La Chambre du professeur Swendenborg Mise en scène de Michel Jacquelin.
Après avoir été débarrassé de vos attributs extérieurs (sacs et manteaux au vestiaire), vous entrez à l’intérieur de la chambre pliante « Foldin » (à ne pas confondre avec foldingue) du professeur Swendenborg, un drôle de savant qui mena des recherches fondamentales sur les spectres, la foudre, le son… Reconstitution à la mesure près de ladite pièce, 6 mètres sur 6, car c’est bien connu, pour « travailler, il faut s’y mettre » ! C’est donc là que commence une visite délirante et parfaitement guidée à travers le conceptuel, les débuts de la psychanalyse, la découverte du lapsus et autres bonnes blagues du monde moderne. Le guide Grand Duduche doué d’une force de conviction rare est aussi l’artiste, à moins qu’il ne soit plus simplement lui-même. Il nous prévient : « De qui suis-je l’auteur si ce n’est de moi-même ?… Etre le conceptuel (j’ai d’ailleurs pensé un instant m’appeler Ptuel)… celui qui ne va pas au-delà du geste fondamental de parler. » Assisté de la bonne, Hannah, Living ready made en chair et en os, le professeur sert une véritable réflexion sur l’art. « L’oeuvre d’art est comme l’oeuf, il y en a qui la pondent et d’autres qui la gobent. » Attention, aucun hermétisme savant dans ce spectacle : Michel Jacquelin, l’ordonnateur de cette histoire, possède un humour à faire fondre la banquise, doublé d’un véritable sens de l’expérience. A travers un montage composé de textes venant d’auteurs aussi différents que Strindberg, Schwitters, Kafka ou Pessoa qui n’ont en commun que leur contemporanéité, et reprenant là une véritable tradition du collage, il nous sert une extraordinaire introduction à l’histoire de la pensée moderne sans jamais donner de leçon. Tout fonctionne sur un registre de jeu et de non-jeu remarquablement servi par Odile Darbelley et Yves-Noël Genod, oeuvres à eux tout seuls. Le spectateur lui-même ne sait plus très bien où il se place, il est tout simplement devenu disponible, prêt à ouvrir son esprit géométrique à des figures acrobatiques bien plus drôles. La bonne, qui bien que lapone n’en est pas moins surréaliste que ses consoeurs espagnoles, découvrira son patronyme (Hannah) Huri devant la glace. Et nous, on se marre, partageant du même coup la vieille tradition inuite !