Africa tour. Drôle de pays que celui de Sally Nyolo, où le chant rebondit parmi les dialectes et où le chagrin se soigne par la danse. Cameroun Cameroun, évidemment, mais aussi contretemps jamaïcain, rive gauche d’une certaine chanson à texte, bal-poussière transformé en dance-floor : Sally Nyolo met en coupe un monde de vignettes musicales, […]
Africa tour. Drôle de pays que celui de Sally Nyolo, où le chant rebondit parmi les dialectes et où le chagrin se soigne par la danse.
Cameroun Cameroun, évidemment, mais aussi contretemps jamaïcain, rive gauche d’une certaine chanson à texte, bal-poussière transformé en dance-floor : Sally Nyolo met en coupe un monde de vignettes musicales, qu’on supposait incompatibles, avec la détermination, la fraîcheur, l’insouciance et l’absence de préjugés. Camerounaise d’origine donc, elle rejoint dans les années 80 cette diaspora africaine qui se trémousse ou vocalise dans la mouvance de Touré Kunda ou Princess Erika : c’est le temps où la France avoue son besoin d’Afrique et passe à la caisse avec délectation. On se nourrit de typique, saisissant comme on peut le mariage entre puissance du beat et fragilité des voix, comprenant plus rarement la pertinence ancestrale de cette musique.
Sally Nyolo, elle, est déjà ailleurs, le temps d’un album solo, Tribu, en congé de Zap Mama, noria féminine de pyrotechnie vocale. Désormais sur le devant de la scène, elle écrit, compose, arrange, produit et interprète un second disque à la profondeur vert d’eau. Multiculti s’avère en effet un gros chaudron bouillonnant, d’où remonteront à la surface des tours de force technique, une joie communicative du chant. On y raconte même des histoires, d’amour ou de solidarité. Mais si les gazelles de Sally (Sylvie Nawasado, Sabine Kabongo, Amélie Baudoin) babillent, ce n’est jamais en sombrant dans le tort et travers de l’esbroufe, la fatuité du virtuose. C’est que les instantanés de culture africaine que développe Sally Nyolo ne supportent pas l’afféterie : jeunes filles mal mariées, culte des ancêtres, universalité du rythme et combat de femmes se nourriront plutôt de distinction, et d’élégance.
Sur la légèreté d’une section rythmique fluide et sophistiquée, le jeu des voix s’élance comme autant de fusées noires. Le chant principal s’efface soudain devant un choeur enjoué de riffs rhythm’n’blues, puis s’enfuit dans une tierce mutine. On passe d’un anglais abusivement reconnu comme universel au français puis à l’eton langue natale de Sally. Enfin, les bruits se font musique. Ambiance de marché, cris d’enfants ou ronflements des rouleaux de l’Atlantique, cris de singes surpris dans leurs jeux composent avec la très sensible et très mouvante guitare de Gildas Becquet, balafon et percussions en palabres, le pluriel singulier d’une Afrique plénipotentiaire et exubérante. Continent, sexe et talent originels.
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Sally Nyolo, Multiculti (Lusafrica/BMG)
Christian Larrède
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