Rencontre avec couple electro le plus hype du moment, Miss Kittin & the Hacker. Leur premier disque en commun, The First Album, vient de sortir sur le label allemand International Deejay Gigolo.
Miss Kittin : On s’est rencontré parce qu’on traînait dans le même milieu, la techno. D’ailleurs, on a fait notre première rave ensemble. La techno, ça a été une passion exclusive. Pendant 5 ans, c’était notre raison de vivre. On ne pensait qu’à ça, on avait tous les flyers, on s’organisait dès le dimanche pour le samedi d’après. On n’allait plus à l’école, les parents nous faisaient chier, on connaissait tous les morceaux, tous les DJ. On était à fond pour la musique et pas pour le reste, pas pour les drogues. Pour nous, ça a toujours été la musique. Quand on vit dans une routine, on apprend qu’il faut bosser, gagner des thunes. Soudain, la musique balaie tout ça. Tout devient possible. On se sent alors hyper vivant.
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Comment avez-vous eu envie de faire de la musique ?
MK: Je savais toute petite que je voulais faire quelque chose d’artistique. Mes parents l’ont toujours su. A 5 ans, j’écoutais des trucs à la radio, je les jouais au piano, je dessinais. J’étais fille unique, et j’ai toujours touché à tout. Mon grand-père est dessinateur humoristique et dans la famille, on est habitué aux choses hors du commun.
The Hacker : Moi, c’est venu tout de suite, vers 13-14 ans, à l’époque j’adorais déjà la musique : Let’s Dance de Bowie et Thriller de Michael Jackson. J’achetais les disques, je décortiquais les pochettes, je lisais tout et je le fais toujours d’ailleurs. Le fait de vivre de la musique et d’en vivre, c’est ce que j’ai toujours voulu.
Quand vous y êtes vous mis ?
TH : Quand j’ai entendu les premiers morceaux acid house : il y avait une boîte à rythmes et une TB 303 et rien d’autre, pas de paroles, rien. En 88, j’ai entendu S-Express, dans un bar ou en boîte. Je me suis tout de suite demandé ce que c’était J’ai acheté le disque tout de suite. Et la face B, c’était une version acide du même morceau : un boum-boum avec une ligne acide. Je me suis dit : ça je peux le faire.
MK : Quand tu aimes vraiment la musique, au bout d’un moment, il faut que tu sois acteur : tu fais de la musique, tu organises des fêtes’ moi je me suis mis à mixer par hasard mais je n’avais pas l’idée de m y mettre vraiment. Maintenant, en regardant en arrière, ça m a apporté une liberté hallucinante, le fait d’être mon propre patron, de vivre de ma passion, de ne travailler que le week-end, même si la semaine, je compose. Ça m a fait grandir.
Qu’est-ce qui a été déterminant dans votre découverte de la techno ?
TH : Au début de la techno, il y avait plein de possibilités, c’était un mouvement naissant, qui se construisait. Moi, j’ai toujours voulu faire de la musique, depuis l’âge de 12 ou 13 ans. Je bloquais sur des groupes comme Depeche Mode mais ça me semblait inaccessible. Je pensais ne jamais pouvoir faire des morceaux dans ce genre, aussi bien que ça. À l’époque, la French Touch n’existait pas : les groupes français, c’était considéré comme nul. Je voulais vraiment faire cette musique, mais j’avais beaucoup de barrières : je n’étais pas un vrai musicien, je ne savais pas jouer. Avec la techno, toutes ces barrières ont disparu : tout semblait accessible… J’ai fait un job d’été et, avec l’argent, j’ai acheté un synthé, une boîte à rythme et j’ai commencé à bidouiller.
MK : Ce sentiment de faire partie d’un mouvement qui démarre, ça donne une énergie dingue et les jazzmen ont dû ressentir ça dans les années 30 ou 40.
TH : Je pense que tous les mouvements ont vécu ça : le punk par exemple, ça a décomplexé plein de choses à l’époque.
MK : On n’a pas vécu le Summer of love, mais on a eu le nôtre, en 93 avec les premières Boréalis, les fêtes dans le sud de la France.
Qu’est-ce qui vous unit à votre label, International Deejay Gigolo, fondé par l’allemand DJ Hell ?
TH : Une vision musicale, le fait d’être ouvert sur toutes les musiques. Ce que j’ai aimé chez Gigolo, c’est de rencontrer DJ Hell, en 96, et de parler de disques de new wave, tout de suite, alors que ce n’était pas du tout la tendance dans le milieu techno. J’ai vu tout de suite qu’il était très pointu dans ce registre-là; ça a été une vraie accroche : on avait les mêmes références, on aimait cette musique -là et la techno, et si possible le mélange des deux.
Vous êtes jaloux de vos projets solos respectifs ?
TH : On m a demandé de faire de la musique pour d’autres filles, mais je ne suis pas sûr que ça m intéresse.
MK : J’ai fait une reprise de Gainsbourg avec Sven Vath : c’est un moyen de me dépasser moi-même. Le côté fille sexy colle bien à la musique de The Hacker mais je n’ai pas envie de le développer ailleurs. Je veux faire des choses différentes. Le prochain stade, c’est de faire des choses moi-même, mes propres morceaux.
Sur l’album solo de The Hacker, Mélodies en sous-sol, il y a un morceau electro que j’adore et chez moi, je chantais par-dessus, et j’aurais adoré chanter dessus ! Pareil pour son remix de Marc Almond, mais je suis toujours fière de ce qu’il fait.
TH : Elle a fait un morceau avec Felix Da Housecat où il a samplé un de mes morceaux favoris et moi, je n’ai jamais osé le faire. Je préfère ne pas sampler, plutôt m inspirer des morceaux que j’aime.
MK : En fait, c’est The Hacker qui m avait fait découvrir ce disque, que j’ai offert ensuite à Felix. Il l’a samplé illico. C’est un disque produit par Bobby O, les Flirts.
Vous gérez bien le succès ?
MK : Quand on est à l’autre bout du monde, on y va pour une soirée, on joue 2 heures et à la fin, on se rappellera moins de l’ordre du set que du fait d’avoir rencontré tel ou tel DJ, qu’on se retrouve dans des afters improbables. Par exemple au Mexique, on était au sommet des pyramides, on était sans voix, et on était là grâce à la musique. Le plus important dans ce que je fais, c’est la richesse de vie que ça m apporte.
Ça peut être hyper déstabilisant de ne jamais être chez soi. De rencontrer des gens qui te disent que tu es génial, etc. On peut facilement choper la grosse tête. On se sent seul tout le temps. C’est pour ça que les stars prennent de la coke ou s’envoient en l’air plein de nanas tout le temps : on se sent seul, c’est une forme de désespoir. Il faut travailler pour préserver son équilibre.
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