Deux inédits bancals ne suffisent pas à illuminer cette compil tirée par les cheveux. Car on ne résume pas Cohen. En sa retraite monastique de Mount Baldy, sur les hauteurs épurées qui dominent Los Angeles, Leonard Cohen coule des jours heureux, parfaitement détaché du sens des réalités. Entre séances de méditation et bitures zen orchestrées […]
Deux inédits bancals ne suffisent pas à illuminer cette compil tirée par les cheveux. Car on ne résume pas Cohen.
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En sa retraite monastique de Mount Baldy, sur les hauteurs épurées qui dominent Los Angeles, Leonard Cohen coule des jours heureux, parfaitement détaché du sens des réalités. Entre séances de méditation et bitures zen orchestrées par le grand maître Sasaki Rôshi, le moine chantant ne voit plus le temps passer. Cinq années entre son dernier album, The Future, et cette compilation anodine, à peine meublées par un live un brin emphatique et quelques images télévisées ascétiques, ça peut paraître court au regard de l’éternité, mais c’est proprement interminable pour l’adepte frustré. Lequel, pour le coup, s’abstiendra de sacrifier à l’objet du culte.
Disons-le tout net, il y a des limites au foutage de gueule. En cette époque de coffrets luxueux et de sommes exhaustives, à l’heure où le moindre groupuscule sixties bénéficie d’office de remastérisation haut de gamme, émarger sur les étals avec ce More best of squelettique, ça relève de l’abus de confiance, à défaut de conscience. Résumons, façon apothicaire : sur More best of, condensé étique des travaux récents de Leonard Cohen, on trouve treize morceaux. Soit quatre chansons tirées de I’m your man, quatre autres de The Future, trois extraits de Cohen live histoire de caser les tubes sonnants et trébuchants (Suzanne, Dance to the end of love) sans fissurer la cohérence chronologique de l’entreprise. Plus la grande affaire, la cerise déconfite sur le gâteau brûlé, le « produit plus » cher aux as du marketing, les deux inédits : Never any good d’abord, un gros boogie jovial, énième variation sur le thème du bonheur/malheur d’aimer, puis The Great event, court poème en forme d’épitaphe rédemptrice déclamée par une voix féminine sur fond de synthés bricolés.
Et Cohen, dans tout ça ? Sans doute qu’il s’en fout un peu. Homme à femmes viré homme à flemme, VRP désinvolte de son propre génie, il est, toutes proportions gardées, comme un Beckett sur le tard, vieux sage à la pensée burinée, uniquement préoccupé de l’essence de son art. Que le résultat se traduise par ces gribouillis de fond de tiroir importe peu. Ça fait un bail que l’homme n’a plus rien à (se) prouver. Pour le reste, les fans intégristes achèteront, les autres n’ont qu’à commencer par le commencement. Nous, résignés et paraphrasant Vialatte, attendons patiemment la suite, en se disant que, décidément, c’est ainsi que Leonard Cohen est grand.
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