Même ses détracteurs les plus acharnés reconnaissent une qualité à Noel Gallagher,le compositeur d’ Oasis : sa passion viscérale pour la musique. Au moment d’achever l’enregistrement d’un deuxième album à paraître à l’automne, cet acharné du rock anglais raconte avec une humilité inédite ses groupes essentiels.
The Beatles Mon morceau préféré, c’est Ticket to ride. J’ai toujours éprouvé une passion sans bornes pour ses harmonies, la manière dont le couplet et le refrain fusionnent. La chanson Strawberry fields for ever est objectivement meilleure, plus riche, mieux écrite, mais Ticket to ride a l’avantage d’être beaucoup plus directe, plus énergique: en trois minutes, l’affaire est bouclée. C’est sans doute l’une des meilleures chansons pop de tous les temps. Et puis les paroles sont parfaites là où tant d’autres auraient chanté I know I’m gonna be sad (Je sais que je vais être triste), les Beatles chantent I think I’m gonna be sad (Je crois que je vais être triste). C’est beaucoup plus malin… Si je ne devais garder qu’un album, ce serait l’une des compilations ? rouge et bleue ?? peut-être la rouge. On a tous commencé par là, non ? Et si je devais choisir un véritable album, ce serait The White album. Pour le nombre de morceaux, le sens du risque et les chansons I’m so tired et Helter skelter. L’Album blanc, c’est un fantasme pour tous les musiciens que je connais qui n’a pas rêvé d’enregistrer un jour un disque de cette qualité, de cette intensité Honnêtement, je ne sais pas si Oasis en est capable. Avant de s’attaquer à ce genre de monstre, nous devrons encore bosser très dur, enregistrer un ou deux albums de chansons pop. Ensuite, on verra… Mon Beatle préféré, c’est John Lennon. Un vrai caractère, un héros absolu. J’admire cette faculté qu’il avait de se moquer de tout, hormis des Beatles et de ses chansons. McCartney écrivait sans doute de meilleures mélodies mais, à mes yeux, il n’arrivait pas à la cheville de Lennon. Pourtant, j’aurais sans doute détesté Lennon si je l’avais rencontré, je crois que c’était un sale con… Je ne vois pas de point faible chez les Beatles. Plutôt des erreurs tactiques : avoir arrêté les concerts ? ce que je trouve assez ridicule ? et avoir laissé Yoko Ono s’infiltrer. Et puis s’être séparés avant que j’aie pu les rencontrer.
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The Rolling stones Mes chansons favorites ? Jumping Jack Flash et Brown sugar, deux putains de tueries rock. Les Stones ont toujours satisfait mon côté rebelle, chien fou. Tout ce que je ne trouvais pas chez les Beatles, je le trouvais chez les Stones. Avec ces deux groupes dans ma vie, j’étais parfaitement heureux. Pour moi, il n’y avait pas de rivalité, pas de combat entre les deux groupes. Ça me fait rire lorsque, de la même manière, les
gens cherchent à opposer Blur à Oasis. Nous ne sommes pas ennemis, même si je n’aime pas la musique de ……. Mon album favori des Stones, c’est Let it bleed. Surtout à cause du son. C’est le son du moment, le disque qui représente le mieux son époque. Peu de disques parviennent ainsi à marquer une année… J’adore MickJagger, même si mon c’ur de guitariste bat avant tout pour Keith Richards. Mais Jagger, c’est les Stones. Ce type a réussi le plus grand exploit de l’histoire du rock: devenir une créature unique, un Jagger, avec une bouche de Jagger, des fringues de Jagger, des danses de Jagger. On ne dit pas: c’est un homme. On dit: c’est Mick Jagger… S’il y a une chose que je regrette chez les Stones, c’est une certaine tendance au mauvais goût. Comment ont-ils pu tomber dans le panneau de la disco ? Je déteste les disques qu’ils ont enregistres vers 1976 ou 1977, en pleine période punk. Comment peut-on être aussi largués ? C’est à croire que ces mecs-là ne sortaient jamais de chez eux.
The WHO LesWho : une grande explosion, un magnifique bordel! I can see for miles est sans doute le morceau qui les représente le mieux: ses harmonies vocales superbes et une batterie qui menace d’exploser à chaque instant. Imbattable… Mon album préféré, c’est The Who sell out, pourtant très sous-estimé. Le membre des Who que je préfère ? Pete Townshend, le roi des guitaristes ? parce qu’il a influencé Paul Weller et que Paul Weller, m a ensuite influencé. Lorsque je l’ai vu jouer pour la première fois, je n’en ai pas cru mes yeux. On aurait dit qu’il jouait pour sauver sa peau, qu un tueur fou était en train de le mettre en joue et que Pete voulait échapper aux balles: un type magnifique, encore plus fou que Keith Moon, le batteur. J’ai toujours été fasciné par son rapport aux guitares: Pete est à la fois un collectionneur passionné et un terroriste. Il ne respecte rien, pas même ces guitares qu’il adore plus que tout au monde. Moi, je trouve ce manque de respect absolument admirable. Hélas, ils sont devenus trop tristes pour moi. Et tellement pompeux. J’espère qu’Oasis vieillira mieux que ça… J’ai croisé Townshend dans un aéroport il y a un an ou deux. Il lisait un article sur Oasis publié dans The Face: on a bien rigolé.
Pink Floyd Chanson préférée: Wish you were here, tirée de l’album du même nom. A la fois riche et mystérieuse, sombre et lumineuse. Mes trois disques favoris, tous très différents: The Piper at the gates of dawn, Wish you were here et The WaIL Pour tout le monde, The Wall est ringard, mais pour moi, c’est l’un des plus grands albums de tous les temps : pas une seule chanson faible, des ambiances incroyables, des tas de trouvailles techniques. Tout le monde pense que Syd Barrett était le génie des Floyd, mais je préfère le travail de Roger Waters. Sur The Wall et Wish you were here, c’est lui le patron. Et diriger un groupe comme Pink Floyd ne devait pas être chose aisée. A côté, mener Oasis, c’est du gâteau… Plutôt qu’un point faible, j’aimerais souligner la plus grande force de être capable d’écrire des chansons parfaitement intégrées à leurs albums respectifs mais également parfaitement carénées pour être écoutées séparément. C’est vraiment l’un de mes groupes préférés : je suis capable de jouer tout The Wall à la guitare sèche.
The Jam Ma chanson préférée s’intitule Tales from the riverbank ? c’était la face B d’un single. Avec The Jam, j’avais enfin un groupe à moi, une musique que je pouvais considérer comme mienne, que je n avais pas a partager avec les autres. Les Beatles et les Stones, c’était les groupes de mes parents ; les Who, le groupe de mon grand frère; Pink Floyd, le groupe de mes potes. Mais là, pour la première fois, je pouvais vivre un truc en solo. J’aime beaucoup les albums Sounds effects et AIl mod cons. Mais là encore, c’est une compilation qui remporte tous mes suffrages. Sur Snap, tout est là: c’est sans doute le disque le plus fourni, le plus touffu de l’histoire du rock… Paul Weller est The Jam, de la même manière que Lennon et McCartney étaient les Beatles. Leur plus grande qualité ? Ils donnaient l’impression que chaque. concert était leur dernier, qu’il devaient vivre chaque seconde à fond, sans réfléchir, sans respirer. J’admire ce sens de l’urgence plus que tout au monde. Une erreur: avoir voulu intellectualiser sa musique avec Style Council, même si quelques chansons de l’époque sont proches de la perfection. D’un seul coup, Weller était moins proche de la rue. Mais il a su revenir, alors on l’excuse. Je crois que ses disques actuels sont sans doute ses meilleurs… Depuis quelques mois, Paul est devenu un excellent pote.
The Sex Pistols Meilleure chanson: Pretty vacant, pour le jeu de guitares à la fois violent et raffiné. Un modèle. Je préfère leurs singles à leurs albums, parce que ce sont eux qui ont pris tout le monde par surprise. Pour moi, les Pistols étaient infiniment meilleurs que Clash ? l’un des groupes les plus surestimés de l’histoire. Si vous habitiez en Angleterre à cette époque, les Pistols étaient partout, à la télé, dans la rue, dans l’esprit de la nation. Même lorsque le groupe était banni à la radio, ses disques étaient en tête des charts. J’ai trois héros parmi les Pistols: Paul Cook, sans doute le meilleur batteur de cette génération, le guitariste Steve Jones, et Lydon, qui est un pur génie ? il faut absolument lire sa biographie. Et puis, ils ont su s’arrêter au bon moment, après quelques années de folie absolue. D’une certaine manière, les Pistols étaient les Who de la fin des seventies. Même attitude, même sens de l’urgence. Mais où sont les Who des années 90 ? Pour moi, on ne peut pas aimer les Pistols sans aimer les Buzzcocks, qui représentaient le versant romantique du punk. Des chansons d’amour jouées à deux cents à l’heure, quelle idée formidable ! Tout le monde devrait posséder les singles des Buzzcocks.
Joy Division Je n’ai jamais compris pourquoi tant de gens considéraient Joy Division comme un groupe noir et cafardeux. Ils ont quand même écrit l’une des chansons les plus romantiques de tous les temps, Love will tear us apart ? l’une de mes deux préférées avec Atmosphere. Pour moi, c’est une musique blanche, claire, lumineuse, certainement pas une musique obscure. Unknown pleasures est l’un de mes disques préférés de tous les temps, je l’ai écouté de bout en bout des milliers de fois. Il y a un élément magnifique chez Joy Division et New Order, c’est la pauvreté du jeu de guitare. Barney est peut-être le plus mauvais guitariste que je connaisse et, pourtant, je ne peux pas m’empêcher de l’admirer. A mes yeux, il vaut tous les Jimmy Page de la terre… Un point faible Leur copain Tony Wilson, le roi des trous-du-cul. Je déteste toute cette mafia de Manchester, de l’Haçienda à Factory.
The Smith Deux chansons préférées: Hand in glove et How soon is now. Un album intouchable: The Queen is ……. Même coup de foudre que pour The Jam: d’un seul coup, The Smiths apparaissait à Top of the Pops et tout le pays tombait sur le cul en se demandant qui étaient ces zozios, ce type à la guitare caché derrière des lunettes noires et une interminable mèche de cheveux, ce chanteur qui se dandinait comme une folle. Quel spectacle incroyable ! Très vite, j’ai cru en ce groupe, en son potentiel d’écriture. Beaucoup disaient qu’ils ne dureraient pas, mais, moi, je les savais prêts pour de grandes choses. Je ai vus à l’Haçienda juste avant la sortie de Hand in glove, ils étaient incroyables. Pour moi, ils sont le dernier grand groupe classique: ils représentent la fin d’une époque où le succès se construisait d’abord sur des chansons. Aujourd’hui, tout est devenu beaucoup plus compliqué.
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