Revue des troupes au gigantesque festival de Benicassim qui s’est déroulé en Espagne du 20 au 24 juillet, entre mastodontes pop et fines lames electro.
Architecture prolifique, enchevêtrement d’immeubles 70 s, villas démesurées au bord d’une mer huileuse et bouillante, montagne rouge et pierreuse, no man’s land de briques, de béton et de palmiers-plastiques, Benicassim ou le Los Angeles du pauvre se transforme en eldorado musical pour quelques jours. Cette année le FIB proposait une affiche mêlant les grosses pointures des eighties, Madness, Dépêche Mode, Pixies aux jeunes loups de la scène rock, The Strokes, Franz Ferdinand, the Rakes’
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Nous commencerons cette première soirée par une douche froide, alors que paisibles nous commençons à goûter du Pixies en petite forme, une horde de jeunots renversent les barrières et le concert est interrompu. Stupéfaits, nous nous laissons aller à nos mauvaises langues « c’est la faute aux anglais à gros bides. ». Il est vrai que les écrevisses parfum pur malt sont venus en nombre malgré l’absence d’Oasis à l’affiche. Après un quart d’heure de lynchage bien français, les gros poissons en phase de fossilisation reviennent finalement calmer un peu les esprits. Enchaînement de tubes en règle: de Monkey gone to heaven à Where is my mind, du travail de pro qui manqué malheureusement un peu d’âme.
Loin de l’agitation de la grande scène et d’Echo and the Bunnymen, Dominique A nous offre une parenthèse mélancolique avec de longues plages torturées comme si on écoutait de vieilles cassettes de Barbara dans une bagnole face au port du Havre.
Voilà, maintenant nos yeux pleurent de froid et nous entendons les premières notes de The Strokes. Mort à la poésie ! Leurs hymnes ravageurs nous sortent de nos rêveries, ils dévorent les mots et les dinosaures, ici-là-maintenant, du rock brut et acéré comme leur perfecto de cuir.
Place maintenant à la nuit étoilée et électronique avec une ribambelle de perles qui s’égrainent parfaitement jusqu’au petit matin. Tiga qui répond à Ellen Allien qui renvoie la balle à Michael Mayer qui passe la main à Isolée qui laisse Nathan Fake marquer le dernier point au petit matin.
Morrissey, la légende vivante est bien présent ce soir et mouille sa chemise jaune canari pour ses adorateurs. Un peu fatigué mais là en chair et en os, donc forcément extraordinaire.
Mojave 3 offre l’une des plus belles prestations du festival, irradiant la grande scène d’hymnes rêveurs et planants. Le soleil se couche et nous profitons de ce havre de paix pour reprendre des forces.
Franz Ferdinand est à l’aise partout, la grande scène est à la hauteur de leur talent et de leur efficacité. Calibré, léché, un peu trop parfait peut-être ou un peu trop vu, nous filons à travers la foule surexcitée pour nous transformer en oiseaux de nuit.
Soulwax Nite Versions nous accueille dans un tourbillon de sons et lumières bien plus puissant que du Jean Michel Jarre devant les pyramides. Sous la tente, la foule se presse sous les pulvérisateurs et se retrouve pris par la puissance d’un show dément, violent, excitant. Justice puis 2 Many DJ’s enchaînent, nos bras touchent le ciel.
Entre stupeur et tremblement, les poètes androïdes de Poni Hoax donnent tout, machine à fric ou folie ? Les frontières sont floues sur scène comme pour le spectateur mais leur musique décolle les oreilles et les pieds.
Nous sommes encore en transe et nous passons à côté de l’électro minimale et pointue d’Alex Smoke, un peu trop dépouillé et un poil répétitif le berlinois. Ce soir, les grands enfants veulent du ludique et du festif, Coco Cielo aux couleurs de l’Espagne est là avec sa new-wave décalée et vintage.
Pour finir en beauté, Superpitcher prend les commandes pour les dernières heures de la nuit marquées par une excitation lascive. People et Happiness sont les seuls mots qu’ils nous restent, alors que le soleil se lève.
La fraîcheur se cache parfois dans les vieux greniers, nous inaugurons ce troisième jour en croquant avec délice dans la madeleine, Madness. Les blues brothers du ska sont bien là, un peu vieillis, un peu rondouillards mais terriblement convaincants. Sympathique et joyeux, un brin anachronique, voilà ce que nous écouterons à l’heure de l’apéro cet été.
Passons à la version autrement sensuelle des années 80 avec Depeche Mode qui affiche une nonchalance séduisante pour faire oublier le temps qui passe, ça marche, au début, trop contents de voir sur scène le mythe et puis tout à coup le mot sex clignote sur les écrans, le son devient moins bon, une ombre passe et tout se brouille, comment ça nous n’avons plus quinze ans ?
We are scientists en entonnant This scene is dead nous sortent de l’impasse nostalgique, les laborantins du rock nous redonnent espoir. La formule énergique et délurée est presque parfaite et rivalise avec les bandes de The qui récoltent les fleurs sur la grande scène.
Juste bien pour accueillir Art Brut dans une explosion de joie et de confettis. Art Brut c’est le carnaval du rock, foutraque et efficace, loin des clichés de ces dernières années, les membres peinturlurés et souriants nous filent leur bonne humeur. Eddie Argos, le chanteur débonnaire est une machine à rire, il parvient à faire tenir la foule en rendant hommage à feu l’émission Top of the Pop en énumérant les noms d’artiste présents au festival : « Franz Ferdinand, Top of the Pop, Morrissey, Top of the Pop ». Aimer le système tout en le tournant en dérision du grand art brut de décoffrage !
Forcément, Placebo tombe un peu comme un cheveu sur la soupe mieux vaut continuer à défricher sur les bords de l’autoroute, Rework explore des territoires expérimentaux entre pop et électro. Musique futuriste et inventive et Sasha, une jolie chanteuse à la voix obsédante : rien de plus pour nous rendre fous.
Retour au pays avec Jennifer Cardini avant de partir pour la Belgique avec dEUS qui ne parvient pas à nous convaincre ce soir. The Rakes ne fait pas non plus dans l’originalité, un peu de Franz Ferdinand, un peu de The Strokes et au final une impression de déjà vu.
Sylvie Marks et Yvan Smagghe nous tendent les bras mais nous réservons nos forces pour le lendemain et la dernière fête sur la plage de l’histoire de Benicassim.
Il est sept heures du matin et les rues de Benicassim se remplissent de gens barbouillés et salés qui se dirigent comme des zombies vers d’autres plages. Nous attendons un hypothétique taxi en compagnie des membres de Deus. Nous avions pourtant hurlé « Eteignez les lumières, éteignez les lumières » mais le soleil tyrannique a eu raison des mains de fée de Chloé. Nous nous souvenons en diapositif de la nuit qui vient de s’achever. Derrière les palissades de l’espace VIP, le sable était doux et la vodka forte. Le chanteur de Poni Hoax parlait de Céline Dion et de tartines de miel, des mains se serraient, je fixais les tatouages de Miss Kittin, des bras s’enlaçaient, j’enviais le visage parfait de Sasha la chanteuse de Rework, les verres s’embrassaient, Chloé souriait, le sable était doux, incroyablement doux, deux jolies blondes nous avaient rejoué la boom aux platines, la vodka était forte, nous avions hurlé « Eteignez les lumières ! », le jour s’était levé, nos jambes tremblaient, nous hurlions mais le soleil grimpait dans le ciel malgré nos prières, c’était la dernière.
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