Ils débarquent. Avec des idées, des désirs. Des frustrations et des revendications. Ils ont entre 15 et 30 ans, ils réfléchissent, proposent, agissent. Tout l’été, nous dresserons le portrait des moins de 30 ans qui feront demain. Aujourd’hui : Solène Rigot, 21 ans, actrice et musicienne.
Solène Rigot n’aime pas le vide. Même quand elle se raconte, il faut qu’elle s’agite, roulant une clope ou tripotant son briquet pendant qu’elle ébauche à la hâte ses rapports avec les Vincent qui jalonnent déjà sa carrière : Lindon, Macaigne, Perez… Elle se dérobe aussi quand on lui fait remarquer qu’à 21 ans, c’est un beau début. “Je me sens inutile si je ne fais rien”, se justifie t-elle dans un sourire, haussant les épaules comme si tout était dû au hasard et non pas à son hyperactivité.
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“Un fond circassien dans la famille”
Déjà gamine, elle navigue entre les cours de piano et ceux d’accordéon. Une combinaison peu commode qui ne la satisfait pas. Depuis la fenêtre de sa chambre à Rosny-sous-Bois, Solène garde les yeux rivés sur l’école du cirque de l’autre côté de la rue. Ce ne sont pas les clowns qui la font rêver, mais les acrobaties, l’équilibre, le jonglage.
Son côté casse-cou. Le grand frère lui a appris à manier les balles, mais elle veut passer à l’étape supérieure. Ce sera le vélo acrobatique. “On doit avoir un fond circassien dans la famille”, rigole-t-elle. Il faut imaginer cette petite blonde espiègle manier son cycle sur le fil, ses 45 kilos se jouer de l’apesanteur. Une directrice de casting la remarque. Solène auditionne alors pour son premier film, La Permission de minuit. C’est aussi son premier Vincent, Lindon.
Premières fois
“Je ne le connaissais pas avant de tourner, c’est un peu l’affiche, dit-elle aujourd’hui mi-gênée mi-impressionnée par sa propre candeur. J’ai regardé tous ses films d’une traite pendant le tournage”. C’est Lindon qui lui prodigue sa première leçon d’actrice. “Il jouait en conduisant et je lui demandais si c’était pas trop dur de faire les deux en même temps. Il m’a répondu de façon très virile : ‘Si. Mais plus c’est difficile, plus j’aime ça’. Ça m’a marquée.”
La lycéenne prend conscience du boulot que ça demande, le jeu. “Pour moi le travail, c’était les devoirs de l’école. Aujourd’hui, je me rends compte que c’est vraiment du boulot d’incarner ce que le réalisateur a dans la tête. C’est une grosse pression, ça prend des choses que tu as dans ta vie, ça englobe tout.”
De retour au cirque, elle se fait aborder par une autre agente. Cinéma bis repetita? “Ah bah oui pourquoi pas”, lance-t-elle avec un naturel désarmant. On lui aurait proposé de faire le tour de France à vélo ou du trapèze en mer, elle aurait dit oui aussi. “J’étais en terminale, je savais pas quoi faire de ma vie, se souvient t-elle, triturant son tabac. On te dit ‘allez choisis un métier’ et t’es là ‘OK…’ Je me suis pas pris la tête”.
Solène Rigot enchaîne les longs : 17 filles, Renoir, Lulu femme nue… Puis arrive le premier premier rôle dans le film belge Puppy Love, aux côtés de Vincent Perez. Une belle rencontre, assortie d’un coup de foudre pour la réalisatrice Delphine Lehericey. “Se conformer à la vision de quelqu’un, c’est apprendre à connaître la personne. Je trouve ça très beau. Même si parfois il y a des scènes très dures.”
A l’écran et sur scène
Elle pense à un autre Vincent, Macaigne celui-là, et à la scène de kidnapping dans Tonnerre. “Fallait balancer, balancer, mime-t-elle, agitée. T’es tellement vidée après. Mais quel plaisir !” De Macaigne, elle retient l’énergie et l’humilité. “Je suis à l’échelon 1 de l’hyperactivité par rapport à lui ! Je ne sais pas s’il est fou, mais c’est une bête de travail, un mec généreux capable de se réduire pour faire briller l’autre.”
Une modestie qu’on peut aussi lui prêter, elle qui n’hésite pas à jouer l’autodérision, qu’elle mentionne son vélo, fier destrier, ou ses prestations à l’écran. Tout juste prend-elle un peu d’assurance lorsqu’elle parle de Mr. Crock, son groupe.
“C’est arrivé par hasard, en même temps que le cinéma”, dit-elle. Appelée pour ses talents d’accordéoniste par Walter Laguerre et Christelle Canot sur le point de se présenter à un tremplin, elle “transforme le featuring en gig permanent”. Après, “ça s’est bien goupillé.” Les tournages n’empiètent pas sur les concerts, les EP sortent quand elle passe ses castings. Et M. Crock monte vite : gagnants du festival Ici et Demain, comme Christine and the Queens et Moodoïd, une première partie de Metronomy au printemps, les premières Franco le 14 juillet…
“On essaie de faire les choses petit à petit, on est pas encore au stade de faire un premier album.” Hors de question de renoncer au cinéma ou à la musique. Comme pour d’autres acteurs-musiciens avant elle, il s’agit d’un même cercle, celui de la création. “Au cinéma, je suis un instrument, et dans la musique, je suis une réalisatrice. C’est l’expérience complète (rires). Il manquerait plus que je sois artiste peintre ! Non je rigole, je dessine comme une patate.”
Son objectif ? Percer sur les deux fronts. Enfin continuer quoi. “Je ne sais pas si je suis quelqu’un d’ambitieuse. J’ai l’impression que l’ambition c’est négatif. Faudrait inventer un autre mot.” Solène se roule une dernière cigarette, en réfléchissant les yeux baissés. “J’ai encore beaucoup à apprendre.” Puis, elle lève alors le regard, un sourire parcourant son visage : “Je suis plus toute petite quand même. Je grandis.” Et que de chemin devant elle.
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