Nils Petter Molvaer ressemble à ces aventuriers indécrottables qui ont habité les romans de notre jeunesse, à ces loups de mer au regard constamment perdu à l’horizon. De fait, dans cette scène norvégienne qui s’est appropriée l’appareillage techno pour ouvrir au jazz de nouvelles et pertinentes perspectives (avec comme catalyseur Bugge Wesseltoft), il pourrait prétendre, […]
Nils Petter Molvaer ressemble à ces aventuriers indécrottables qui ont habité les romans de notre jeunesse, à ces loups de mer au regard constamment perdu à l’horizon. De fait, dans cette scène norvégienne qui s’est appropriée l’appareillage techno pour ouvrir au jazz de nouvelles et pertinentes perspectives (avec comme catalyseur Bugge Wesseltoft), il pourrait prétendre, en vrai Corto Maltese scandinave, au rôle de la tête brûlée. S’il n’oublie pas que sa trompette est aussi son gagne-pain, il refuse depuis longtemps de verser dans l’alimentaire, de goûter au prémâché, penchant pour le hors-piste et les eaux troubles au détriment d’itinéraires trop clairement balisés. S’il est resté un rocker dans l’âme, qui goûte les contrastes entre accalmie et agressivité, le grand Nils a retrouvé foi en son instrument. Il a surtout trouvé sa voie grâce à deux parrains putatifs, Miles Davis et le pionnier de l’ambient-jazz, Jon Hassell. Sans le savoir, ces deux là sont devenus les garde-fous imaginaires de sa créativité, deux exemples parmi d’autres où la détermination s’est révélée fertile.
Pour adopter une démarche aussi libre et contemporaine, Nils a choisi de s’entourer d’instrumentistes affranchis (notamment le guitariste Edvin Aarset) mais aussi de machines vierges de tout a priori. Khmer, Solid Ether et le nouveau NP3, cartes postales envoyées par un Nils Petter Molvaer parti en éternel voyage, reflètent fidèlement les numéros d’équilibriste auxquels il aime se livrer. Réalisés sur un fil électro-acoustique et souvent sans filet, ils confrontent des disciplines antagonistes, des couches de sons qui se chevauchent. Dans NP3, les roulements de la drum’n’bass secouent ainsi la douceur de paysages ambient, des scratches viennent apporter un peu de désordre à des éclaircies jazzy sans que l’on sente un mode de construction récurrent installer sa routine. Mais l’habileté de Molvaer et de ses compagnons à lier ensemble leurs sources d’inspiration sans dévoiler de ficelles trop visibles vient davantage d’une incapacité à expliquer leur recette plutôt que d’une volonté de brouiller les pistes. Quand il définit ses disques comme des plates-formes avant d’amples développements live, on saisit sa hantise : la peur, à force de voir gravée sur sillon sa musique volatile, qu’elle finisse par rester enfermée dans sa cage.