Le retour aux sources de Vieux Farka Touré, Kayhan Kalhor et Erdal Erzincan chasseurs de vent et le météore merveilleux de Tigran Hamasyan, c’est le tour du monde musical proposé par Louis-Julien Nicolaou.
Les enluminures de Tigran Hamasyan
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Tigran Hamasyan est arménien et sa musique le rappelle à travers de nombreuses références. Pour autant, sa très forte singularité empêche de l’apparenter à rien de connu ni en Arménie ni ailleurs. Transcendant les genres (pour le qualifier, on pourrait aussi bien parler de jazz que de musique contemporaine ou de pop psychédélique), Shadow Theater, dont le titre évoque le théâtre d’ombres arménien, a ainsi des allures de météore filant en roue libre. Le pianiste, que l’on avait quitté épris de nerfs, de brisures rythmiques et de virtuosité, revient aux voix (la sienne apportant désormais un contrepoint à celle d’Areni Agbabian) d’une façon qui évoque par instants le néopaganisme de Stravinsky et donne à ses compositions des semblances d’enluminures légendaires. La merveille de la rentrée.
Le pays de Vieux Farka Touré
De nombreux artistes maliens ont sorti cette année des albums faisant référence à la situation très difficile où se trouve leur pays. Dans le cas de Vieux Farka Touré, cette démarche s’accompagne d’un véritable retour aux sources. Mon pays ne fait pas que célébrer la magnificence de ce poumon culturel dans ses contrastes (depuis le blues saharien ornementé d’oud arabe jusqu’aux improvisations héritées des griots mandingues) et prôner des relations apaisées entre toutes les franges de la population malienne : pour Vieux, il constitue aussi une réflexion sur sa propre identité. Quand le fils d’Ali Farka Touré noue à son tour une alliance avec Sidiki Diabaté, fils de Toumani Diabaté, le passé et le futur semblent soudain se mettre à rayonner d’une force égale, comme une promesse, un symbole d’unité valant pour eux comme pour le Mali.
Siba, pop made in Pernambouc
Identifié à la mouvance Mangue Beat par son appartenance à Mestre Ambrósio, groupe au sein duquel il jouait du rabeca (violon brésilien) et s’attachait à promouvoir la riche vie culturelle du Pernambouc, Etat du Nordeste brésilien, Siba revient en solo avec Avante, un album plus pop, mais qui ne coupe pas avec ses racines. Tandis que l’originalité de l’orchestration (tuba, vibraphone, guitare et batterie) fait un sort aux stéréotypes associés à la musique brésilienne, la mélancolie des compositions est conjurée par une interprétation mi-désabusée mi-moqueuse qui donne à Avante un parfum doux-amer très attachant.
Les fiers galops de Kayhan Kalhor et Erdal Erzincan
Kula Kulluk Yakışır Mı est le prolongement live de The Wind, sorti en 2004, premier sillon tracé entre musique classique persane, tradition anatolienne et improvisation sans attaches. Tels des chasseurs de vent, Kayhan Kalhor au kamancheh (vièle iranienne) et Erdal Erzincan au bağlama (luth turc) se poursuivent l’un l’autre en toute liberté, alternant les longues stations recueillies et les fiers galops à bride abattue, et rivalisant de lyrisme dans le respect constant de deux cultures cousines et néanmoins hétérogènes. Leur échange est si pur qu’il n’est guère besoin d’être initié au râdif, la musique savante persane, ou à la musique d’Anatolie pour en apprécier le charme et la grandeur.
Bulgarian Voices Angelite, secret bien gardé
La musique traditionnelle bulgare, dont les dissonances et les asymétries avaient déjà charmé les compositeurs Zoltán Kodály et Béla Bartók au début du XXe siècle, a connu une grande popularité à la fin des années 80, lorsque le chœur désigné en France comme “Mystère des voix bulgares” s’est mis à enchaîner disques, concerts et collaborations en tout genre. De cet ensemble aujourd’hui divisé en deux groupes, Bulgarian Voices Angelites incarne le visage le moins traditionaliste. Résolument inactuel car hors du temps, Angelina propose des polyphonies audacieuses et déroutantes (Dva Tapana Biyat), de métriques boiteuses et de romances vaguement inquiétantes. Un disque mystique et rustique qui – c’est heureux – ne dévoile finalement rien du fameux mystère.
Stefano Bollani et Hamilton de Holanda, la démesure en partage
Le virtuose italien Stefano Bollani a trouvé chez le Brésilien Hamilton de Holanda un esprit ouvert à sa démesure et capable, comme lui, de transformer n’importe quelle rengaine usée en pur instant d’émotion. Entre le piano du premier et le bandolim (luth brésilien) du second, c’est à l’évidence une affaire de tendresse, de complicité et d’humour. Enregistré en live, O que será redonne vie et lustre à quelques grands standards sud-américains (Rosa de Pixinguinha, O que será de Chico Buarque, Canto de Ossanha de Baden Powell et Vinícius de Moraes, Luiza d’Antônio Carlos Jobim…) entre lesquels se glissent deux compositions originales de toute beauté.
Gypsophilia, entre Nouvelle-Ecosse et Europe de l’Est
Originaire de la Nouvelle-Ecosse, province canadienne bordée par l’océan Atlantique, Gypsophilia ravive un jazz rétro relevé de swing manouche et brisé de sanglots tziganes. Tiré de leur dernier maxi, Horska illustre parfaitement ce mélange d’influences, sensible jusque dans le film d’animation qui en assure la promotion. Amours gauches, rêves de gloire et aéroplane brisé, en 4 minutes et 34 secondes, c’est tout l’onirisme mélancolique d’un petit conte d’Europe de l’Est que restitue ce très joli clip.
Dakar à la Goutte-d’Or
Par ici Dakar, tel est le nom de la huitième édition du festival des Cultures d’Islam qui démarre le 11 septembre et propose, jusqu’au 21 décembre, dans le quartier parisien de la Goutte-d’Or, une série de rendez-vous mettant à l’honneur la capitale du Sénégal. Entre un stage de danse sabar, une cérémonie du Simb et une nuit du Conte animée par Boubacar Ndiaye, on pourra notamment écouter le rappeur Didier Awadi, ex-membre de Positive Black Soul qui sortira prochainement Ma révolution , ainsi que Nuru Kane. Ces concerts se dérouleront respectivement les 13 et 21 septembre.
http://www.youtube.com/watch?v=MlV3V2jhOe0
Le monde partout en Ile-de-France
Après un été de festivals en province, la région parisienne reprend l’avantage en multipliant les concerts de musiques du monde. A partir d’aujourd’hui et jusqu’au 15 septembre se tient le Festival Jazz à La Villette avec notamment la participation de Bombino et Seun Kuti (le 4 septembre avec l’excellent trompettiste néo-orléanais Christian Scott), Shai Maestro et Tigran Hamasyan (le 5), les excellents Debademba et Fatoumata Diawara (le 11).
Egyptian Project se produit au Centre culturel égyptien le 10 septembre. Le 12 septembre, le Studio de l’Ermitage programme le trio Forabandit , dont la musique mêle les traditions turques, iraniennes et occitanes. Le 13 septembre, la même scène accueille la bouillonnante Fanfaraï. Quant au Festival d’Ile-de-France, après une Nuit des griots (le 7 septembre au Trianon) qui s’annonce fabuleuse, il propose rien moins que dix concerts pour célébrer la richesse de la musique sud-africaine (le 8 septembre), une lecture des Lettres à Théo de Vincent Van Gogh accompagnée par un orchestre de musique traditionnelle japonaise (le 15) et un récital du légendaire barde azéri Alim Qasimov et de sa fille Fargana Qasimova (le 15 également, à Saint-Ouen). Il faut avoir un jour entendu Alim Qasimov pour savoir ce que peut une voix ; manquer ce concert est impossible.
http://www.youtube.com/watch?v=FxYCWn_MvbU
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