Blouson rouge, gant pailleté, guêtre dorée, pantalon feu de plancher : en quelques signes vestimentaires, Michael Jackson est devenu une icône de la mode.
Au-delà de son empreinte musicale indélébile, c’est aussi par la construction esthétique d’un personnage hors norme que Michael Jackson a marqué l’imaginaire collectif. De ses débuts en smoking pailleté jusqu’à la silhouette monarchique de ses dernières apparitions, son style n’a jamais cessé d’influencer la mode, suscitant tour à tour enthousiasme ou malaise.
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Simple coïncidence ou opportunisme prémédité, nombreuses sont les dernières collections de la haute couture à avoir rendu un hommage prémonitoire au roi de la pop. Margiela avec son blouson rouge et noir rétrofuturiste pour homme (automne-hiver 2008-2009), très inspiré de la pièce légendaire de Thriller. Balmain, au printemps dernier, avec sa série de vestes à brandebourgs proches de celles qu’arborait le chanteur, connu pour son amour du vestiaire militaire et des vestes d’officier.
La saison dernière, le créateur Alexander Wang dévoilait une veste à sequins noirs des plus Billy Jean, tandis que Jean-Charles de Castelbajac exposait, pour sa collection automne-hiver 2009-2010, une robe à l’effigie d’un Michael enfant. Un clin d’oeil troublant qui s’accompagne du retour dans la mode masculine du pantalon “feu de plancher”, des richelieus et des chaussettes apparentes, véritable signature de l’artiste. Peu de temps avant sa mort, la marque Repetto rééditait le mocassin verni cher au chanteur, qui connaît depuis un véritable succès commercial.
Depuis ses débuts en solo, l’influence de Michael Jackson sur la mode est indéniable. L’artiste a très vite imposé sa singularité en se distanciant des codes vestimentaires de l’époque, sans puiser dans le vestiaire habituel des idoles pop-funk, créant une silhouette composée de détails savamment choisis. La volonté chez le chanteur de se forger une identité propre, libérée du joug de son père et des costumes standardisés des Jackson 5, est claire. C’est par la construction d’un look fort que Michael Jackson prendra son envol, conscient du pouvoir hypnotique de l’image, façonnant sa propre mythologie à coups de clips-événements et de tenues spectaculaires.
Si la période Off the Wall reste encore, tant dans sa musique que dans son esthétique, imprégnée de l’esprit disco-funk du début des années 80 (à l’image du costume du clip Rock with You, où le chanteur arbore une combinaison pailletée digne des meilleures tenues de scène de Earth, Wind & Fire), Michael Jackson ne manque pas d’y introduire les premiers éléments rétrochic qui signeront sa différence. Pantalon de smoking noir court et étriqué, mocassins, noeud papillon et chaussettes blanches soulignant la virtuosité de ses pas de danse incarnent dès lors la marque Jackson.
C’est l’album Thriller qui signe vraiment le début de sa mutation, tant sur le plan physique que musical. Le visage de Michael change, il a laissé tomber la coiffure afro, son nez s’est affiné, sa peau a blanchi. Sa performance live de Billie Jean imprime à jamais sa silhouette dans les mémoires collectives. A la veste de smoking pailletée et au pantalon court viennent s’ajouter des chaussettes scintillantes, un borsalino et un gant unique à paillettes, à la fois Fred Astaire et James Brown. Ce jour-là, l’artiste “crée sa combinaison, son système de signification”, souligne le sociologue de la mode Pascal Montfort, et sidère l’assemblée tant par son look que par l’exécution de son moonwalk.
“Michael n’a jamais été aussi influent qu’à la sortie de cet album. L’impact du clip sur les jeunes est démentiel : tout le monde veut son blouson rouge, on rêve d’avoir les cheveux crépus pour se faire sa coupe gominée avec la petite mèche sur le front. Le phénomène d’imprégnation et d’identification est monstrueux, c’est une nouvelle proposition à laquelle les jeunes adhèrent immédiatement.”
Une frénésie vestimentaire qui ne fait que grandir, au fil de la sortie des singles de l’album. “L’apogée arrive avec le clip de Beat It, qui marque à jamais la jeunesse de l’époque, avec ces deux bandes qui s’affrontent, qui s’opposent par leur look. Michael trône au milieu comme arbitre de la bagarre, arbitre du style, et règle les conflits à coups de mocassins. Son look continue d’impressionner et les teenagers ne veulent plus seulement lui ressembler. On s’identifie aussi aux figurants, on veut un bandana rouge dans les cheveux, un aigle au dos de son blouson.
” Le succès planétaire de Thriller propulse la star au rang d’icône. Michael opte pour un costume de circonstance. Ses apparitions officielles marquent le début du look princier, une allure à laquelle le chanteur restera fidèle jusqu’à sa mort. Lunettes aviateur, veste d’officier à épaulettes pour un look qui distancie l’artiste du reste du monde, Michael n’appartient désormais plus au commun des mortels.
L’album Bad achève de radicaliser l’image du chanteur. Jackson compte bien faire entendre qu’il n’est plus un jeune homme innocent et son style s’en ressent : perfecto, pantalon en cuir, bandages aux doigts, code couleur noir et blanc – fini la rigolade. Il semble avoir opté, avec quelques années de retard, pour un look batcave à la Robert Smith (chanteur de The Cure) qui l’éloigne de plus en plus de ses origines soul.
A mesure que sa peau blanchit, le style de Michael Jackson bascule dans une esthétique étrange, parfois dérangeante. Les années 90 de l’album Dangerous font place aux jambières en métal, aux coudières, aux bodys dorés, à la quincaillerie lourde. Michael est devenu un être bionique, une créature à carapace asexuée, le monarque futuriste du royaume de Neverland. A sa mort, le styliste Kris Van Assche déclarera qu’il “s’était forgé une armure vestimentaire, à l’image de sa personnalité”.
Tout au long de sa carrière, l’influence de Michael Jackson continue d’irriguer l’imaginaire contemporain. S’il est longtemps absent de la scène médiatique, il reste omniprésent chez les jeunes recrues musicales qui n’ont de cesse de l’évoquer : des Destiny’s Child dans leur clip Bootylicious, qui lui rendent hommage en deux-trois coups de richelieus à talons, de chapeau noir et de claquement de doigts, à Justin Timberlake dont les pas de danse sont une référence perpétuelle à l’artiste.
Le récent clip de Beyoncé Single Ladies (Put a Ring on It) témoigne également de l’empreinte esthétique du chanteur. Le bras bionique de la chanteuse rappelle étrangement les jambières dorées de Michael, et sa performance chorégraphique achève d’exiler à son tour la chanteuse du monde réel, la rendant plus extra-humaine que jamais. Comme ce faiseur d’images, cette inépuisable fabrique de signes qu’était Michael Jackson.
Géraldine de Margerie est auteur, avec Olivier Marty, du Dictionnaire
du look (Robert Laffont).
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