Pour leur tournée qui se clôt par deux dates parisiennes au Trabendo, les Négresses Vertes privilégient leurs vieilles recettes instrumentales et les invités festifs.
« Retrouver la scène après sept ans d’absence, ça ne s’improvise pas. Nous nous serions piégés nous-mêmes en revenant comme tête d’affiche avec une première partie chaque soir. Il fallait un concept original, une manière de refaire surface sans trop subir le poids du passé et de notre répertoire. D’où l’idée des Nuits Négresses : une sorte de revue musicale, un cabaret itinérant multiculturel avec un ensemble d’artistes dont chacun serait représentatif d’un élément musical présent dans la musique des Négresses Vertes.«
Mathias (l’homme-orchestre des Négresses Vertes) et son gang mettront quatre mois à organiser leur incroyable caravane. Leurs invités, ils les ont triés sur le volet, en portant leur choix sur des activistes en instance de contrat discographique. Ainsi, au gré des dates et en alternance, les Nuits Négresses alignent un continuum culturel, une lecture de l’histoire plurimusicale de France depuis les traditions ancestrales jusqu’à la modernité électronique.
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Pour ces deux soirs parisiens de clôture, tous les protagonistes de cette gigantesque boum culturelle seront de la partie : le guitariste flamenco Guiseppe Turtoro, le trio marseillais Dupain (vielle, batterie, tambourin, chants) et sa revisitation du patrimoine musical occitan, Les Clones – les big-beaters montpelliérains, Le Grand David – un zébulon musical amoureux de James Bond et de 2001, l’Odyssée de l’espace, plus les omniprésents DJ Zimpalas (alias BNX et David Walters) pour assurer les intermèdes grooves bondissants entre chaque artiste.
Logiquement, on attend les Négresses au confluent de tous ces genres : en suite logique du kaléidoscope folk méditerranéen et en avant-goût du big beat des Clones, dans une interprétation live et en haute altitude du virage électronique pris par leur musique avec leur album Trabendo. Une belle erreur. Inutile d’attendre une entrée en matière à grands renforts d’effets et d’artifices spatiaux, Les Négresses n’ont gardé de leur voyage au pays des samples que le strict minimum. Sur scène, l’escadrille verte reste prudente avec les ordinateurs, se contente de souligner de quelques effets l’ensemble de ses chansons et privilégie son expression instrumentale traditionnelle. Plutôt que d’embarquer un préposé aux samples, les cinq forains du rock français ont donc opté pour une gestion des samples en interne, déléguant Mimi « le seul à avoir un Bac C et un Bac E dans le groupe » aux machines. Repliées sur leurs bases, les Négresses paraissent d’abord un peu timides, réticentes à l’idée de rénover leur répertoire à la lueur du dance-floor.
« Au début, nous avons testé toutes les boucles d’Howie B, ça ne le faisait pas du tout. Nous avons travaillé plusieurs mois pour trouver une cohérence entre les anciennes chansons et celles de Trabendo. Des disquettes de samples et de boucles qu’il nous a laissées, nous n’avons gardé que très peu de choses pour privilégier notre identité de Négresses Vertes. Il fallait nous affranchir du travail studio effectué avec lui pour retrouver ce qui fait la force du groupe sur scène. » avoue Mathias, fier d’avoir su stopper à temps l’échappée électro pour laisser du temps au groupe et à ses chansons de se refamiliariser avec l’ensemble de ses visions artistiques et s’habituer à une nouvelle vie sans rupture avec le passé. La mixture musicale retrouve son organisation naturelle, voyage dans les disques du groupe avec le chant alterné de Stéphane et de Mathias, orne de quelques dorures instrumentales quelques vieilles pièces et diffuse ses senteurs exotiques autour du feu de camp. Pour la folie et les ambiances de fête, il faudra patienter, se laisser embarquer dans les textes déambulatoires de leurs chansons plutôt que d’attendre impatiemment ces irrépressibles montées de fièvre qui animaient les concerts du groupe il y a dix ans : accompagner le destin de Leïla ou visiter Ce pays en version acoustique avant de plonger en apnée dans la terrible Bodega de fin de set, dépoussiérée de ses anciens habillages club par un big beat tonitruant. Un pont d’or dressé à l’attention des Clones, du Grand David et des deux Zimpalas qui mixeront la fin de la soirée.
Les Négresses Vertes au Trabendo les 4 et 5 mai 2000, 211, Av. Jean Jaurès, 75019 Paris. 21 h, 110 Francs.
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