Véritable pile de rap au potentiel sans cesse renouvelé, le Genevois DI-MEH a pour habitude de sortir un projet tous les 10 mai. On a réussi à l’arrêter une petite heure pour dresser son portrait en attendant sa prochaine livraison.
Quand on le rencontre mi-janvier, à Paris, dans un bar planté en face du métro Jaurès, DI-MEH lance un “bonjour” rocailleux d’une voix presque absente. Les derniers freestyles ont semble-t-il laissé des traces. Pendant plusieurs jours, le Suisse a accompagné Lomepal au micro de Skyrock. Une semaine passée à retourner le studio de Planète Rap pour rappeler à tout le monde qu’il compte bien parmi les meilleurs rappeurs francophones du moment.
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« J’étais toujours sur Paname pour le rap »
La grosse année de concerts enchaînés avec ses potos Slimka et Makala lors du bouillant XTRM Tour avait déjà largement confirmé les attentes d’une fanbase de plus en plus large. En progression constante depuis 2017 et la sortie de son ep intitulé Focus, vol.1, DI-MEH est un véritable enfant du rap. Pas encore 24 ans et déjà la moitié passée à rapper, le Genevois explose de rage et d’intensité dès qu’il monte sur scène.
En interview, son moteur se rapproche plutôt d’un diesel. Et il faut attendre une bonne dizaine de minutes pour que la machine à souvenirs ne s’emballe et qu’il se remémore les années primaire et collège aux Pâquis, le quartier populaire de Genève : “J’ai commencé le rap à 11 piges et j’étais déjà déterminé ! J’ai appris avec mes cousins. Je faisais des scènes sur Genève. L’école, ça n’allait pas trop. A un moment, ma famille est rentrée au bled et j’ai été scolarisé là-bas. Quand on est rentré en Suisse, j’étais déphasé. »
J’ai continué la school tant bien que mal jusqu’au moment où j’ai trouvé un apprentissage. Mais j’étais toujours sur Paname pour le rap… Je crois que j’ai perdu trois tafs à cause du pe-ra. Ça fait trois ou quatre ans que je peux enfin ne faire que ça, c’est le rêve.”
Freestyle skateboarding
S’il admet avoir “cassé la tête à tout le monde avec le rap” avant de parvenir à se canaliser, DI-MEH n’a pas occupé son adolescence qu’à noircir des pages blanches et à rimer en boucle. Le skate a constitué un premier territoire de liberté au moins aussi addictif.
Il nous attrape par le pull et écarquille les yeux au moment d’évoquer les pulsions qui l’habitaient le jour où il a découvert le skatepark de Plainpalais, en plein cœur de Genève : “Je traînais avec un pote qui volait des vélos. On était vraiment tout petits, des kids ! On est descendus en ville, genre pour la première fois, et on est tombés sur le skatepark de Plainpalais ! Pour nous, c’était un parc d’attractions. J’ai vu un mec faire du skate, il était trop stylé. Je suis remonté chez moi, car je savais que j’avais un skate dans ma cave. Ma cave, c’était Jumanji mais j’ai fini par récupérer le truc !”
« J’essaie de rouler pour faire le beau devant des meufs et je tombe direct ! Le skate roule et passe sous le bus… » DI-MEH
Le jeune Mehdi monte dans un bus pour rallier un autre skatepark, plus proche du quartier des Pâquis. “Je sors du bus, j’essaie de rouler pour faire le beau devant des meufs et je tombe direct ! Le skate roule et passe sous le bus… Je suis allé au skate shop pour savoir s’ils pouvaient le réparer et finalement ils m’en ont offert un d’occasion. C’était parti !”
Elargir sa culture musicale
Quand on lui demande s’il a des souvenirs aussi vivants liés à ses premiers pas dans le rap, DI-MEH n’hésite pas une seconde et cite tous les groupes trouvés dans une clef USB prêtée par “un grand du skatepark” : “J’étais petit, je n’avais aucune culture. Mon pote avait Crazy Frog et Fatal Bazooka sur son tél… Et là, d’un coup, un mec arrive avec Les Sages Po’, les X-Men, Time Bomb, tout le Wu-Tang, A Tribe Called Quest, J. Dilla, Pete Rock… Je ne le remercierai jamais assez !” Pour DI-MEH, le skate a également été important pour élargir sa culture musicale en dehors du rap.
Ado, il se bute aux vidéos de ses skateurs préférés, souvent accompagnées d’une BO rock : “Ça m’a ouvert l’esprit. Nirvana, les Red Hot, Led Zeppelin… On se tapait des délires mais je n’allais pas jusqu’à mettre ces sons sur mon téléphone. Aujourd’hui, je n’écoute pas trop de rock. Plutôt des sons rebeu et des rappeurs du bled. Des mecs comme Moro ou ElGrandeToto. J’écoute aussi beaucoup des sons afros : Wizkid, Burna Boy, Tiwa Savage… Ils sont trop énervés !”
« Plus le succès grossit, plus la jalousie te guette » DI-MEH
Il sort alors son téléphone pour faire défiler ses dernières écoutes. Il s’arrête rapidement sur Zahouania, “l’une des premières chanteuses de raï populaires en Algérie”, dédicacée en 1999 par le 113 sur le classique Tonton du bled. DI-MEH venait tout juste de fêter ses 4 ans. Le 29 septembre 1994, il n’était pas encore né lorsque Cheb Hasni fut assassiné dans les rues d’Oran.
Un souvenir toujours douloureux pour son père qui était très ami avec la légende algérienne : “Aujourd’hui encore, il m’arrive de rentrer chez moi et de trouver mon père en boucle sur Hasni. Sa mort l’a vraiment marqué. Il n’est pas forcément rassuré de me voir dans la musique. Mes parents me soutiennent, mais ils me mettent aussi en garde. Plus le succès grossit, plus la jalousie te guette. Je ne suis pas parano, je sais bien que je ne suis pas dans un délire ultra street, mais j’ai envie de faire les bons choix. » Focus !
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