Attendu depuis sept ans, le quatrième album de Mustang marque les retrouvailles avec la plume incisive de Jean Felzine et l’énergie revancharde d’un groupe inclassable.
“J’ai bu douze Cuba libre/Pris quatre Lexomil”, chantait Jean Felzine dans Les Oiseaux blessés, le mémorable titre d’ouverture du précédent album de Mustang. Sept années ont passé depuis Ecran total, mais le ton a à peine changé : “J’ai reçu mon virement/De Pôle emploi/C’est mon problème/Si cet argent je le bois” (Pôle emploi/Gueule de bois).
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Pourtant, son auteur a entamé une cure de sobriété depuis plus d’un an, avant même l’historique premier confinement en raison duquel certain·es auront soudainement pris des résolutions drastiques.
Une envie d’arrêter les excès éthyliques pour le leader du trio auvergnat, réputé pour sa levée de coudes comme pour ses enflammades proverbiales sur les réseaux sociaux. Avec son sens de la formule et une écriture incisive éprouvés depuis plus d’une décennie (Le Pantalon, Le Sens des affaires, Salauds de pauvres, Fils de machin), Jean Felzine n’élude aucun sujet tabou dans son répertoire.
Une tournée impromptue avec Blondie
Normal, pour un groupe “loyal et honnête”, tout en en payant le prix fort (“Etre loyal et honnête n’est jamais récompensé”) et qui constate, fataliste, sa perte de temps “à nager à contre-courant”.
Pour ce quatrième album qu’à force d’attendre on n’espérait plus – Jean Felzine menant de front un trio avec Mustang, un duo avec sa dulcinée Jo Wedin et une carrière solo –, Mustang s’est d’abord retrouvé sans contrat discographique, après trois disques édités par Sony Music, a monté sa propre structure (Close Harmonie) pour finalement signer dans un nouveau label de… Sony, Prestige Mondial.
Ou comment revenir dans l’actualité en même temps que La Femme (autre groupe pionnier de la french pop) quand tant d’autres musicien·nes de leur génération ont baissé les bras et remisé les instruments au placard. En 2017, une impromptue tournée britannique avec Blondie leur remet le pied à l’étrier.
Des œillades à Lou Reed et au Brill Building
“On a aujourd’hui 33 ans, et c’est le bon âge pour sortir un disque, on a d’ailleurs l’étrange impression de promouvoir notre premier album, s’enthousiasment en chœur Jean Felzine et son indéfectible guitariste Johan Gentile. Memento Mori synthétise assez bien notre appétence pour les chansons rock, avec une couleur indéniablement plus guitaristique.” La salve de quatre singles (Memento Mori, Pôle emploi/Gueule de bois, Pas cher de la nuit, Fils de machin) résume la tonalité d’un album qui ne déroge ni à l’immédiateté pop ni au classicisme rock.
Par méconnaissance de la discographie de Mustang depuis 2009, d’aucuns s’étonneront encore d’un énième virage sur l’A71, l’autoroute qui relie Clermont-Ferrand (où Johan Gentile est reparti vivre depuis trois ans) et Paris (où Jean Felzine a habité une petite décennie, avant d’emménager à Montreuil où il a monté un home studio).
“T’es trop formel/T’es trop pudique/T’es raide comme un pic”, s’amusent-ils dans la chanson Pas de Paris, dont les “shalala” font autant des œillades à ceux de Lou Reed sur Street Hassle (l’une de leurs madeleines de Proust) qu’aux groupes du Brill Building.
Mustang reparti comme en 40 ?
Comme à ses débuts quand il reprenait Hey, Good Lookin’ d’Hank Williams, Mustang n’oublie pas ses racines musicales en adaptant Mansion on the Hill en français (littéralement traduit par Maison sur la colline) de l’iconique chanteur country américain. “De la pochette peinte par David Simonetta [musicien croisé autrefois chez Toy Fight], avec ces trois mannequins morts en bord d’une route nationale, au tracklisting de l’album, c’est comme si Memento Mori racontait l’histoire du groupe”, pointe Jean Felzine.
Malgré le départ du batteur historique Rémi Faure après l’enregistrement, Mustang n’a pas vacillé sur ses bases et semble reparti comme en 40, conscient aussi d’être mieux compris par la critique comme par le public.
“Si un jour on doit enregistrer sur un haut-parleur de smartphone, on le fera” Johan Gentile
“Avec les années, on se fait davantage confiance et on écoute moins les avis d’autrui. Et puis, nous ne sommes pas comme tous ces nantis qui font de la musique par hobby. L’obstination finit toujours par payer”, s’enflamme Johan Gentile. Ce n’est pas parce que le système économique lié à la musique, particulièrement le spectacle vivant, s’effondre qu’il ne faut plus créer. Si un jour on doit enregistrer sur un haut-parleur de smartphone, on le fera.”
Comptant plancher rapidement sur un nouvel album à défaut de le défendre sur scène, le leader charismatique de Mustang doit également faire paraître cette année le second LP de Jo Wedin & Jean Felzine, produit par Adrien Durand de Bon Voyage Organisation, ainsi que son premier disque solo, qui pourrait être mixé par Stéphane “Alf” Briat, déjà présent au générique des trois premiers Mustang. De quoi boucler la boucle pour mieux repartir “en arrière en avant”.
Memento Mori (Close Harmonie & Prestige Mondial/A+LSO/Sony Music)
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