Membre le plus discret des Migos, le rappeur superstar Takeoff a été tué par balles dans la nuit du 1er novembre à Houston. Il avait 28 ans.
“Over a dice game…” (“Pour une partie de dés…”). Entre le choc soudain d’avoir perdu un grand rappeur et l’abattement – désormais trop commun – de le voir rejoindre une liste trop longue de rappeurs assassinés ces dernières années (PnB Rock, Drakeo The Ruler, Young Dolph, Pop Smoke, XXXTentacion, Nipsey Hussle…), c’est par cette douloureuse et désolante annonce que l’on a appris le décès de Takeoff, membre du trio Migos, tué dans la nuit du 1er novembre dans un bowling de Houston.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Selon le tabloïd TMZ, les autorités de la ville ont été prévenues aux alentours de 2 h 30 qu’un homme avait été abattu dans un bowling suite à une fusillade. D’après plusieurs sources policières et des témoins, durant la nuit d’Halloween, une altercation aurait éclaté alors que Takeoff et Quavo (son oncle et membre des Migos) se trouvaient en pleine partie de dés. Si ce dernier n’a pas été touché, deux personnes ont été blessées par balles et son neveu Takeoff, Kirshnik Khari Ball de son vrai nom, est mort. Il était âgé de seulement 28 ans.
Le spectre de Migos
Entre les frasques d’Offset aux côtés de la rappeuse Cardi B et le statut de faiseur de tubes et de refrains pour toute la pop et le rap d’après 2015 de Quavo, c’est, presque ironiquement, le moins exposé des trois Migos qui nous as tragiquement quitté·es. Toujours planqué derrière une paire de lunettes de soleil haute couture, loin des projecteurs malgré les chaînes en or et fidèle jusqu’au bout à ses comparses (malgré le départ d’Offset du groupe), Takeoff était si exemplaire qu’il ira même jusqu’à se refuser tout invité – un sabordage très classe – sur son seul et unique album solo publié en 2018.
Comme un symbole d’ailleurs, le moment où le trio crèvera le plafond de verre – celui du rap, de l’industrie musicale, de la pop culture, tout à la fois – avec la finesse d’un bulldozer, avec le tube Bad and Boujee (2016), se fera sans lui, évincé au profit d’un couplet éclatant du singulier Lil Uzi Vert et offrant au monde un formidable meme lors d’une interview menée par DJ Akademiks (“Do i look like i’m left off bad and boujee”). Mais celleux qui connaissaient déjà le groupe révélé par la mixtape Y.R.N. (Young Rich N***as) portée par les imparables Versace et Hannah Montana, en 2013, savaient l’importance de Takeoff : indéniablement le meilleur rappeur du trio, grand horloger du triplet flow et colonne vertébrale plaquée or des Migos.
Horloge interne
Dans une courte oraison funèbre publiée sur Twitter, le journaliste Jeff Weiss s’épanche avec justesse : “Repose en paix Takeoff, l’arme secrète de l’un des meilleurs trios depuis les rois mages. Un styliste du staccato, le rappeur technique préféré de ton rappeur technique, tout droit sorti du piège [“trap” en anglais] avec une chaîne à un demi-million autour du cou, crachant des punchlines colorées et trompeusement complexes, toujours copié mais jamais avec la même verve, ni le même charisme.” Une description touchante, flatteuse et désespérément précise de ce que le monde du rap et de la musique vient de perdre ce 1er novembre : un marqueur de son temps, un superbe rappeur-inventeur.
Car l’alter-ego rappeur de Kirshnik Khari Ball, c’était tout ça : un métronome pour lui (son staccato-flow hypnotique) et pour ses pairs (martial, il donnait la marche à suivre à Quavo et Offset), un enchaînement d’idées et d’images au service de la technique, un ingénieur plus qu’un sorcier de la rime, une machinerie de pointe. On se souviendra longtemps de cette épiphanie lors du festival We Love Green 2016 : Takeoff, dragon endormi et jetlagué lors du premier tiers du concert, se réveillant en crachant le feu sur son immense couplet de Narcos et transformant le Parc de Vincennes en fournaise. Pour ne plus jamais s’éteindre.
Toutefois, c’est pour les inspirations de The Revenant dans le clip culte de T-Shirt (et sa formidable entrée sur le morceau) ainsi que sa résistance aux canons du rap mainstream, qui n’auront que rarement parasité son amour de la trap pure et dure, que l’on canoniserait bien Takeoff en tant que “dernier trappeur” – référence absurde quoique opportune au film de Nicolas Vanier – dans un ultime élan de déférence au roi du triplet flow. Mais face au devoir d’exemplarité imposé par Takeoff lui-même, ce serait mentir et oublier qu’avec Migos, il aura satellisé, inspiré puis pérennisé le courant trap dans les hautes sphères de l’industrie musicale, pour qu’elle lui survive à jamais. Effacé derrière le trio, entièrement dévoué au genre, Takeoff n’est plus, mais la trap, elle, vit toujours.
{"type":"Banniere-Basse"}