Annoncé par surprise il y a quelques jours, le premier album solo d’André 3000 est autant une œuvre transcendantale qu’une ode à la création, de préférence expérimentale, minimaliste, tellement riche en suggestions et en émotions que les huit compositions réunies ici n’ont jamais besoin d’opter pour le grandiose.
Depuis la sortie d’Idlewild d’OutKast, en 2006, c’est un fait qui ne souffre d’aucune contestation : à chacune de ses sorties, André 3000 génère fantasmes et déraisons. Quand il lâche un couplet sur un morceau de James Blake, tout le monde croit illico au retour de l’“ATLiens” préféré du hip-hop, probablement l’un des rappeurs les plus techniques et imprévisibles que cette industrie ait connu.
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Quand il pose sur Scientists & Engineers de Killer Mike, rebelote. À croire que l’Américain, très discret, incarne toute une mythologie, dont les moindres soubresauts sont scrutés. Rien d’étonnant donc à le voir se saisir aujourd’hui de la flûte, cet instrument auquel il s’adonne depuis tant d’années : parfois sur les morceaux des autres (Conversations de Carlos Niño), souvent dans des endroits improbables, faisant dès lors la joie des réseaux sociaux. Fun fact : beaucoup lui demanderaient même de venir en jouer durant les enterrements…
En contrepieds
La vérité, c’est que si André 3000 joue ici toutes sortes de flûtes – flûte contrebasse, flûte maya, flûte de bambou –, New Blue Sun n’est en aucun cas un disque new-age, et encore moins un album de rap. Ici, pas de beats, de kicks, de ligne de basse ou même de paroles, mais bien huit compositions minimalistes, expérimentales, méditatives et intelligemment joueuses – pensons ici au morceau d’ouverture, dont le titre en dit long sur les intentions originelles de l’Américain : I Swear, I Really Wanted to Make a “Rap” Album but This Is Literally the Way the Wind Blew Me This Time (Je le jure, je voulais vraiment faire un album de rap, mais c’est littéralement la façon dont le vent m’a emporté cette fois-ci).
Habitué aux pas de côté, toujours hostile à l’idée de se répéter, André 3000 a toutefois eu besoin de renouer ici avec un esprit de communauté, celui qui imprégnait autrefois les productions d’OutKast, concoctées au sein de la Dungeon Family – auquel rend hommage le dernier morceau, Dreams Once Buried Beneath the Dungeon Floor Slowly Sprout Into Undying Gardens. Pour New Blue Sun, il a donc s’agit – une nouvelle fois – de faire confiance à d’autres mélodistes, d’accepter de sauter dans l’inconnu (tout en se rassurant auprès de gars comme Frank Ocean et Tyler, The Creator, à qui il a fait écouter les premiers enregistrements), de confronter sa pratique musicale à d’autres artistes, relativement chevronnés, tels le percussionniste Carlos Niño, l’ancien claviériste d’Alice Coltrane (Surya Botofasina) et le multi-instrumentiste Nate Mercereau.
L’album d’un hypersensible
À Los Angeles, où ont été enregistrées ces 87 minutes sublimes, aussi sensibles que son auteur, on imagine ainsi les quatre compères s’être réunis dans une sorte de lieu mystique, propice à la conception de ces mélodies expressionnistes, flâneuses, aussi spirituelles que l’étaient finalement celles des grands (free)jazzmen.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, New Blue Sun ne cherche donc en aucun cas à plaire à des petit·es professeur·es en musicologie ou à des critiques un peu snobs, mais bien à celles et ceux qui, en quête de sérénité ou non, privilégieront toujours de nouvelles expériences sonores, qui prennent la forme ici d’une musique relativement lente, presque errante, traversée çà et là par différentes textures (héritées de la noise, du minimalisme, de Brian Eno), mais toujours incroyablement stimulante.
New Blue Sun (Epic Records/Sony). Sorti le 17 novembre.
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