Ash prouve que son rock fougueux peut vieillir sans flétrir, se sophistiquer sans devenir clinquant. Il y a une fille là-dessous. Bien sûr que nous avions apprécié leur premier album : conforme à son titre (1977), insouciant, gentiment tapageur, enluminé d’un Lose control directement sorti de la cuisse des Buzzcocks… Une vraie madeleine punk, toute […]
Ash prouve que son rock fougueux peut vieillir sans flétrir, se sophistiquer sans devenir clinquant. Il y a une fille là-dessous.
Bien sûr que nous avions apprécié leur premier album : conforme à son titre (1977), insouciant, gentiment tapageur, enluminé d’un Lose control directement sorti de la cuisse des Buzzcocks… Une vraie madeleine punk, toute au beurre power-pop. Mais nous sentions le trio irlandais trop appliqué à caresser la nostalgie dans le sens du poil pour ne pas émettre quelques réserves euphémiques. Trop sympathique pour se voir accuser de flagornerie pure et simple, Ash n’en restait pas moins sous le joug d’un crédit à confirmer. Ils auront pris leur temps, deux ans, mais évitent aujourd’hui l’écueil haut la main, lui faisant front et le contournant à la fois. Côté statu quo, nous noterons un nouvel enregistrement aux mythiques studios Rockfield, temple trentenaire du binaire britannique, dont émergent toujours des guitares bien amidonnées et un foisonnement récurrent de petites étincelles mélodiques discrètement musclées. Et c’est encore à Owen Morris (épaulé pour le coup par Chris Kimsey) qu’incombe la mise en plis des douze Nu-clear sounds présents. Autre fil rouge : le chant fragile et expressif de Tim Wheeler continue d’éclairer des compositions sans histoire, à la fois sobres et rigoureuses. Ses mots emportés, comme ballottés par des ressacs d’instruments compacts, surfent face aux vents noisy avec une aisance et un naturel assez symptomatiques de leurs racines irlandaises. A l’instar de Fortune teller, Taken out ou Jesus says, superbe single aussi discret qu’enlevé, cette seconde livraison gagne en piment, goût du risque et maturation des ambiances, sans trop se départir de ses tics ado et impétueux. Au tableau des transitions inédites, il conviendra pourtant de souligner quelques accès diffus de modernité que nous attribuerons volontiers à l’arrivée d’un nouvel élément à la fois moteur et régulateur. Humain, en somme. En s’octroyant un second guitariste, féminin de surcroît (Charlotte Hatherley), Ash se donne de l’air, s’attise. L’intuition fait ainsi son apparition au sein de la mêlée et débouche sur quelques havres de nonchalance automnale calibrés pour affronter le présent (Low ebb ou Folk song). On s’étonnera même de trouver en Death trip 21 une sorte de fusion rafraîchie, née d’un autre confluent du hardcore, du rap et de la pop indurée.
Tout compte fait, Ash ouvre ses fenêtres, découvre le monde et l’assimile sans heurt à son petit manuel du punk light. Sans le noyer, les gamins mettent un peu d’eau dans le whisky et réussissent l’exploit de grandir sans se trahir. Il serait sans doute prématuré de conclure que Ash est devenu un grand groupe, voire un groupe de grands, mais ils négocient leur cheminement avec une clairvoyance rare, qui les place allégrement parmi les espoirs à surveiller. Disons que l’aspect posé et réfléchi de leur évolution n’a rien d’une abdication. Seule la raison infléchit par instants le tempo, pas l’arthrite ni les calculs commerciaux. Nous les suivrons donc une fois encore vers ce qui commence à ressembler à une coordination très décente des options rock ayant cours.
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