Alors qu’une cour d’appel américaine relance la procédure contre les majors du disque, accusées de s’être entendues pour fixer artificiellement les prix de la musique en ligne, Nicolas Sarkozy les menace d’une loi les obligeant, en France, à vendre leurs catalogues sur l’intégralité des plateformes.
Il serait évidemment facile et injuste de crier au loup, voire au démon, de faire une nouvelle fois le vieux procès des méchantes majors contre les gentils indépendants, de leurs pratiques datées poussant les internautes à devenir d’innocents téléchargeurs illégaux. Facile et injuste, sauf quand la justice US et les autorités Françaises pointent d’un doigt menaçant, presque de concert, les pratiques anticoncurrentielles supposées des géants du disque.
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Les branches américaines d’Emi, Sony (Bertelsmann), Vivendi (Universal) et Warner ont ainsi collectivement les popotins qui chauffent depuis qu’une cour fédérale américaine a décidé de casser, en appel, la décision d’une cour inférieure. Cette dernière avait rejeté de nombreuses plaintes portant sur une entente globale pour fixer les prix de la musique en téléchargement légal ; et l’on connaît la sévérité US dès qu’il s’agit de pratiques monopolistique ou oligopolistique.
La procédure rejetée une première fois fin 2008 regroupait, à l’Américaine, près d’une trentaine de plaintes réunies entre 2005 et 2006. En cause pour chacune d’entre elles : la très belle coordination supposée des majors, par le biais de joint ventures, pour imposer aux plateformes de téléchargement légal un prix unique de 70 cents par morceau, tarif presque équivalent à celui d’un morceau acheté « en dur » dans le commerce traditionnel, malgré des coûts évidemment très inférieurs dans le cas d’une dématérialisation.
Le motif du rejet initial était l’insuffisance de faits précis et établis pour pouvoir juger les majors – faux, a retoqué la cour d’appel fédérale. Un exemple, assez frappant, de ces faits : le site eMusic, sur lequel nombre de labels indépendants vendent les morceaux de leurs artistes, pratique régulièrement le tarif de 25 cents par morceau. eMusic est, et cela ne ressemble que de très loin à un hasard, boycotté par les majors en cause, qui préféraient travailler avec des mastodontes sans doute plus facilement « contrôlables » comme l’iTunes Store d’Apple.
La cour d’appel n’a évidemment pas jugé sur le fond, mais a simplement et bruyamment remis les plaintes dans le circuit judiciaire normal, avec une issue totalement incertaine pour les défendeurs.
Les majors ne transpirent pas à grosses gouttes qu’aux Etats-Unis : certains des passages du discours de Nicolas Sarkozy au monde de la culture, la semaine passée, ont pu leur rappeler quelques uns de ces déboires outre-Atlantique. Comme en écho troublant aux mouvements judiciaires Américains, reprenant ainsi certaines conclusions de la commission Zelnick mais s’opposant frontalement aux grands acteurs du music business ainsi qu’à certains de ses conseillers, le Président a ainsi menacé les labels récalcitrants d’une loi contraignante s’ils ne mettaient pas leurs catalogues respectifs à disposition de l’intégralité des plateformes de téléchargement légal.
L’idée, en cas de résistance définitive des majors, serait de confier une gestion collective des droits en question à des sociétés civiles, voire inventer un portail unique référençant toutes les plateformes disponibles. Ouille ?
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