Mieux vaut Thar… Au Rajasthan, exalter et mettre en lumière jusqu’à la banalité du quotidien est le privilège des musiciens nomades. Le titre de chacun de ces quatre disques pourrait à lui seul tenir lieu de raccourci. Ne s’agit-il pas d’évoquer en quelques lignes le Rajasthan au travers de ses castes musiciennes, principalement les Langa […]
Mieux vaut Thar… Au Rajasthan, exalter et mettre en lumière jusqu’à la banalité du quotidien est le privilège des musiciens nomades.
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Le titre de chacun de ces quatre disques pourrait à lui seul tenir lieu de raccourci. Ne s’agit-il pas d’évoquer en quelques lignes le Rajasthan au travers de ses castes musiciennes, principalement les Langa et les Manghaniyar, originaires du désert de Thar ? C’est au cœur de cette vaste province du nord-ouest de l’Inde, à la frontière pakistanaise, que se perpétue une tradition populaire liée encore aujourd’hui aux moments clés de la vie quotidienne. Mariages, baptêmes, funérailles, offices religieux. Ici, les longues mélodies alanguies ou ritournelles exaltées, les poésies vocales, les pièces instrumentales sont conçues et interprétées pour accompagner tout un peuple dans ses joies, ses peines et l’accomplissement des tâches laborieuses. A mille lieues du business musical comme il est envisagé sous nos latitudes ou d’un exotisme à la sauce Fram, ici l’on joue sur le temps, sur son étirement quasi infini. Et c’est dans la succession des écoutes que s’établit ce lien sensuel et cet envoûtement si particulier à la musique indienne.
Les chants y sont souvent haut perchés, instants propices pour conter des épopées princières devenues légendes inscrites dans la mémoire collective, pour célébrer l’amour tout-puissant, la nostalgie du bien-aimé. C’est avec la même puissance d’évocation que ces bardes d’un autre temps s’activent sur leurs divers instruments : saranguis, vielles à archet ou cordes pincées ; khartal, castagnettes de bois ; dholak, tambour à double peau ; shanai, hautbois ; murali, clarinette double… Jusqu’à la guimbarde et ses spirales hallucinées, qui par sa facilité de transport rappelle que les hommes qui en jouent sont des nomades de longue date, peuple de bergers transhumants. On prétend que ces talentueux artisans en musique conservent en l’état les fondements des plus classiques ragas. Depuis enseignés, et donc tout à fait savants. Les Rajasthanais ne convoquent-ils pas les modes et figures de la musique indienne pour propulser leur verbe enchanteur ! De toute façon, l’histoire, la grande, dit qu’une partie de ces chantres déambulants a quitté dès le xie siècle ses terres arides pour des cieux plus cléments. A l’ouest. Ce sont les mêmes qui, disséminés dans tout le bassin méditerranéen, plus loin sur la planète entière, formeront la diaspora du peuple rom. Avec cet égal génie de rendre musical tout acte. De s’adapter aux us et coutumes des contrées visitées avec un subtil goût de l’autre. Ce sens inné de ces fabuleux artistes que le peuple tzigane résume par un « latcho drom » (bonne route) qui en dit suffisamment long.
Musique du Rajasthan, Musiciens et poètes du Rajasthan (Long Distance) ; Les Musiciens du désert (Ocora) ; Musiciens professionnels populaires (Ocora) ; Musiques des nomades du désert (Network)
Jacques Denis
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