Quinze albums, trente ans de carrière et une tension intacte : Nick Cave revient avec ses Bad Seeds, faussement apaisé, tenant l’urgence et la folie en laisse. Un crooner sous un volcan. Critique et écoute.
Push the Sky away, le nouvel album de Nick Cave, est de ceux qu’on enregistre au crépuscule. Celui de la vie : quand on toise le futur en noir avec mépris et effroi, avec une couverture chauffante sur les genoux et une guitare sèche pour chasser les démons – de Johnny Cash à Bashung, la mort impatiente est souvent venue jouer le featuring terrassant en studio. Sauf que le Nick Cave qui nous reçoit dans sa ville d’adoption de Brighton est encore un jeune homme en colère de 55 ans. Et sa couverture électrique est branchée sur 10 000 volts. Ce n’est pas encore le chant du cygne noir : juste le repos du guerrier, revenu de farouches escarmouches avec l’électricité au sein de son autre groupe, Grinderman.
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S’il y a peu de guitares sur cet album tout en tension retenue, c’est que le guitariste est parti : plus de Mick Harvey, fidèle grognard des Bad Seeds, qui a embarqué ses riffs rouillés mais tranchants qui filaient la fièvre et le tétanos à ce blues de carnaval maudit. La guitare électrique, Nick Cave l’a remplacée par un instrument autrement plus dangereux, sauvage, bruyant : le silence. Il fait de gros trous entre les notes et donne à ce quinzième album sa puissance nouvelle : les chansons montent comme un mercure insensé – comme d’habitude – mais n’explosent plus.
D’abord frustrantes dans cette façon de jouer avec les nerfs, elles tourmentent avec une efficacité neuve, qui préfère l’invasion lancinante à la (dé)charge électrique. “Repousse le ciel”, promet le titre : en s’accaparant des espaces neufs, broussailleux et aux reliefs traîtres, Nick Cave se contente déjà de repousser sérieusement les murs. Et tout ça, c’est la faute à la France.
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