Sans mari (le suicidé Kurt Cobain), sans fille (placée chez sa grand-mère), Courtney Love a reformé Hole, son groupe rageur des années 1990. Aujourd’hui, l’amazone est clean et sort le disque de la dernière chance.
“J’en suis totalement revenue. Je n’ai vraiment pas aimé Hollywood. Tous les acteurs, même les plus connus, attendent sur une liste qu’on veuille bien les choisir. Etre sur une liste, ça m’insultait, devenir mainstream aussi. Maintenant je commence à aimer l’idée. Quand je suis allée récemment rendre visite à Gwyneth (Paltrow – ndlr) à Londres, ça m’a redonné envie, elle m’a vachement poussée.” La situation n’est plus tout à fait la même que fin 1998. Pendant la décennie 2000, trop défoncée pour qu’un studio veuille prendre le risque de l’assurer en tant qu’actrice, Courtney était devenue persona non grata à Hollywood. “J’ai un nouvel agent, super puissant. Il sait que je peux bien me conduire – enfin jusqu’à un certain point. Là, j’ai vu qu’il m’avait appelée, je flippe. Peut-être va-t-il me dire qu’il n’a rien pour moi”, explique-t-elle en écrasant un énième mégot.
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Qu’importe si Hollywood lui ferme la porte, Courtney rentrera par la fenêtre. Elle coproduit actuellement un biopic consacré à ses années avec Cobain. Dans la presse spécialisée et sur le net, on murmure que Robert Pattinson pourrait se laisser pousser le cheveu et revêtir la célèbre chemise à carreaux de Kurt. “Pattinson ? Sûrement pas ! C’est des conneries”, explose Courtney, avant de lâcher, un poil perfide, en référence à Twilight : “Qu’il retourne se foutre de la poudre brillante sur le visage ! Une tonne de petits mecs de 25 ans me tournent autour ces derniers temps. Je ne comprenais pas trop pourquoi, je n’aime pas les jeunots. Puis un ami réalisateur m’a ouvert les yeux : Courtney chérie, ils veulent le rôle !”
Courtney Love parle sans discontinuer et, plutôt que de répondre aux questions, saute d’un sujet à l’autre, orientant la conversation comme bon lui semble. Ça donne parfois un monologue sans queue ni tête, des anecdotes approximatives et fantasques dans lesquelles se télescopent Karl Lagerfeld, Saint- Tropez, Kate Moss, Marianne Faithfull et Scarlett Johansson.
Parfois des tirades d’une grande honnêteté, comme lorsqu’elle parle de ses doutes actuels ou de son physique. “J’ai commencé à devenir moche vers 14-15 ans, mon nez a explosé au milieu de ma figure. J’étais une gosse mignonne jusque-là. Etre belle et perdre sa beauté, c’est une expérience étrange. J’ai fait de la chirurgie esthétique. Je suis contente du nez parce qu’il me posait un vrai problème. J’ai dû le faire refaire deux fois. J’ai refait mes lèvres, mes seins aussi mais ils ont pété. J’avais l’habitude d’enlever mon T-shirt super souvent, comme la putain d’amazone que je suis et bon voilà…”
L’amazone est aujourd’hui seule avec sa guitare et un disque qu’elle brandit un peu comme sa dernière chance. Elle l’a intitulé Nobodys’ Daughter, “la fille de personne”. Un parfait résumé de son histoire et d’une enfance qu’elle traîne comme un boulet. Née en Californie, Courtney Michelle Harrison navigue comme elle le peut entre un père totalement barge, ancien manageur du Grateful Dead (il lui aurait administré du LSD à 4 ans) et une mère qui ne voudra jamais vraiment d’elle. “Je me reconnais totalement dans le titre de ce disque, explique Courtney. Frances aussi, bien qu’elle ait une mère. Ça vaut aussi pour ma mère, qui a été adoptée. Ma mère, qui est une personne affreuse, a écrit dans un bouquin qu’elle ne me désirait pas. Mais je suis là. Elle n’a pas avorté. Je ne sais pas ce que c’est d’avoir une mère. Vraiment pas. Le seul sympa, c’était mon beau-père.”
Peu importe au final que Nobody’s Daughter, disque composé par Linda Perry (faiseuse de tubes pour Christina Aguilera, Gwen Stefani…) et Billy Corgan (avec qui elle semble brouillée et qui a longtemps bloqué la sortie du disque), soit un album inégal. Il y a ce single efficace mais accessoire (Skinny Little Bitch, manifeste punk musclé anti-cougar), du Hole plus classique (Samantha, Pacific Coast Highway), beaucoup de ratés et quelques fulgurances : Never Go Hungry, très Dylan, Letter to God, vertige métaphysique écrit en cure de désintox et la chanson titre Nobody’s Daughter.
Avec cet album cabossé, fatigué, chanté d’une voix qui n’a jamais été aussi grave et éraillée, Courtney n’a peut-être jamais autant fait face au trou – ce “hole”, nom qu’elle a choisi à ses débuts en référence à une phrase prononcée par sa mère : “Tu ne vas pas te trimballer ce trou toute ta vie sous prétexte que tu as eu une enfance difficile !” Elle a tenté toute sa vie de combler ce vide à coups de drogues, de mecs, de célébrité, de maternité, mais il demeure et semble au bord de l’engloutir.
Même la scène ne semble plus d’aucun secours. “La scène était une catharsis pour moi. Elle l’est toujours mais j’ai mal. Pourtant le public me donne ce qu’il peut : ils connaissent toutes les paroles, sont super impliqués. Ils sont supposés faire quoi ? Acheter plus de T-shirts à la sortie ? Je ne sais pas, je crois que ça ne me suffit plus. Je crois qu’avoir un mari, une famille me manque vraiment, explique-t-elle avant de se lever d’un bond. Je vais aller ranger ma chambre maintenant. J’espère que tu pourras en tirer quelque chose.”
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