Les Canadiens de Preoccupations, ex-Viet Cong, sortent un nouvel album moins frontal, mais toujours aussi sombre et tumultueux.
Le changement de nom peut être très périlleux pour un groupe. Surtout quand, comme ça a été le cas pour Viet Cong, son premier album explose les compteurs et reçoit des éloges de toutes parts. Alors après la fameuse polémique, on avait craint que la bande de Matt Flegel, accusée de faire l’apologie d’heures sombres de l’histoire américaine, ne se brise la nuque avec son nouvel album et son nouveau nom, Preoccupations. Et ça a failli arriver. Enfin presque, puisque le disque, sorti en 2016, était plutôt convaincant. Mais ce n’était rien comparé à l’émotion et à l’espoir que le groupe avait suscité à ses débuts…
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Toujours debout
Peu importe au final, puisque les quatre membres de Preoccupations sont toujours debout en 2018 et continuent à jouer ensemble. Même si, d’après le leader Flegel : “On était plus riches en travaillant à l’usine. Là, on galère un peu mais bon, on se marre plus et on fait ce qu’on a envie de faire. Si les groupes de rock gagnaient de l’argent aujourd’hui, de toute manière, ça se saurait.” Et les Preoccupations ont ainsi pas mal profité de leur temps libre après une longue tournée. Beaucoup de temps passé ensemble, à se reposer d’abord (“j’étais littéralement vidé, il fallait que je me remette à vivre un peu normalement, à sortir, à avoir une copine, toutes ces choses”) ; et puis jouer, jouer encore jusqu’à composer un nouveau disque, New Material.
Un nom très (trop ?) simple explicité par le chanteur : “Le truc, c’est que je m’en fiche des titres… Comme pour les noms de chansons, on n’a pas beaucoup réfléchi à celui de l’album. Mais avec du recul, je me suis dit qu’il y avait peut-être un double sens derrière celui-là.” Soit, peut-être, “la tentative de se changer soi-même et d’être quelqu’un de nouveau, pour pallier ses mauvais côtés. Souvent en vain, mais l’important c’est d’essayer”.
Moins rugueux et plus cérébraux
Et ces mauvais côtés de l’être humain, justement, ce sont eux qui semblent inspirer le groupe canadien et son chanteur. Celui-ci décrit d’ailleurs son album comme une “ode à la dépression”, et les paroles tournent bien souvent autour du désespoir, du doute et de l’impossibilité de se trouver réellement.
Musicalement, la veine postpunk de la formation est moins poussée que dans ses premiers disques. Bien sûr, les quatre garçons aiment toujours autant la noirceur, les basses en avant, les frappes brutales et les mâchoires serrées. Mais quelques surprises parsèment New Material. Ici, des expérimentations limite industrielles, là un mur de son à mi-chemin entre le drone et l’ambient (la conclusion Compliance), et également, un quasi-tube en guise de troisième chanson (Disarray). Moins rugueux et plus cérébraux qu’auparavant, les Preoccupations semblent donc avoir voulu tenter de nouvelles choses, et ils s’en tirent souvent avec brio. On note de belles réussites dans ce nouvel album, dont sa pochette inspirée du brutalisme soviétique représente à la perfection son ambiance poisseuse, grisâtre comme un ciel de guerre.
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