Cinquante ans après After the Gold Rush, son bouleversant troisième album réédité en compagnie d’un album live, Return to Greendale, retour sur un parcours aussi atypique qu’insaisissable.
C’est une figure récurrente de la littérature et du cinéma américains. Le type qui débarque l’air de rien dans une communauté, souvent une petite ville sans histoire où il va nouer des amitiés, entretenir une relation, tirer avantage d’un certain charisme. Puis progressivement, insidieusement, presque à son insu, alors qu’on le pensait intégré, il engendre le chaos autour de lui. Ainsi Hazel Motes, personnage perturbant du premier roman de Flannery O’Connor, Wise Blood (La Sagesse dans le sang, 1952), dont John Huston a tiré un film, Le Malin, en 1979.
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A la fin, Hazel se brûle les yeux à la chaux vive dans l’espoir de “voir dans les ténèbres une vérité que lui cache son hérésie”. On le retrouvera agonisant dans un fossé, le torse ceint de fils barbelés, les souliers pleins de verre pilé. Dans une version plus contemporaine, moins masochiste de la même fable, où la réalité s’efforce d’imiter les ressorts de la fiction, Neil Young sera lui aussi arrivé en ville chargé d’une aura d’évangéliste lui valant l’adoration d’une génération. Avant qu’il ne s’immole (symboliquement) et n’inflige à sa carrière divers sévices allant du sabordage en bonne et due forme au suicide commercial.
L’arrivée à L.A. en 1966 (et en corbillard Buick)
Lorsque, au printemps 1966, il débarque à Los Angeles en provenance de son Canada natal, Neil vient tout juste d’avoir 20 ans. Et comme beaucoup de jeunes musicien·nes, il est à la recherche de cette martingale magique, mais élusive, où le succès se plaît à rendre justice au talent plutôt qu’à l’ambition. Il n’arrive pas n’importe comment dans cette ville à la torpeur trompeuse, à la veille d’une révolution (psychédélique), mais au volant d’un corbillard Buick Roadmaster de 1948.
Conduit par un freak à cheveux longs et jeans crasseux, accompagné d’un compatriote, Bruce Palmer, au look aussi peu soigné, le tacot ne passe pas inaperçu sur Sunset Boulevard. Pris dans un embouteillage, il attire l’attention de deux autres musiciens, Stephen Stills et Richie Furay, et de cette rencontre fortuite naîtra le Buffalo Springfield, éphémère riposte américaine à l’hégémonie des Beatles.
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Pour bien saisir le charme qu’exerce l’intrus, l’enchantement que ce jeune épileptique venu du froid diffuse, pour peu qu’on lui procure un micro et une guitare acoustique, il faut impérativement se reporter à cet enregistrement live réalisé le 19 janvier 1971 au Massey Hall de Toronto, exhumé trente-six ans plus tard en 2007 à la faveur d’un premier volume (1963-1972) de ses Archives, paru en 2009. Comment ne pas succomber à l’écoute de cette voix qui, de l’enfant, conserve la tessiture, la pureté, l’innocence, et de l’adulte traduit la profondeur, parfois la détresse ?
Comment feindre l’indifférence lorsque, pris dans ce flot de mélodies à la sidérante simplicité, à la beauté désarmante, on se met à mieux entendre les mots de Jean Genet parlant d’un “rayon d’amour parti du cœur, rayon de lumière très douce, et délicatement torsadé (…) où quelquefois scintillent les gouttelettes d’une mystérieuse rosée” (Journal du voleur, 1949) ? C’est dans l’abandon de tels instants que s’affirment les traits de l’artiste guérisseur, du musicien qui “répare le monde”. Sauf que ces bienfaits resteront vains pour arracher celui qui les prodigue aux ténèbres qui l’assaillent.
Les splendeurs baroques de Buffalo Springfield
Récalcitrant de nature, Neil Young n’a jamais été taillé pour la vie de groupe. Le Canadien à la voix d’ange transi donnera au Buffalo Springfield quelques splendeurs baroques (Broken Arrow et Expecting to Fly, magnifiquement orchestrés par Jack Nitzsche), jettera deux ou trois serpents (Burned, Out of My Mind, Mr. Soul) dans le jardin d’un Flower Power en pleine hébétude narcotique, avant de tirer sa révérence.
Incompatibilité d’humeur avec Stephen Stills, défiance à l’égard du star-system et crainte, justifiée, que toute cette contre-culture baba cool finisse par n’engendrer qu’un autre mode de consommation le conduisent à faire ce qu’il sait faire de mieux : se retirer en lui-même.
Un premier album solo en 1968, Neil Young, produit par David Briggs, arrangé par l’indispensable Jack Nitzsche, le voit franchir les frontières d’un folk-rock bien trop académique à son goût et s’enfoncer dans les ronces d’une psyché troublée, sinon torturée (The Last Trip to Tulsa). Sans en tirer les dividendes. Le disque passe relativement inaperçu.
Entre-temps, Neil a croisé la route de Danny Whitten, guitariste d’un groupe, The Rockets, comprenant le bassiste Billy Talbot et le batteur Ralph Molina. Sans en dompter la fougue, il enfourche ce power trio, le rebaptise Crazy Horse et enregistre Everybody Knows This Is Nowhere (1969), album flippé et sommet d’une discographie que lacèrent deux épiphanies électriques de dix minutes chacune, Cowgirl in the Sand et Down by the River, où les guitares de Young et Whitten se défient, s’étreignent sur fond d’histoires dignes de Flannery O’Connor.
Les derniers feux d’une utopie libertaire
A la noirceur romantique de Down by the River, à l’image en boucle du narrateur descendant à la rivière pour abattre sa petite amie, répond la féroce obstination du duo Whitten-Young. Ce dernier semblant bel et bien se ceindre le torse de fils barbelés et marcher les souliers pleins de verre pilé.
Voilà comment, dans les derniers feux de l’utopie libertaire des années 1960, celui dont la voix, les mots, les mélodies sont censés célébrer l’avènement d’un nouvel âge d’or, offrir l’onction de réconciliation à toute une génération (hippies et vétérans du Vietnam mêlé·es), vient brutalement casser l’ambiance : ses chansons ressemblent à des very bad trips, ses solos de guitare, à des crises d’épilepsie.
Si la formule “mieux vaut brûler franchement que s’éteindre à petit feu” ne sera utilisée que plus tard sur l’album Rust Never Sleeps (1979), résumant ce jusqu’au-boutisme dans lequel se reconnaîtront punks et affidés du grunge, l’esprit qui en procède se détecte déjà dans la fureur des premiers échanges entre les deux musiciens. Dans le film Year of the Horse (1997) de Jim Jarmusch, Ralph Molina dit toute l’admiration que Neil éprouve pour Danny : “Il était au petit soin pour lui. En studio, il lui apportait son casque, lui accordait même sa guitare.”
Fort de cette relation fusionnelle, Neil voit dans Crazy Horse ses “Rolling Stones”. C’est pourtant au sein de “nouveaux Beatles” qu’on le retrouve quelques mois plus tard, même si son association avec David Crosby, Stephen Stills et Graham Nash découle d’un pis-aller.
Crosby, Stills, Nash & (pas trop) Young
Mobilisés par les tâches vocales, Graham Nash et David Crosby, dont les talents de guitaristes sont restreints, laissent Stephen Stills assumer seul sur scène les arrangements de chansons riches en accords et changements de tonalités. Pressenti en renfort providentiel, Steve Winwood, multi-instrumentiste et parfait exemple du chanteur blanc à voix noire – mais accaparé par un autre super-groupe, Blind Faith avec Eric Clapton –, décline l’offre.
D’abord réticents, Nash et Stills finissent par convenir que l’apport de Neil Young présenterait bien plus d’avantages que d’inconvénients. Et sur la photo sépia de l’album Déjà Vu (1970), l’illusion est parfaite en effet : celle d’une bande de renégats – déserteur confédéré (Stills), chasseur de prime (Young), chercheur d’or (Nash), shériff sans étoile (Crosby) – dont les intérêts particuliers se mettent à converger. L’image semble tirée des archives d’un Ouest mythique (ou d’un épisode inédit de Deadwood).
Avec une précommande de dix millions d’exemplaires, le disque va cartonner. Un triomphe planétaire qui lance les carrières solo de chacun des protagonistes. A peine a-t-on remarqué la tonalité discordante entre les compositions signées Neil Young et le reste du répertoire.
Notamment l’élégiaque et douloureux Helpless jurant entre les hymnes œcuméniques de Stills et Crosby (Carry On, Woodstock) et la célébration cul-cul du bonheur domestique de Nash (Our House). Mais, à ce stade, Neil est déjà prêt à assumer un rôle d’hérétique, de paria, d’oiseau de mauvais augure. Celui qui, quatre ans plus tôt, débarquait en ville au volant d’un corbillard va même devoir s’improviser fossoyeur du rêve hippie.
Woodstock, Manson et Dennis Wilson
Au cours de l’été 1969, les événements se télescopent. Il y a le festival de Woodstock et son demi-million de fellow travelers exultant dans la boue. Le passage de Crosby, Stills, Nash & Young appartient à ce chromo glorifiant l’événement qu’est le film de Michael Wadleigh, Woodstock, où le quatuor interprète Judy Blue Eyes.
Sauf que Neil reste volontairement hors champ. Un refus d’apparaître qui en dit long sur ses réticences à complaire au grégarisme ambiant. Et on le comprend… Quelques jours plus tôt, Sharon Tate et ses ami·es ont été massacré·es par la secte Manson. Meurtre qui va hanter l’Amérique. Et plonger Young dans la sidération.
Charles Manson, il l’a rencontré, accompagné d’une bande de filles, chez Dennis Wilson des Beach Boys. Ils ont même fait un peu de musique ensemble. “Ses chansons étaient plutôt des improvisations. Il ne les jouait jamais deux fois de la même manière. Un peu comme Dylan, sauf qu’elles n’avaient pas vraiment de message. Mais quelque chose d’envoûtant quand même et le mec était plutôt doué” (Neil Young, une autobiographie, Robert Laffont, 2012). Suffisamment pour qu’il prenne la peine d’en toucher un mot à Mo Ostin, alors directeur artistique du label Reprise sur lequel Young enregistre.
Ostin l’oriente alors vers Terry Melcher, fils de l’actrice Doris Day et producteur en vogue, notamment grâce aux Byrds. Young joue alors les entremetteurs. Sans succès. Melcher snobe Manson qui, voulant se venger, organise une expédition punitive à la villa hollywoodienne du producteur, alors qu’il vient de déménager et que Roman Polanski et Sharon Tate, enceinte de huit mois, en sont les nouveaux locataires.
Des “Beatles américains”, il ne restera bientôt plus grand-chose
Si le Diable rit encore de ce tragique malentendu, Neil Young lui, en conçoit assez de culpabilité pour s’acquitter d’un Revolution Blues aux images perturbantes, avec “fontaines de sang” et happy few “qu’il faut massacrer dans leurs bagnoles”. La chanson ne paraîtra que cinq ans plus tard sur l’album On the Beach (1974), second volet de ce que l’on appelle la “ditch trilogy” (la “trilogie du fossé”). Fond du trou de sa discographie.
C’est peu dire que les sixties se sont achevées avec un immense soupir de soulagement. Le 6 décembre 1969, le dernier chapitre se referme dans le sang lors du festival d’Altamont par le meurtre de Meredith Hunter, poignardé par des Hells Angels pendant le concert des Rolling Stones.
Quelques heures plus tôt, sentant la tension monter, Crosby, Stills, Nash & Young ont écourté leur concert et quitté le site en hélicoptère. Dans leur documentaire Gimme Shelter (1970), les réalisateurs David et Albert Maysles conserveront la scène du meurtre dans le montage final (Bruce Benderson y verra “la mise à mort scénographiée de la contre-culture” dans Concentré de contre-culture, Scali, 2007).
Des “Beatles américains”, il ne restera bientôt plus grand-chose, hormis quelques tentatives de reformation peu concluantes. En 1986, Neil dédiera une chanson de son album Landing on Water à son pote Crosby. Ça s’appelle Hippie Dream. Le passage “The wooden ships are a hippie dream capsized in excess” fait référence au Wooden Ships de Crosby, hymne de cette génération Woodstock qu’il a vue s’abîmer dans la mer des excès.
“Only Love Can Break Your Heart”
A l’époque, à sniffer de la coke par silos entiers, Stills a dû se faire poser une plaque en argent en guise de cloison nasale. Et Crosby, obèse, passe le plus clair de ses journées avachi à tirer sur sa pipe à crack. Exit les “Beatles américains”.
Et bientôt, exit les “Rolling Stones”, avec Danny Whitten sombrant à son tour dans la dope. Devenu ingérable, Neil le vire en cours de séance et fait appel à Nils Lofgren. Ce qui l’oblige à réorienter la conception d’After the Gold Rush, son troisième album. Aujourd’hui objet d’une réédition pour le 50e anniversaire de sa sortie, After the Gold Rsh comporte un magnifique hymne à l’amour, Only Love Can Break Your Heart, et se conclut par les bouleversants adieux que sont Birds et I Believe in You à Susan Acevedo, sa première épouse. Avec ce recueil hybride, mi-acoustique, mi-électrique, Neil s’impose comme le troubadour d’un rêve à jamais brisé, le ménestrel introspectif d’une décennie nouvelle naissant sur les décombres de la précédente.
Brièvement redevenu opérationnel à la fin des séances, Danny Whitten participera malgré tout à l’enregistrement de When You Dance I Can Really Love, avant de succomber à une overdose d’héroïne le 18 novembre 1972. Neil aura eu le temps de signer une manière d’épitaphe anthume pour son ami, The Needle and the Damage Done. Chanson anti-drogue enregistrée en public à UCLA accompagné de sa seule guitare acoustique, elle va contribuer au succès de Harvest (1972), le plus accessible de ses albums et son plus gros succès commercial.
La dépression tranquille des enfants d’après-Mai
Diapason générationnel auquel s’accorde la dépression tranquille des enfants d’après-Mai, ceux·celles chez qui la perte d’idéal a conduit au glissement progressif vers un état d’apesanteur, Harvest est le compagnon parfait pour procrastiner et flinguer ces longs après-midi douteux où rien ne va, ni en bien, ni en mal.
Le disque traduit surtout les flottements d’une personnalité en errance, passant du mode acoustique à une électricité débridée (Words), de la country laid back (Out on the Weekend) aux grandes eaux symphoniques (A Man Needs a Maid), d’un besoin d’enracinement (Are You Ready for the Country?) à une quête de liberté absolue (There’s a World), d’une soumission à une sagesse (Old Man), pas franchement de son âge, à une révolte qui y correspond (Alabama, vibrant plaidoyer antiségrégationniste).
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En arrière-plan se trouve enfin la relation éphémère nouée avec l’actrice Carrie Snodgress. Epris au début de l’enregistrement, le couple se sépare fin 1972 quelques mois après la naissance de leur fils Zeke et la parution de Harvest.
A ce stade, sa quête d’un “cœur en or”, que relaie la chanson sa plus célèbre, Heart of Gold, rejoint celle du Camus des premiers écrits : “Je ne suis pas d’ici – pas d’ailleurs non plus. Et le monde n’est qu’un paysage inconnu où mon cœur ne trouve plus d’appuis.” Neil Young n’a pas idée combien trouver une place en ce monde lui sera dorénavant difficile.
Juin 1975 : les Etats-Unis viennent de déguerpir du Vietnam, Nixon, de la Maison Blanche
“Cette chanson m’a mis au beau milieu de la route”, écrit-il à propos de Heart of Gold dans les notes de la compilation Decade (1977). “Sauf que voyager là me barbait tellement que j’ai préféré me jeter dans le fossé”, expression qui servira à conceptualiser cette fameuse “ditch trilogy”, au cœur du second volume (1972-1976) de ses Archives à paraître en mars 2021. Elle comprend le live Time Fades Away (1973), On the Beach (1974) et le lugubre Tonight’s the Night (1975), son anti-Harvest, sa sortie de route volontaire, hantée par le décès d’une overdose d’un autre ami, Bruce Berry, roadie de CSN&Y.
La mort de Berry et le traumatisme laissé par celle de Whitten lui feront préférer cette collection de blues hagards, de rock déjantés, de ballades foireuses, au point d’en devenir désarmantes, à Homegrown (enfin publié cette année), la suite logique de Harvest. Dans son autobiographie, Neil raconte qu’à l’époque il ne pouvait commencer à enregistrer qu’après minuit, “quand on était tellement beurrés qu’on n’arrivait même plus à marcher”.
Ce disque est “une sorte de veillée funèbre”, résume-t-il. Omettant de préciser que c’est l’utopie des sixties qu’il enterre ici. Nous sommes en juin 1975. Les Etats-Unis viennent de déguerpir du Vietnam, Nixon, de la Maison Blanche. La génération Woodstock a lâché l’affaire. Certain·es vont se réinventer en traders, d’autres mourir une aiguille dans le bras. Ou continuer à errer dans le dédale déserté de leurs rêves.
A la débâcle commerciale de la “ditch trilogy” répondront sursauts d’orgueil rageurs et moments de grâce : Zuma (1975), Comes a Time (1978), Rust Never Sleeps (1979), Reactor (1981). Avant la longue traversée du désert des années 1980 où il va enchaîner bides et drames personnels. Signé sur Geffen, il commet des albums si déroutants que le label lui intente un procès pour “musique non représentative de Neil Young”.
The Godfather of grunge
Sur l’un d’eux, Trans (1982), les synthétiseurs remplacent les guitares, sa voix passe à travers un vocoder. Il y traite de l’incommunicabilité, sujet sensible pour celui dont le second fils, Ben, fruit d’un second mariage avec Pegi Morton, est atteint d’une maladie cérébrale rare qui l’a rendu tétraplégique. Le même mal touche déjà, à un degré moindre, Zeke, son fils aîné. Deux enfants de mères différentes affligés du même handicap…
“Je me revois en train de regarder le ciel, guettant un signe et m’interrogeant : ‘Bon Dieu, mais qu’est-ce que j’ai fait de mal ? Pourquoi ça arrive à mes gosses ?’”, confie-t-il à Nick Kent, en 1989, dans The Dark Stuff, l’envers du rock (Allia, 2007).
De cette colère, celle d’un Achab chassant Moby Dick, incarnation d’une injustice divine, vont naître ses disques les plus terrifiants, Ragged Glory (1990), Weld (1991), Mirror Ball (1995). Armé d’une endurance surhumaine et de guitares excavatrices, il y creuse de longs tunnels sonores, ignorant si au bout l’attend une quelconque lumière.
Vingt-cinq ans plus tard, Neil Young n’a toujours pas capitulé
Que ce soit avec un Crazy Horse new look ou avec Pearl Jam, Neil devient le parrain bienveillant de ce nouveau rock, le grunge, dont Kurt Cobain est le prince bipolaire. Même chemise à carreaux, mêmes jeans épuisés, même attirance pour les extrêmes, Cobain se reconnaît si bien dans son aîné qu’il va conclure sa lettre d’adieu par “better to burn out than to fade away”, paroles extraites de Hey Hey, My My (Into the Black) sur Rust Never Sleeps, avant de se tirer une balle dans la tête.
Vingt-cinq ans plus tard, Neil Young, lui, n’a toujours pas capitulé. Ont suivi une quinzaine d’albums, plus ou moins convaincants, les uns sereins, les autres furibards, plaidant pour la destitution d’un président (Living with War, 2006), le démantèlement d’un consortium chimique (The Monsanto Years, 2015) ou ruminant sur la disparition de la vie “à l’ancienne” (Greendale, restauré et réédité aujourd’hui).
Il a aussi pris le temps de réaliser cinq films, publier une autobiographie, lancer une voiture écolo et même un baladeur numérique (Pono, arrêté depuis). Et tout ça sans jamais vraiment échapper aux lois du chaos. Lui qui, dans After the Gold Rush, se lamentait de voir Mère Nature en fuite (“on the run”) a vu une partie de son ranch disparaître en fumée lors des incendies qui ont récemment ravagé la Californie. De quoi méditer sur la puissance autoréalisatrice de certaines prophéties. Et pondre un nouvel album ? Probablement encore à la recherche d’une vérité dans les ténèbres, Neil Young vient d’avoir 75 ans.
Return to Greendale (Reprise/WEA)
After the Gold Rush (50th Anniversary) (Reprise/WEA)
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