Ils s’apprêtent à monter sur la scène de la Gaîté Lyrique le vendredi 6 mars, dans le cadre des Inrocks Festival, les Rouennais de MNNQNS répondaient à nos questions en septembre dernier, à l’occasion de la sortie de “Body Negative”, leur premier album.
Fat Cat Records, votre label, vous décrit comme un groupe de rock qui déteste le rock… Vous m’expliquez ?
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Grégoire : (rires) Je pense que ça vient du fait qu’on ne se reconnaît pas dans les clichés que véhicule habituellement cette musique. Le mec en blouson de cuir, avec sa guitare Les Paul… ce genre de choses.
Adrian : Ouais, tous les trucs de “rock à papa”, en fait. On essaie simplement de ne pas être assimilés à ça, mais c’est une sorte de kick-flip verbal. Parce qu’en soi c’est compliqué de dire qu’on n’aime pas le rock.
Dans l’album, vous passez par beaucoup de styles différents. De la pop au psyché en passant par le punk ou le krautrock, quasiment tous les styles de musique à guitare sont abordés. C’était une volonté de votre part ?
G : C’est vrai, mais on ne s’est jamais réellement dit ça en préambule des compositions.
A : Le truc c’est qu’on écoute énormément de choses différentes, donc tout ressurgit forcément soit lors de l’écriture des morceaux, soit pendant les arrangements. Sans s’être dits “on va faire une synthèse de ce qu’on aime”, il y a forcément un brassage !
Adrian, c’est toi qui as apporté les squelettes des morceaux ?
A : La plupart du temps oui. J’enregistre très souvent des démos sur Ableton dans mon coin, et les gars viennent ensuite poser leur patte dessus, pour foutre le bordel sur ce que j’ai écrit.
C’est le moment où vous détruisez vos chansons, d’après ce que vous dites habituellement aux médias ?
A : (rires) Ouais, il y a un peu de ça. En fait, je laisse de la marge dans mes ébauches, parce que le travail de groupe donne très souvent de meilleures choses que si j’avais structuré l’ensemble tout seul. En général, je commence souvent en essayant de nouveaux accordages, et ça me guide pas mal. Le souci principal de cette manière de faire, c’est qu’ensuite on est obligés de prendre plein de guitares en tournée, vu qu’il faut conserver ces accordages. Et ça énerve pas mal Grégoire.
G : Mais non ! C’est juste qu’ils veulent en rajouter, et c’est complètement inutile. En plus, ils me citent Sonic Youth en exemple, avec leurs 30 guitares par concert. L’exemple n’est pas valable.
Vous avez combien de guitares en tournée ?
A : Une dizaine… Mais ça va, il y a pire. Kurt Vile en a 25 sur scène.
G : Pas valable non plus, étant donné qu’il ne les porte sûrement pas (rires).
Pour en revenir à l’album, il y a des choses assez surprenantes pour vous. Par exemple les chœurs très pop et sixties de Desperation Moon…
G : On a toujours eu un côté pop, il me semble, non ? Beaucoup de nos chansons ont cet aspect-là.
A : Ouais ! En revanche, c’est vrai qu’on a un peu bloqué sur les harmonies des Beach Boys. Je ne sais pas si tu as déjà entendu les versions a cappella du groupe sur Youtube, par exemple God Only Knows. C’est incroyable, un des rares trucs où tu peux te passer de toute instrumentation. Enfin, Brian Wilson est un génie de toute manière.
Tout ce travail sur les harmonies, associé à une ou deux balades, tranche pas mal avec le côté un peu bourrin qui vous colle à la peau.
A : Oui, j’ai l’impression que le matériau vocal est très peu utilisé par les groupes qui sortent en ce moment. Soit ce sont des trucs punk du style d’Idles, soit c’est vraiment léché, axé sur un chant très propre à la Arctic Monkeys. Et il y en a très peu qui se soucient d’utiliser la voix comme un instrument. En tout cas on a bien bloqué là-dessus, et on a même un morceau en hommage à Brian Wilson sur le prochain album. A propos des balades, ça faisait un moment qu’on voulait s’y essayer, et l’album était le moment parfait pour tester ça. On n’avait pas forcément envie d’aller là où on était attendu, avec des sons de guitare tranchants, qui se répondent et cætera.
Justement, il y a une autre nouveauté dans votre son, ce sont les guitares 12 cordes.
A : Oui, bien vu !
G : En fait, c’est un peu comme ce que te disait Adrian sur le chant. On a fait un peu la même chose avec les cordes, en les jouant comme si c’étaient des guitares. Il y a du piano, pas mal de clavecin, un peu de violoncelle, de la cithare…
A : Il y a pas mal de morceaux, par exemple Double Vision, où la cithare joue la même partie qu’une guitare 12 cordes, qu’un piano etc. Au point où on ne sait plus qui joue quoi. On a appelé ça la “forêt de cordes” (rires).
Tous ces instruments ce sont les vôtres ? Je crois que vous avez enregistré le disque dans une maison de campagne.
A : Alors, ça dépend : la plupart sont les nôtres, mais on a aussi fait quelques emprunts. Par exemple pour le clavecin, comme on ne voulait pas de plug-ins, on en cherchait un. Et ma mère m’a dit qu’une de ses amies en avait ; donc je suis allé faire un petit séjour dans le Sud pour aller enregistrer du clavecin chez la pote de ma mère.
Pour évoquer rapidement les paroles, j’ai vu que tu parlais d’écriture automatique. Tu t’es inspiré de Bradford Cox là-dessus ?
A : C’est marrant que tu m’en parles parce que j’ai justement vu passer ce truc à son sujet ! Et ça m’a pas mal intrigué. En fait, ce qui est intéressant avec ce processus, c’est qu’en revenant sur ce que tu as écrit – si tu le fais – tu redécouvres certaines choses, Après, je t’avoue que je n’aime pas trop relire mes paroles. Je trouve ça un peu pourri.
Concernant le titre de l’album, Body Negative, c’est vraiment une dérive du hashtag #bodypositive ?
G :… Ouais (rires). C’est ironique, évidemment. Mais d’une part, on aime beaucoup l’ironie entre nous ; et ensuite, je trouve ça bizarre que ce hashtag, qui pousse chacun à s’accepter, soit toujours accompagné de photos de gens en train de faire du sport. Si tu es gros, ça te pousse finalement à changer ce que tu es, ce qui est le contraire de l’acceptation. Sans compter que l’aspect de réunion qui existe dans le hashtag en général, presque communautaire, est intéressant. Bon, et au-delà de toute réflexion, on n’a pas arrêté de se dire qu’on était carrément « body negative », pendant la tournée. Au vu de notre mode de vie on est quasiment sûrs de finir gros et alcooliques, mais on fera du sport et on deviendra « body positive » un jour, avec un peu de chance !
Propos recueillis par Xavier Ridel
Les Inrocks Festival : du 5 au 7 mars 2020, à la Gaîté Lyrique (Paris III) – toutes les infos ici !
MNNQNS jouera le vendredi 6 mars, aux côtés de Warmduscher, Working Men’s Club et quinzequnze – le lien vers la billeterie est ici.
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