En compagnie d’une électronicienne belge, le retour de Buck 65.
Depuis des années, on sait qu’avec Buck 65 le hip-hop est plutôt un hip-hobo, une musique de fuyard, de sans-papiers, de nomade. L’air maussade, le beat pas très net et le flow rocailleux, ombrageux, le Canadien a ainsi déniché dans les bas-côtés les plus broussailleux et cradoques du rap une caverne où élever en liberté ses idées noires.
Résolument plus Johnny Cash que Snoop Dogg, il est un storyteller dangereux pour la joie, une menace pour l’optimisme. On le retrouve à son meilleur – c’est-à-dire au plus bas –, le verbe en mitraillette et le timbre écorné, noirci, dégoûté sur cette sobre et sombre collaboration avec l’électronicienne bruxelloise Joëlle Phuong Minh Lê.
Par ailleurs tête pensante de Greetings From Tuskan, elle tisse ici – à distance, sans jamais le rencontrer – des ambiances soupe au lait pour le flow possédé du Canadien, passant en un bleep d’une beauté onirique à une vrille acide et toxique.“Parfois, je me sens comme dans une chanson de Woody Guthrie et j’aime bien ça. J’aime voyager et me perdre”, nous disait Buck 65 il y a quelques années. “I’m so lost”, hurle-t-il aujourd’hui dans un éboulis rythmique, dans un affolement synthétique, jouissant de son angoisse, parfaitement installé dans ces dédales, dans ce chaos.