Nouvelles têtes, essor du streaming, fusion des styles et renouveau de la pop francophone, la décennie en a vu de toutes les couleurs musicales.
Pour tourner la page des années 2010, c’est le chanteur Philippe Katerine qui donne le tempo, en ouverture de son récent et immense dixième album Confessions : “Comme un con, j’écoute Kanye.” Une formule imagée qui résume à merveille cette décennie finissante par celui qui chantait à la gloire de sa Vieille chaîne en 2010 : “Les disques de la Motown/Pet Sounds The Brian Wilson/Le Chet Baker qu’on connaissait par cœur/Dis leur au revoir.” Entre musique dématérialisée, succès du streaming et nouveau mainstream, les métamorphoses musicales n’ont pas manqué depuis les dix ans écoulés.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Le rappeur américain Kanye West incarne tellement l’époque qu’il aura sur-occupé, et même saturé, l’espace médiatique et discographique, publiant pas moins de cinq albums en dix ans – sans compter ses innombrables projets parallèles.
Son triomphe planétaire, comme l’a encore attesté, fin octobre, le lancement de Jesus Is King (plus gros démarrage de l’histoire de la plateforme de streaming Spotify, avec plus de 38 millions de streams en moins de 12 heures !), témoigne aussi d’un nouveau paradigme.
Le hip-hop et, plus largement, le r’n’b, sont aujourd’hui les musiques dominantes, que ce soit à la radio ou sur internet, dans les pages des magazines ou dans les salles de concert.
Des femmes talentueuses et obstinées
Et si Kendrick Lamar, Drake, Jay Z, Tyler, The Creator ou le génial Frank Ocean tentent régulièrement de détrôner Yeezus, le monde bruisse aussi de femmes talentueuses et obstinées qui bousculent régulièrement les canons de la pop moderne depuis le tournant des années 2000/2010 : la Canadienne Grimes, l’Anglaise FKA twigs, l’Espagnole Rosalía ou encore la Française Christine and the Queens.
Sans oublier Solange (la sœur de Beyoncé) et Lana Del Rey, deux reines américaines au sommet des charts, et l’émergence de personnalités singulières comme Weyes Blood et Aldous Harding.
Hybridation et syncrétisme généralisé
Alors que la décennie précédente s’était accordée au son des guitares saturées célébrant le retour du rock (The White Stripes, The Libertines et The Strokes, meilleur groupe de cette bande électrique, qui reviendra dès 2020 avec un nouvel album espéré depuis un septennat) et que d’aucuns tentent d’y résister malgré tout (Mac DeMarco pour l’indie pop et Ty Segall pour le rock psyché), les années 2010 ont couronné l’hybridation et le syncrétisme généralisé, fusionnant tous les styles musicaux dans un grand melting pot. Au point d’y perdre régulièrement son latin avec des albums magnifiques et inclassables signés James Blake, Blood Orange, Kindness, Flying Lotus et Oneohtrix Point Never.
Une scène française foisonnante et plurielle
Et la musique française dans tout ça ? Dans un pays meurtri par l’attentat sanglant du Bataclan le 13 novembre 2015 qui résonne encore dans nos cœurs éplorés et nos yeux embués, la scène d’ici n’a jamais été aussi foisonnante et plurielle, effervescente et émulatrice.
Car si la réappropriation de la langue d’Etienne Daho par les artistes hexagonaux est l’un des grands enseignements des années 2010, elle se traduit par de multiples et passionnants débouchés. De La Femme à Juliette Armanet, de Frànçois & The Atlas Mountains à Fishbach, de Flavien Berger à Catastrophe, la pop francophone a retrouvé des couleurs et obtenu d’authentiques Victoires de la musique.
Bien sûr, comme outre-Atlantique, le rap s’est taillé la part du lion (Orelsan, Nekfeu, PNL, Lomepal, le quarté gagnant de la décennie), au point d’infuser dans tous les pores de l’industrie du disque et de nous questionner sur l’instinct grégaire des directeurs artistiques et des programmateurs radio.
Les grands absents de la décennie
Aussi réjouissant qu’inattendu, ce panorama décennal ne doit pas nous faire oublier les grand.e.s absent.e.s, qui nous manquent chaque jour un peu plus : David Bowie, Leonard Cohen, Lou Reed, Amy Winehouse, Aretha Franklin, Scott Walker, Prince, Daniel Darc, Philippe Zdar, DJ Mehdi, Philippe Pascal, Mark Hollis, Rachid Taha, Mark Linkous, Pete Shelley, Daniel Johnston, Jeanne Moreau, Michel Legrand…
Dans ce mauvais remake de Regarde les hommes/femmes tomber, on préférera garder des raisons d’espérer devant l’admirable longévité de quelques hérauts et autres héroïnes. D’ailleurs, pour paraphraser le stakhanoviste septuagénaire Neil Young, prêt.e pour une nouvelle Decade ?
{"type":"Banniere-Basse"}