Murray Street, de prime abord, ne dépareille pas de ses prédécesseurs immédiats. Pourtant, au fil des écoutes, le disque se révèle attachant et subrepticement toxique. Loin de renouer avec la hargne des premiers enregistrements, Murray Street est plutôt l’antithèse de Bad Moon Rising, Sister, EVOL ou Daydream Nation. On n’y croise pas de maelström furieux, […]
Murray Street, de prime abord, ne dépareille pas de ses prédécesseurs immédiats. Pourtant, au fil des écoutes, le disque se révèle attachant et subrepticement toxique. Loin de renouer avec la hargne des premiers enregistrements, Murray Street est plutôt l’antithèse de Bad Moon Rising, Sister, EVOL ou Daydream Nation. On n’y croise pas de maelström furieux, d’envolées labyrinthiques, d’ambiances sombres et sales. Au contraire, on est happé par une sorte de quiétude et d’apaisement, presque inhabituels et qui, par contraste, faisaient cruellement défaut à des disques comme NYC Ghosts & Flowers ou Washing Machine.
L’adjonction de Jim O Rourke comme membre permanent a sans doute redonné au groupe une nouvelle vitalité, ne serait-ce que dans la refonte des rapports internes et intimes d’une formation désormais jeune de vingt ans. On reconnaît sa patte dans les petites enluminures électroniques. Surtout, le disque jouit formellement d’une écriture musicale apparemment simplifiée, sans fioritures ou effets de manche. En début de disque, on entend ainsi la voix de Thurston Moore s’élever comme une prière urbaine, enjouée, désinvolte, aérienne, accompagnée par des guitares fluides et hypnotiques. Ailleurs, notamment sur le long Karen ou sur Radical Adults, le groupe renoue avec des envolées kaléidoscopiques qui, sans jamais être nostalgiques, ont de faux airs de psychédélisme punk et hanté.
Murray Street, du nom de la rue de Manhattan où est situé le studio du groupe, révèle plus de choses sur l’état actuel de New York que bien des reportages télévisés : on y sent, à chaque recoin, des atmosphères diaphanes, peuplées par des fantômes urbains, qui président à l’élaboration d’un folklore musical contemporain, urbain, délicat et fragile.