Le solitaire texan tente d’assommer ses vieux démons : la trouille et la bouteille. D’abord, la légende. La cabane de rondins au fin fond du Tennessee, les chevauchées solitaires, les bitures homériques. C’est par le pittoresque qu’on a découvert Townes Van Zandt, avant d’entendre ses chansons si belles qu’elles en ôtent toute velléité de […]
Le solitaire texan tente d’assommer ses vieux démons : la trouille et la bouteille.
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D’abord, la légende. La cabane de rondins au fin fond du Tennessee, les chevauchées solitaires, les bitures homériques. C’est par le pittoresque qu’on a découvert Townes Van Zandt, avant d’entendre ses chansons si belles qu’elles en ôtent toute velléité de comparaison et d’oublier tout le reste. Les amours célestes d’un harmonica, d’un piano et d’un violon (Flyin’ shoes), les cruelles et capiteuses confidences d’un Valmont américain (Rake), les chavirants arrangements de cordes de Momma delta blues, signés, pareil nom ne s’invente pas, Robert Frangipane, rien là-dedans ne ressemble au folklore crotté aux basques des baroudeurs texans. Pas évident pourtant d’entrer dans No deeper blue, son premier album studio depuis des lustres. Plombée, la légèreté de To live’s to fly, froissée, la voix qui valsait sur le vaporeux Maria. Une guitare éméchée, accoudée au comptoir, débite sur un ton hâbleur des histoires maintes fois rabâchées par Calvin Russell et ses épigones. No deeper blue emprunte la piste rockabilly, fait la course avec le Pan American d’Hank Williams, le temps de deux trépidantes équipées ferroviaires (Goin’ down to Memphis et BW railroad blues). Autrefois, les chansons aériennes dissimulaient de vilaines phobies, rampantes (The Snake song) ou velues (The Spider song) ; aujourd’hui, la guitare tremblante tente de tenir à distance des terreurs enfantines. Townes Van Zandt, le sourire de guingois, a quelque chose de Norman Bates : l’ombre d’une masure gothique s’allonge et plane sur la petite maison dans la prairie. Un violon grince, c’est la porte d’un inquiétant sous-sol qui s’entrouvre. Nécrophilie cocasse (Billy, Boney and Ma ou les amours d’une dame vieillissante et d’un vigoureux squelette) ou vision cauchemardesque (dans The Hole, une créature mi-goule mi-méduse emprisonne un gosse trop curieux au fond de son caveau). Le bleu nuit de No deeper blue vire au noir, Marie en résume les thèmes, deuil et fuite. D’une beauté désespérée, cette complainte d’un trimardeur au bout du rouleau parvient, sur un sujet rebattu, à être émouvante au-delà de ce qu’il est raisonnable d’attendre d’une chanson. Mais Townes Van Zandt a-t-il jamais prêté l’oreille à la raison ?
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