A la demande de Natalie Portman, nous avons rencontré Rob, musicien français connu pour ses deux albums solo et ses collaborations avec Phoenix et Sébastien Tellier. Depuis, il a été happé par le cinéma et vient de boucler la musique du film de Rebecca Zlotowski, « Planétarium ».
C’était la fin des années 1990. Natalie Portman incarnait la reine Amidala dans la deuxième fournée de Star Wars et nous découvrions, dans la foulée d’une French Touch en pleine bourre, un grand type aux cheveux longs et à la sensibilité extrême, tout juste sorti des Beaux-Arts.
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Il s’appellait Rob et, signé sur le label Source (Air, Phoenix), il envoyait des singles bouleversants qui le menèrent, au début du XXIe siècle naissant, à publier deux albums quasiment coup sur coup, Don’t Kill (2001) et Satyred Love (2002), tous deux contenant de véritables petits classiques.
On pense d’emblée à Running for the Gold (qu’on trouve sur Don’t Kill), titre aussi nonchalant que lumineux, qui fixe d’emblée la nature du personnage : Rob est un surdoué qui pourrait cramer la concurrence easy, mais qui a plutôt choisi de la regarder s’essoufler en remuant le nectar de son verre d’un geste lent.le compositeur attitré des films de Rebecca Zlotowski
Le jeune cinéma français se l’arrache
Aujourd’hui, à 37 ans, il est ainsi le compositeur attitré des films de Rebecca Zlotowski, dont le dernier, Planétarium, met justement en scène Natalie Portman. Il est aussi l’un des compositeurs que le jeune cinéma français s’arrache, et ce n’est qu’un début. Pour en arriver là, le parcours a été sinueux mais toujours maîtrisé.
“Je crois que j’ai un côté précurseur. En 2002, je jouais sur scène avec des twin guitars et tout le monde trouvait ça ridicule. Quelques mois plus tard, tout le monde en avait et disait que c’était le retour du rock. Je m’en fous, je ne suis pas du tout revanchard. J’aime bien être une sorte d’outsider, ce personnage est assez confortable.”
“Moi, mes influences, c’est la musique de Shuki Levy pour Les Mystérieuses Cités d’or, puis il y a Komeda, la musique du Bal des vampires, la musique carpatique, lugubre. Puis Morricone, que j’ai découvert dans Mission. Et Chapi Chapo par François de Roubaix bien sûr.”
L’aventure French Touch
Après la fermeture du label Source en 2002, Rob disparaît quelques mois des radars mais n’arrête pas pour autant de composer. Ses potes de la French Touch l’embarquent dans leurs aventures. Seb Tellier le cale sur la tournée de Politics dès 2004. “C’était l’époque dark de Tellos, on était sur quelque chose de presque cabaret. Epoque joint-alcool, il y avait de grands moments de malentendus, il lui arrivait de manger des cendres sur scène.”
“On avait fait un concert en Belgique où il était resté en boule sur scène sous le piano durant vingt-cinq minutes, pendant que je gérais au piano. Il m’arrivait de pleurer après les live, tellement j’avais l’impression qu’on avait tout donné.”
En 2005, il signe sa première collaboration à l’image. C’est avec sa femme, la réalisatrice Maria Larrea, pour le court métrage Pink Cowboy Boots. En 2006, il intègre la formule live de Phoenix et accompagnera le groupe dans sa tournée américaine triomphale de 2009 après le carton ricain de Wolfgang Amadeus Mozart. Il est de l’équipe qui fera le premier Saturday Night Live pour un groupe français, c’est bien entendu historique.
“C’était un grand moment, c’était mythique, on était dans l’industrie de l’entertainment, on l’a pris en plein dans la gueule. Ensuite, on a fait les Grammy Awards, le Hollywood Bowl, le Madison Square Garden.” Depuis lors, Rob est toujours le cinquième Phoenix, jouissant pleinement de sa position en recul.
“Je suis avec eux, je vois comment ça marche, je vois comment les décisions sont prises, mais je ne suis pas vraiment dedans, ce n’est pas mon projet. C’est super intéressant. ça me libère de plein de fantasmes d’artistes. Jouer devant 50 000 personnes, c’est fait.”
Le compositeur attitré des films de Rebecca Zlotowski
En 2010, Rob revient aux affaires en solo avec un projet ambitieux, Le Dodécalogue, inspiré par l’histoire des apôtres. Signé sur le label Institubes, qui commence à prendre l’eau, l’histoire, pourtant passionnante, s’arrête au bout de six volets. En 2010 encore, Rebecca Zlotowski, copine de promo de sa femme Maria Larrea à la Fémis, propose à Rob de composer la BO de son tout premier film, Belle Epine, avec Léa Seydoux. “C’est Rebecca qui, la première dans le ciné, m’a parlé de Don’t Kill et de Dodécalogue et m’a dit : ‘Je prépare mon premier long, allons-y ensemble’. Et j’ai trouvé ça dément.”
Rob sera à l’œuvre sur le deuxième film de Zlotowski, Grand Central (2013), et donc sur le troisième. Avec la nonchalance dont nous parlions, il s’est installé progressivement dans le paysage cinématographique français, avec son talent et sa tignasse. “Dans le cinéma, ils sont à la recherche de singularité, donc c’est l’occasion de tenter des trucs, du Cristal Baschet aux ondes Martenot, en portant des émotions.” Vu de l’extérieur, comme dirait Gainsbourg, autre ambidextre pop et ciné, le parcours semble donc assez logique.
Un vinyle intitulé Autour du Planétarium
Depuis 2015, Rob collabore aussi au Bureau des légendes, la cool série d’Eric Rochant. “Je n’ai jamais travaillé autant”, explique-t-il. Autour de lui, une équipe, et son fidèle ingé-son Jack Lahana. Rob a désormais sa boîte et son studio, dans l’ancien studio Plus Trente. Il nous en fait faire la visite fièrement. La pop ? Il ne l’a pas totalement abandonnée. En 2016, il a produit l’un des artistes les plus cool du moment, Barbagallo.
Certains lui demandent de rejouer ses deux albums, mais il préfère prendre son temps. “Pour le moment, je kiffe. Là, je vais sortir un vinyle inspiré par la musique du dernier film de Rebecca qui s’appelle Autour de Planétarium, et j’en suis très fier.” Autour de Planétarium, et surtout, au tour de Rob.
BO Planétarium, deux volumes incluant les BO (inédites en CD) des deux premiers films de Rebecca Zlotowski, Belle Epine et Grand Central (Music Box Records). Sortie le 10 novembre
vinyle Autour de Planétarium (Hippocampus). Sortie le 16 novembre
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