A 88 printemps, la petite fée de la chanson et reine du “Petit conservatoire ” revient sur scène. La main est ferme. La nuque aussi, qui porte droit un heaume de boucles argentées. Dans le regard persiste la lueur de malice d’une “petite souris avec une voix acidulée et une assurance que rien ne semble […]
A 88 printemps, la petite fée de la chanson et reine du « Petit conservatoire » revient sur scène.
La main est ferme. La nuque aussi, qui porte droit un heaume de boucles argentées. Dans le regard persiste la lueur de malice d’une « petite souris avec une voix acidulée et une assurance que rien ne semble pouvoir entamer ». En scène, sur un plateau télé ou dans son salon pour recevoir le visiteur d’une heure, Mireille conserve le soucis de l’entrée réussie : une démarche un rien solennelle, des pas exécutés avec la minutie d’une personne certes âgée, dont on devine toutefois que les actes cruciaux d’une vie tournèrent autour d’un détail, d’une phrase de piano décrochée à la lune, d’une mélodie saisie comme un fragile rayon de soleil triomphant de l’hermétisme métallique d’un store. Chez elle, dans les étages d’un immeuble proche du Palais Royal, Mireille reçoit, élude les questions avec humour et entretient le mystère d’un art, la chanson dont elle demeure à jamais la petite fée mutine. Des étagères rassasiées de vieux livres ploient dans le couloir ; dans le salon, un piano blanc avec charnières de cuivre jaunit dans l’immobilisme des lieux. En guise de trophées sont exposées sur le couvercle les partitions de ses succès, Couchés dans le foin, Ce petit chemin, Quand un vicomte, douceurs d’autrefois confectionnées avec la complicité de Jean Nohain, susurrées par Maurice Chevalier ou Jean Sablon qui dessinaient, sur le visage de la France pré-occupée de l’entre-deux-guerres, un sourire frivole. Et ouvriront la route enchantée à la loufoquerie éclairée de Charles Trenet. La chanson est, dit-on, le parent pauvre des arts contemporains ; elle aura cependant accordé à l’une de ses vaillantes suffragettes le privilège de côtoyer des personnages très remarquables : Buster Keaton avec lequel elle tourne un film à Hollywood, George Gershwin pour une variation à deux mains new-yorkaise, Colette qui lui inocule son amour des chats, et puis Paul Valery, Cole Porter, Jean Cocteau, André Malraux qu’elle héberge avant qu’il n’intègre le maquis corrézien, Sacha Guitry imagine pour elle un « petit conservatoire » que Paul Gilson, directeur à la TSF, met à sa disposition en mai 1955. La télévision achèvera de rendre familière dans les foyers douillets de la France gaulliste des sixties la silhouette miniature de cette prof de musique qui reçoit dans sa classe de jeunes débutants dont certains ont pour nom Serge Lama, Alain Souchon, leur prodigue conseils, administre reproches, avec sa gentillesse acide. « Quand Françoise Hardy est entrée sur le plateau, la lumière des projecteurs s’est intensifiée, comme pour saluer la différence. » Dans une dizaine de jours, elle entame un tour de chant sur la scène du Théâtre de Chaillot mis en scène par Jérôme Savary. A 88 ans. Comme une jeune première, elle confesse: « J’ai le trac. »
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