Un livre en cours avec Björk et un générique de film en forme de fresque murale : les deux graphistes de M/M cherchent à redéfinir les voies ordinaires de la communication.
M/M Exposition Xn00, Chalon-sur-SaôneArts Paradoxalement, les deux graphistes de M/M, Michaël Amzalag et Mathias Augustyniak, ont un sérieux problème de communication. Réticents à l’idée de passer en photo dans le magazine (« Ça nous fatigue un peu, mais on a un dessin qui nous sert de portrait officiel : ça ne serait pas mieux ? »), traînant depuis leur passage aux arts déco de Paris une belle réputation d’arrogants (« Je pense, s’amuse Mathias, que les gens m’ont toujours vu comme ça, même à la maternelle. Ça ne veut vraiment rien dire. »), pratiquant l’austérité de façade, ils ont pourtant réussi, en un peu moins de dix ans, à insérer dans le paysage visuel des images exigeantes, savamment cryptées, offertes au décodage, mais que d’aucuns disent illisibles sous prétexte qu’elles échappent à l’ordinaire du marketing et de la communication. « Pour nous, l’image ne doit pas seulement être le véhicule de l’info. On essaie de lui donner une autre valeur, de faire en quelque sorte des images conversationnelles qui ne se donnent pas entièrement dès le premier regard. Une affiche dans la rue, ça devrait pouvoir être comme un petit spectacle en pleine ville. »
Chargés de la communication générale de l’expo Xn00 de Chalon-sur-Saône, ils ont introduit dans la ville des « Habitants », petits bonshommes technoïdes qui guident le visiteur jusque dans l’Espace des arts où se déroule l’exposition. Une façon de relier l’intérieur et l’extérieur, d’amalgamer publicité et signalétique, et d’inciter les gens de Chalon à devenir les Habitants de leur propre Maison de la culture. Le graphisme vu comme une pratique politique insidieuse, indirecte, parasite, à mille lieues du militantisme visuel et directif de Grapus. La preuve encore avec le projet CroCroTraUmAx, sorte de logiciel offrant un vocabulaire étendu de signes, libre de tout copyright, histoire de parasiter les services onéreux des prétendus « créatifs » des agences de pub traditionnelles et de permettre à chacun de créer lui-même son identité visuelle.
Remixer, contaminer, parasiter : ces opérations sont au coeur d’une pratique graphique qui a beaucoup à voir avec la musique électronique et où l’ordinateur fait office de sampler. Pas étonnant dès lors qu’après avoir participé à la création du fanzine house Eden au début des années 90 ils aient réalisé les pochettes des compiles SourceLab ou des Micronauts. Mais ils agissent aussi souvent dans la mode (APC, Yamamoto, Martine Sitbon) et dans l’art contemporain : lorsque les artistes Pierre Huyghe, Dominique Gonzalez-Foerster et Philippe Parreno les invitent à faire le générique de leur film About présenté à la dernière Biennale de Venise, les M/M réalisent une grande fresque murale, un wall drawing qui court de part et d’autre de l’écran de projection, occupant bientôt plusieurs salles du Pavillon italien. Pièce de musée ?
Décidément transversaux, les M/M ont récemment créé une petite révolution avec leur catalogue de la collection du Centre Georges Pompidou : un livre souple et manipulable, « un musée portatif, un peu comme la valise-musée de Duchamp », strictement visuel, certes légèrement décevant tant leur intervention graphique paraît infime, mais dont la prouesse a été de débarrasser les oeuvres des textes explicatifs qui plombent habituellement ce genre de catalogues. « On se souvenait d’un film de Godard où deux personnages traversent le Louvre en courant : on a alors pensé le catalogue comme un long travelling dans les collections du Centre Georges Pompidou. Ça raconte visuellement une histoire de l’art du xxème siècle. »
Parmi les projets en cours, le livre qu’ils conçoivent sur et avec Björk est évidemment un des plus attendus : « Son manager voulait faire un livre à partir de toutes les images qui ont été prises d’elle. Mais elle n’est pas trop pour cette idée, ça fait un peu livre de fan. Elle avait aimé un catalogue qu’on avait fait avec Inez van Lamsweerde, on avait fait le visuel de la compile Volumen, et elle est donc venue nous voir dans notre atelier graphique à Paris pour qu’on travaille ensemble sur ce livre. Elle a une image d’une fascinante complexité. Quand on voit ses pochettes de disques, on a l’impression que tout ça est conçu par un cerveau ultrapuissant. Mais en réalité, elle marche à l’intuition. On voudrait montrer ça, décomposer cette image. Ce serait aussi une sorte de manuel pour se constituer soi-même une image, une sorte de do it yourself visuel. » Et Michaël Amzalag de rajouter : « Son image est à la fois très lisible, mais aussi très complexe, absolument pas lisse. En ce sens, elle est assez proche de nous. »
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