’affiche et programmateur invité de la première journée) pour les dix dernières minutes de son set – un set d’une implacable rigueur funky qui a fait chavirer la foule rassemblée dans la grande salle de la Sucrière. Si du côté du rock se détache nettement le concert parfaitement électrisant de The Soft Moon, pareil à un orage de décibels striant la nuit, Ben Klock n’est pas le seul à avoir fait forte impression du côté de l’électronique.
L’on retient en particulier le live impeccable de KinK, le mix profond et enveloppant de Daniel Avery, le live compulsif de Voiski (l’un des plus sûrs espoirs de la techno made in France), le mix aventureux et hypnotique de Rabih Beaini (la techno la plus excitante d’aujourd’hui ?), le live bouillonnant du trio lyonnais Palma et le mix élégant et percutant de Diane, autre vaillante représentante de la scène locale. En revanche, les prestations de Moodymann et du duo Carl Craig-Mike Banks ne vont pas nous laisser un souvenir impérissable…
Deux duos marquants
On préfère, pour finir, se souvenir de deux autres duos, légèrement plus marquants. D’une part, Laurent Garnier et Marcel Dettmann, sous les assauts conjugués desquels le Sucre (petit club stylé situé sur le toit de la Sucrière) a littéralement fondu lors de la closing-party dominicale – Garnier ayant causé une spectaculaire poussée de fièvre sur le dancefloor en balançant Salut à toi, l’inusable hymne de Bérurier Noir.
D’autre part, Niños du Brasil, pseudo un poil trompeur derrière lequel opèrent deux Italiens furibards qui, sur fond d’électro-punk vrombissante, braillent et frappent comme des sourds sur leurs kits de batterie, tout en se jetant de temps à autre dans le public. Entre concert dantesque et happening carnavalesque, un ahurissant chaos scénique (et sonique) et, sans conteste, l’un des sommets de Nuits Sonores, toutes éditions confondues.
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