Maniant l’humour comme l’émotion, Roméo Elvis sort une édition augmentée de son ep, Morale 2Luxe. Et s’assure une place de choix parmi les grands espoirs du rap francophone.
Roméo Elvis trouve aussi que la vie va un peu vite. A peine un artiste explose-t-il que le voici oublié s’il a le malheur de ne plus rien sortir. Ça l’angoisse pas mal, cette dictature de la présence et du chiffre. Il a donc décidé de lâcher une édition augmentée de son dernier album, Morale 2Luxe, en collaboration avec le beatmaker Le Motel. Mais attention, rien de bâclé. Les onze nouveaux titres, hyperpersonnels, bien écrits, absurdes, voient le rappeur se muer le plus souvent en chanteur mi-intime, mi-golri. Et si Roméo Elvis était le Philippe Katerine du rap ? Les deux artistes ont partagé un Planète rap aussi lunaire que légendaire en décembre 2017 à l’invitation de Lomepal. Roméo Elvis en garde un super souvenir, d’autant qu’il se dit “fanatique” de Katerine, qu’il a d’ailleurs invité dans son prochain clip, le fantasque L’Amour avec des crocos. La boucle est bouclée. Mais l’histoire ne fait que commencer. Celle d’un jeune type capable de ramener l’humour dans le rap sans jamais trahir l’émotion. Roméo Elvis ne suit pas la tendance, il la crée.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Loin de ses airs de grand zinzin toujours prêt à raconter une bonne blague pour amuser la galerie, le rappeur se révèle “angoissé”. “Je pense qu’il y a deux types de personnes dans la vie : les ‘RNG’, rien n’est grave, et les ‘TPA’, tout peut arriver. Moi je suis un TPA. Je pense à ce que je dois faire le lendemain et je ne prends pas de plaisir sur l’instant. Les RNG sont des gens pour qui le tableau de configuration, c’est un bouton sur lequel ils appuient. Moi, je vois plein de boutons et je stresse pour savoir sur lequel appuyer ! J’ai beaucoup d’énergie et si je ne l’utilise pas dans l’artistique, ça tourne au vinaigre.” La confession prouve sa sincérité.
La “pure, à l’américaine”, son “seul vice”
Comme lorsqu’il raconte fumer de la weed “pure, à l’américaine”, son “seul vice” depuis qu’il a arrêté l’alcool et la clope. “Quand on boit, on ne se contrôle pas, on fait des choses qu’on regrette. Et quand on fume, on regrette de ne pas avoir fait quelque chose. Je préfère regretter de ne pas faire les choses. Je me rends aussi compte que je n’aurais jamais pu faire une tournée de plus de cinquante dates avec l’alcool.” La weed lui offre la zénitude nécessaire pour affronter ses acouphènes qui lui pourrissent la vie depuis plusieurs années. “En live, je n’ai pas le système de retour dans l’oreille, ça serait trop dangereux en cas de larsen. Je ne peux donc pas m’entendre correctement”, explique-t-il. Sans oublier toutes ces fois où le sifflement se fait persistant et le “rend fou”. L’un des meilleurs titres de l’album, Ma tête, est une plongée dans son cerveau, de ses acouphènes à ses pertes de mémoire. Un truc tout en spleen et en violentes ruptures de rythme, aussi punk que sa personnalité, aussi dingue que ses concerts.
Des lives, Roméo Elvis en a fait plein en 2017, et y excelle. Si ses albums sont bons, ils prennent une forme et une force nouvelles sur scène, le rappeur ayant le charisme et l’énergie nécessaires pour nous retourner le cerveau comme il faut. “Je travaille ma voix pour ne pas avoir de problème de souffle. Je vais aussi bosser la gestuelle avec Léo, le copain de ma sœur qui est danseur pour Christine And The Queens.”
Une histoire de famille
Pour ceux qui auraient loupé des épisodes, Roméo Elvis, c’est aussi une histoire familiale. Ses parents, l’humoriste Laurence Bibot et le chanteur Marka, sont bien connus en Belgique. Quant à sa sœur, Angèle, c’est la nouvelle sensation pop francophone depuis la sortie d’une paire de titres. “C’est une immense fierté. C’est une travailleuse, elle a du mérite. J’aurais pu m’inquiéter des mecs car elle est très mignonne et je sais qu’elle est aussi appréciée pour ça, ce qui peut être un fardeau. Mais elle a les pieds sur terre et est bien entourée.”
C’est elle qui lui a conseillé de retravailler le texte d’un prochain morceau sur lequel il se glisse dans la peau d’un mec qui tue une femme, histoire qu’on comprenne bien qu’il incarne un personnage. “Le rap est toujours rattaché à la personnalité du rappeur. Sur le titre Méchants, je me suis fait critiquer parce que je dis que j’ai caché des flingues dans ma chambre. On m’a traité de petit-bourgeois. Mais bien sûr que je suis un petit-bourgeois, je joue !” Ça ne l’empêche pas de dénoncer sexisme et homophobie dans le rap. “Les trucs genre ‘t’es un PD’, ça me rend ouf. La simple expression ‘fils de pute’ est utilisée à tort.” Ça ne l’empêche pas non plus d’écouter Vald “à fond” et de nous lâcher, soudain : “Oh putain, au moment où je te dis ça, j’ai une notif de Vald qui m’envoie des cœurs. C’est fou, les planètes s’alignent !” Oui, elles s’alignent plutôt très bien pour Roméo Elvis.
Morale 2luxe sera disponible à partir du 16 février
{"type":"Banniere-Basse"}