Tenancier d’un lupanar jazz ouvert à tous les vents, il tient à ce que l’orgie sonore obéisse à son sens de l’ordre. Fin des années 70 : le jazz, moribond, attend ses barbares… Quand Barthélémy déboule aux côtés de Michel Portal avec sa guitare saturée, toute en distorsions et envolées déliées aux motifs sériels, certains […]
Tenancier d’un lupanar jazz ouvert à tous les vents, il tient à ce que l’orgie sonore obéisse à son sens de l’ordre.
Fin des années 70 : le jazz, moribond, attend ses barbares… Quand Barthélémy déboule aux côtés de Michel Portal avec sa guitare saturée, toute en distorsions et envolées déliées aux motifs sériels, certains voient là, horrifiés, fascinés, comme l’intrusion définitive et irrémédiable du rock le plus déjanté dans une veillée mortuaire (le coup de grâce !). D’autres, fascinés, horrifiés, discernent l’éventualité d’une solution au désordre post-free, capable de résister aux sirènes de la fusion. Evidemment ils se trompent. Le jazz en a vu bien d’autres, et Barthélémy n’est pas un barbare, déjà occupé ailleurs à fricoter avec la musique contemporaine, Vinko Globokar et bientôt Georges Aperghis… C’est que derrière la furie iconoclaste se cache un architecte, un bâtisseur d’un genre un peu particulier certes qui fait mine de détruire pour mieux reconstruire mais un véritable compositeur qui se révélera définitivement de 1989 à 1991 lorsqu’il obtient la charge de l’Orchestre National de Jazz… Là il va inventer de curieux édifices faussement chancelants, où l’ornementation dans sa luxuriance a moins pour but de saper la structure que d’en éprouver la puissance. Barthélémy a le goût de l’ordre, le sens de la forme. Nouveau disque, nouveau groupe, Monsieur Claude un quartette, configuration traditionnelle, emblématique du groupe de jazz, mais là encore Barthélémy pense orchestre, formule concertante. Il organise, distribue les rôles, invite Daunik Lazro, hors-la-loi notoire, à venir hanter les corridors de ses constructions labyrinthiques de la mélancolie tendrement acide de son saxophone ; il intègre sa démesure, programme ses divagations libres, leur réserve une place dans la structure, un peu à l’écart, et se concentre sur les qualités proprement mélodiques du saxophoniste, les inflexions vocales de son phrasé… Un disque de chansons en somme, au service de la mélodie, qui brasse avec beaucoup de savoir-faire tous les genres, tous les styles pour en extraire comme la quintessence, la synthèse définitive, dénude l’émotion d’un matériau simple confronté à la sophistication du langage qui le transforme et le sublime. Reste que dans cette belle mécanique, où tout est pesé, pensé, la séduction calculée, on eût aimé une folie un peu moins cadrée, une énergie moins fonctionnelle et plus productrice de forme. Un « retour du refoulé » qui a toujours plus de chance de venir bousculer le bel équilibre dans l’instant critique du concert que dans le confort clinique d’un studio d’enregistrement.
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