Sensuel, explosif, ludique, physique, formidablement riche vocalement comme musicalement, le troisième album de Camille est un grand copier-coller d’émotion.
Son précédent album, Le Fil, tournait autour d’une seule et même note de la gamme de do. C’était en 2005 et avec des si, Camille achevait de mettre définitivement le monde en bouteille après plusieurs années de collaborations multiples. Du haut de ses 30 ans, la jeune femme est en effet ce qu’il est convenu d’appeler une chanteuse chevronnée : en marge de sa carrière solo, on l’a déjà entendue prêter sa voix à Nouvelle Vague, Murat, Manset, Sébastien Martel et même l’année dernière à Ratatouille – plus précisément au personnage de Colette.
On l’a aussi vue collectionner les récompenses (Prix Constantin, Lucien Barrière, Victoire de la Musique) et s’imposer vite comme une artiste féminine majeure du pays, à la fois singulièrement audacieuse (sur son précédent album, elle faisait tout – chant, arrangements, trompettes, claviers, breakbeats – avec sa voix) et populaire. Bref, une grande chanteuse soul que les amateurs de raccourcis ont vite qualifiée de Björk à la française – un abrégé élogieux, mais qui ne dit pas toute la particularité du personnage.
Car Camille, et ça en agacera forcément certains, est incroyablement brillante et, comme Le Fil à l’époque, son successeur étourdit, déroute, ne ressemblant à rien de ce qui se fait en France aujourd’hui. Bilingue, visuel, charnel, à la fois toujours aussi riche vocalement mais aussi formidablement musical, Music Hole est un copié-collé d’émotions, de personnes (Jamie Cullum et Sly du Saïan Supa Crew ont participé à l’album), de références et d’images – sur sa pochette, la demoiselle a associé à chacun des participants un nom d’animal.
Un album-ménagerie donc, et un album qui fait le ménage aussi, offrant un grand souffle d’air frais au paysage français avec quelques formidables titres de R’n’b (Gospel With No Lord, Money Note) comme on en entend rarement ici, envoyant valser, le temps de dix chansons-puzzle, Beyoncé avec Kate Bush, Cindy Lauper avec Gainsbourg, Boney M avec une Björk en claquettes.
Un disque littéraire aussi, qui raconte la météo aux familles (“des averses de rafales sur lit superposés, Père à l’ouest malgré lui”), remonte le moral des Français (“Get Ready for the Waou”), fait des boules à facette avec des boules à thé (“Lipton Twinings PJ tips Tata Tea ou Tetley”) et voit la famille s’agrandir (“My cousin in law, my sister in law… my hamster in law”). Tout cela est puissant, drôle, passionnant et diablement vivant – comme son auteure.
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