Absent depuis quatre ans, Gang Starr rappelle au hip-hop à quel point il a besoin de la finesse de ce drôle de couple. Autant l’avouer d’emblée, on s’est fait une sacrée frousse avec ce cinquième album de Gang Starr. Et ce, avant même d’avoir pu jeter une oreille dessus. Une série de maudits signes avant-coureurs […]
Absent depuis quatre ans, Gang Starr rappelle au hip-hop à quel point il a besoin de la finesse de ce drôle de couple.
Autant l’avouer d’emblée, on s’est fait une sacrée frousse avec ce cinquième album de Gang Starr. Et ce, avant même d’avoir pu jeter une oreille dessus. Une série de maudits signes avant-coureurs nous avaient laissé croire à une possible reddition de ces meilleurs combattants de la guérilla hip-hop. Tout d’abord, cette liste d’invités longue comme le bras une dizaine en tout, de Scarface à Inspectah Deck du Wu-Tang, en passant par les chantres du R&B K-Ci et Jojo (de Jodeci-ça-sent-le-roussi). Comme si les quatre longues années d’absence du duo, saturées de projets parallèles (les deux Jazzmatazz de Guru et une pléthore de productions pour DJ Premier, dont KRS One, Jeru, Nas, Rakim, Notorious B.I.G., Bahamadia, Group Home ou Jay-Z), n’avaient pas suffi aux deux hommes pour assouvir leur soif de liberté et leur redonner furieusement envie de créer à nouveau en simple tête à tête. Ensuite, cet irritant double langage diplomatique qui les faisait pourfendre d’un côté « l’actuelle dilution commerciale » du rap et « respecter » de l’autre sans réserve « le formidable entrepreneur » Puffy Combs. Comme si la réussite et la notoriété de ce dernier pouvaient excuser son indigence en terme de créativité et ses ravages sur le hip-hop. Enfin, ce titre : Moment of truth (l’heure de vérité), entre arrogance et aveu d’humilité, qui plaçait l’auditeur malgré lui dans l’embarrassante position d’un juge, amené à décider définitivement de la pérennité ou non de l’un des groupes les plus respectés du hip-hop. A l’issue d’un insoutenable suspens tout juste si on osait écouter le disque le verdict tombe aussi net qu’un couperet, hachant menu tous doutes : nous étions coupables (d’égarement) et Gang Starr innocent. Soulagement. Guru et Premier méritent décidément leur statut et regagnent sans effort leur couronne. Car, sans atteindre les chefs-d’oeuvre Step in the arena (90) et Daily operation (92), cet album est une sacrée réussite, à peine ternie par quelques longueurs. La formule qui a fait leur réputation est intacte : deux platines et un micro, des beats minimalistes mais toujours efficaces, conjuguant rugosité urbaine et mélodies attachantes l’inimitable doigté signé Premier enlaçant le timbre chaud et le message consistant de Guru. Pas d’innovation spectaculaire, aucun pitoyable lifting cache-misère au menu mais une évolution naturelle et une actualisation tout en souplesse pour ces vétérans neuf ans au compteur : combien de rappers en activité revendiquent une telle longévité ? dont la production, les rimes et le flow n’ont cessé de s’affiner. Sans jamais oublier d’où ils viennent et à qui ils s’adressent en priorité : la rue. Qui d’autre que Guru pouvait raconter son arrestation à l’aéroport JFK pour possession d’arme sans déraper (JFK 2 lax), démonter la vénalité féminine tout en lui rendant hommage (She knows what she wants), se poser en Robin des Bois hip-hop mystique sans prêter à rire (Robbin Hood theory) ? Qui peut rivaliser de sagesse tout en frimant aussi odieusement (The Rep grows bigger, You know my steez) et se permettre d’assommer la concurrence avec tant d’intelligence et de finesse (New York straight talk, Make’em pay) ? D’ailleurs, si ça ne tenait qu’à nous, les invités auraient pu aussi bien rester sur le palier.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}