Aux garçons sérieux, qui jouent du rock, on préférera pour une fois les filles farceuces, qui jouent avec le rock. Lequel, bon camarade, accepte sur les disques de Buffalo Daughter de se gondoler quand trois cyborgs sexy en socquettes lui font guili-guili sous la plante des pieds, le ficellent à un poteau de torture avant […]
Aux garçons sérieux, qui jouent du rock, on préférera pour une fois les filles farceuces, qui jouent avec le rock. Lequel, bon camarade, accepte sur les disques de Buffalo Daughter de se gondoler quand trois cyborgs sexy en socquettes lui font guili-guili sous la plante des pieds, le ficellent à un poteau de torture avant d’entamer autour une danse du scalp piailleuse, l’embarquent dans un spoutnik Prisunic parti sur la Lune piller la mine de fromage de Wallace et Gromit. Sur Captain vapour athletes, leur premier album, les Nipponnes friponnes chouraient un titre de chanson à John Milius, tsar de la testostérone. Big Wednesday (autrefois film surf auréolé de légende) lançait à l’assaut des plages californiennes une vague vicelarde soulevée par King Kong et Godzilla échangeant mandales et horions dans un nanar d’Inoshiro Honda. Ailleurs (Silver turkey), Buffalo Daughter collait Thurston Moore sur une longboard, lui faisait chevaucher rouleaux et lames de fond, pour finir le nez dans le goémon, des oursins dans le caleçon, du varech plein les larsens. Rejetonnes indignes du pays d’Ozu, Sugar Yoshinaga, Yumiko Ohno et Moog Yamamoto ont le goût du souk plutôt que celui du saké ou du sacré. Dans leur brocante insensée, les choeurs bubblegum humanisent la techno low-tech, les indicatifs télé nagent parmi des bulles de synthé évoquant les troubles gastriques d’androïdes gloutons. Les Buffalo Daughter étaient, à leurs débuts, trop occupées à courir les solderies, à empiler dans leurs chariots Dick Dale, Prince et Albert King pour prendre le temps de broder des mélodies. Avec New rock, on les découvre enfin capables de bricoler de vraies chansons. Ici, Kraftwerk est contemporain des Beatles ; invité à des beach-parties endiablées, le trip-hop chope un coup de soleil. De clichés amoureusement malmenés (Socks, drugs and rock’n’roll) en merveilles mutines (Great five lakes, inusable single estival, ou Jellyfish blues, précis minimaliste de poésie glougloutante), ces mouches du coche à la morsure de jouvence rendent au vieux canasson rock une allégresse de poulain folâtre. Et font mentir Nick Hornby, qui, ignorant superbement Jonathan Richman ou Ben Vaughn, écrivait dans un récent numéro de Spin qu’en matière de rock, l’humour vieillit mal. Avec New rock, boîte à malice bigarrée, on est sûr de tenir des flambées de sourires destinées à réchauffer nos hivers à venir.
Bruno Juffin
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