Avec un groupe burné, Beck découvre le funk et donc le sexe : un petit pas pour lui, un grand pas pour la lubricité. “C’est une affaire de famille”, susurraient autrefois Sly & The Family Stone, devise de la famille Hansen. Car ainsi sculptait Al Hansen, membre fondateur du collectif Fluxus et accessoirement grand-père de […]
Avec un groupe burné, Beck découvre le funk et donc le sexe : un petit pas pour lui, un grand pas pour la lubricité.
« C’est une affaire de famille », susurraient autrefois Sly & The Family Stone, devise de la famille Hansen. Car ainsi sculptait Al Hansen, membre fondateur du collectif Fluxus et accessoirement grand-père de Beck : en fouillant dans les poubelles, en recyclant rebuts et mégots, en collant des têtes de poupées borgnes sur le corps plantureux d’un moteur de lave-linge, en déchirant la presse midinette pour en tirer des collages pervers. Ainsi compose le petit-fiston : en fouinant dans les poubelles de la musique populaire, en y dénichant des copeaux de folk, des détritus de country, des rognures de pop. Pour la première fois, un rien ahuri, Beck y trouve un étrange truc cabossé et souillé, qu’il fait briller d’un revers morveux de manche : le funk. Ceux qui s’étaient habitués à entendre Beck s’attaquer à la country en secouant le ranch vont être surpris : il secoue aujourd’hui les hanches. Lascivement même, dans une furieuse bacchanale, une main sur le coeur, l’autre dans la braguette : Beck rime aujourd’hui avec Sex. C’est la grande nouveauté de cette écriture : Beck a sorti la quéquette de sa poche, et comme c’est la première fois, il culbute avec ardeur, frénésie, plein de sève, les yeux rouges et le sexe en flamme. On le connaissait ludique, on le découvre lubrique, méchamment sexué. Pas sévèrement burné : ses chansons demeurent fragiles et mal foutues. « Je suis devenu un adulte mais je n’ai pas peur de pleurer », rassure Sexxlaws. Mais porté sur la gaudriole, osant les métaphores poisseuses de Milk & honey ou les promesses polissonnes de Nicotine & gravy : « Je te nourrirai de fruits qui n’existent pas/Je laisserai des graffiti là où tu n’as jamais été embrassée/Je nettoierai ton linge sale/Et masserai ton âme/Avant de te retourner. » Luxure et luxuriance : ouaaaaiiss. Comme à chaque fois que le funk se barre en vrille, fait des cochonneries et creuse des trous d’obus sur le dance-floor, on comparera ce Beck à Prince. Alors qu’on peut facilement sauter l’étape du nabot pour arriver directement à la source de ce funk déréglé : chez Sly et sa famille stonée.
Car Beck a beau s’entourer d’un groupe aux basses parfaitement compétentes, aux beats acérés, son funk ne tourne jamais rond, glisse, se prend les pieds dans le rythme, recycle et recolle à l’aveugle des slaps pansus sur des choeurs déchirés. C’est un funk plus débridé qu’hybride, un funk retourné à l’état sauvage, en enfance. Un funk qui a fumé son cahier des charges, taillé pour la boum d’avant-apocalypse, qui ordonne l’abandon, trouve immédiatement le point G, l’interrupteur des inhibitions, les commandes des guibolles. Ne pas laisser ces Midnite vultures attaquer votre maison, c’est demander le divorce à vos hanches, se fâcher à tout jamais avec vos pieds. Des albums au frotti-frotta aussi explosif, des millions d’apprentis sensualistes en feraient un fonds de commerce. Mais Beck l’avoue lui-même : ce rutilant lupanar n’est qu’une étape, un disque de transition. Un pont entre Mars et Vénus donc, comme si un caractère aussi nomade pouvait faire autre chose que des disques de transition, cocufiant régulièrement les sédentaires et leurs petites attentes de déjà-vu, toujours en mouvement, sur la route, en cavale des recettes et facilités. « A force de courir pour t’échapper, tu uses tes semelles », notait le sublime Runnin’ away de Sly Stone. Les chaussures de Beck sont faites pour la danse et la marche. La marche du siècle.
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