Joueuse de water polo, mannequin, pop-songwriter : la plus francophile des Australiennes révèle une personnalité bien plus riche que celle suggérée par sa musique à la légèreté euphorisante, qui fit le succès de son premier album. Rencontre à l’occasion de la sortie du deuxième, et écoute intégrale de la chose.
Il y a deux ans, bien avant que les écologistes ne cartonnent aux européennes, Micky Green avait coloré la France en vert. Armée d’un petit tube soul et aidée par une frimousse de blondinette-craquinette, la jeune Australienne avait conquis le pays, les radios et les programmateurs de festivals.
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Le morceau s’intitulait Oh! et, à l’exception de quelques grincheux, tout le monde avait fait “Ah !” Son nouvel album, qui paraît ce mois-ci, s’intitule Honky Tonk. Comme dans la chanson des Rolling Stones, Micky Green est une honky tonk woman, mais dans le bon sens du terme. Une fille un peu garçon manqué, un peu belle des champs, naturelle, et qui se marre à la fin de chaque réponse. Assez loin de l’image de fifille précieuse que suggèrent ses pochettes, ses clips et ses robes à pois.
Avant d’aller défiler sur les podiums européens, la demoiselle a grandi dans le bush australien avec pour décor quotidien des champs et des hangars remplis d’avions de chasse : “Mon père, puis mon beau-père, après le divorce de mes parents, servaient dans l’armée de l’air. J’ai grandi sur des bases militaires. Contrairement à ce que les gens pensent, c’est un environnement plutôt chouette pour une enfant : j’avais le droit d’essayer les avions de chasse, je me souviens notamment du Caribou. J’ai toujours eu un côté garçon manqué. Plus tard, j’ai fait beaucoup de sport : je pratiquais le water polo de façon intensive, j’ai même failli participer aux jeux Olympiques. Puis j’ai eu une opportunité dans le mannequinat, j’ai dû arrêter le sport car j’avais sans arrêt des bleus sur les jambes. Je suis partie de chez mes parents à 17 ans.”
Une escale à Bangkok, une à Hambourg et la jeune femme se retrouve à Paris. Elle travaille pour Kenzo, Comme des Garçons et plus tard Vanessa Bruno ou Jean-Charles de Castelbajac. Son amour du sport migre vers l’art : “Sydney est la ville idéale pour le corps, pour faire du sport. Paris est parfait pour l’esprit. La culture est accessible partout et j’apprécie énormément l’immense offre artistique de la ville. Je vois des expos, je lis énormément, je stimule mon cerveau.”
Son expérience dans le mannequinat, dont elle garde plutôt un bon souvenir, a été pour la jeune femme l’occasion d’affronter les regards et d’assumer sa féminité : “Le mannequinat m’a appris à me sentir femme et à m’exposer. Mais ça n’a strictement rien à voir avec le fait de composer un disque, écrire ses propres chansons et jouer devant un public. Quand vous êtes un mannequin, vous avez beau être sous les projecteurs, votre mission est de vous effacer pour mettre en valeur la création d’un couturier. Faire un disque, c’est tout l’inverse : c’est vous que vous devez montrer au monde, vous n’êtes plus un modèle ou un simple support. C’est beaucoup plus exigeant et angoissant aussi. Quand j’ai commencé les concerts, j’étais terrorisée. Je devais boire beaucoup d’alcool avant d’arriver à monter sur scène. Quand je regarde mes premières prestations en vidéo, j’ai franchement honte…”
Depuis toujours, c’est la musique qui anime cette souris verte : plus jeune, Micky Green a pratiqué le chant à l’église, la batterie à l’école. Composer ses chansons est devenu un moyen de construire son univers et de s’affranchir d’une éducation stricte. “Ma mère me soutenait dans mes choix mais elle pouvait être aussi très protectrice. Elle m’a vraiment couvée, par exemple en m’inscrivant dans une école pour filles. J’ai alors ressenti le besoin de m’échapper. Je mentais pour sortir, je faisais les quatre cents coups, j’étais assez délurée. Je me suis assez rapidement réfugiée dans la musique, je passais mon temps scotchée à ma chaîne hi-fi, à écouter la musique des autres ou essayer de composer la mienne.”
A Paris, cet intérêt pour la musique porte ses fruits lorsque Micky Green rencontre Renaud Letang, producteur de Gonzales, Feist, Manu Chao ou Alain Souchon. L’Australienne lui présente quelques demos et ils travailleront ensemble sur ce qui deviendra White T-Shirt, le premier disque de Micky Green. On doit aujourd’hui au duo l’album Honky Tonk : “On se comprend toujours très vite. Notre complicité est telle que je ne vois vraiment pas pourquoi je serais allée travailler avec quelqu’un d’autre.”
[attachment id=298]Dans la droite ligne du précédent album, Honky Tonk réunit une douzaine de chansons sexy flirtant entre soul et pop et fait de Micky Green une correspondante australienne de Vanessa Paradis, en tongs.
“Pour cet album, je n’avais pas d’idée très précise, mais j’avais envie de danser davantage. J’aime la musique rythmée, tonique, euphorisante. Bien sûr, j’ai eu ma période Jeff Buckley, à 15 ans, et j’aime encore beaucoup. Mais aujourd’hui je préfère des disques plus joyeux, moins contemplatifs. J’écoute des classiques, des albums de Donna Summer, Prince, Stevie Wonder, Michael Jackson. La musique doit forcément me rendre heureuse.”
Enregistré dans un studio de Bagnolet, Honky Tonk devrait connaître un beau succès grâce à sa réserve de tubes potentiels (No Line, Whatever). Un disque lumineux et léger, un disque de pop-magnésium qui ressemble au final à son auteur : naturel, sensuel et hédoniste. Un album, aussi, où la souris s’amuse à jouer les félines (elle miaule sur Scaredy Cat et les garçons pourraient bien ne pas s’en remettre).
Les bars lounge, les apéros en terrasse et les restaurants branchouilles y trouveront inévitablement la bandeson du printemps prochain. Mais on préférera voir ce Honky Tonk comme l’antidote coloré au spleen hivernal, l’oeuvre rafraîchissante d’une girl un peu next door, un peu chipie, rigolote et amoureuse des arcs-en-ciel : “C’est ainsi depuis toujours. Je ne saurais pas trop l’expliquer, mais dès que j’en vois un, je deviens folle. J’aimerais que ma musique soit aussi bariolée, qu’elle fasse le même effet.”
Album : Honky Tonk (Polydor/Universal)
Concert : Le 6/4 Paris (Cigale)
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