Vous saurez tout, tout, tout sur MGMT après avoir lu cette longue interview des deux Américains, dans laquelle ils racontent sans fard les tumultes de la gloire, les dérapages rock’n’roll et la grande confusion mentale qui les ont menés vers l’incroyable Congratulations.
Vous vous êtes sentis exploités, au bout d’un moment ?
Oui. Particulièrement au milieu de l’enregistrement de Congratulations. Nous n’avions pas fait d’apparition publique depuis longtemps, nous gardions le silence, mais on était un peu surpris de voir dans la presse pas mal de gens qui parlaient de nous, qui expliquaient à qui voulait les entendre qu’ils allaient bosser avec nous, ou qu’ils étaient fans de ce qu’on faisait. Il est devenu assez évident que le nom « MGMT » est devenu un nom cool, à exploiter comme tel. Pour certains, ça a été plutôt innocent et sincère, mais c’est plus tard devenu une vraie stratégie chez certains. J’écoute MGMT, donc je suis cool.
Et commercialement parlant ?
Andrew : Notre image a sans doute été exploitée, oui. Les deux types qui font de l’électro-pop et qui adorent faire la fête, un truc un peu simpliste, et très survendu un peu partout, et pas un peu tout le monde… On a essayé de lutter contre ça. Congratulations est peut-être une forme de réaction à ça. On veut montrer au gens un peu plus fidèlement ce que nous sommes réellement, pas ce qu’on a montré et vendu de nous. Même si d’un autre côté, je dois avouer que nous sommes un peu rentrés dans le jeu, à un certain moment –quelque chose que je regrette.
Quand avez-vous réellement commencé à penser à Congratulations ? Dans quel état d’esprit étiez-vous alors ?
La chanson Congratulations me traînait dans la tête depuis des mois, depuis la fin de la précédente tournée. Une sorte de réponse à tout ce que nous avions vécu. L’un des résultats du craquage par lequel je suis passé a été une réflexion assez poussée sur les relations entre les gens, notamment sur ma relation avec les gens. En me posant un peu, je me suis rendu compte que je n’étais pas fier de moi, pas satisfait de la manière dont je m’étais comporté pendant des mois. Congratulations, c’est une forme d’autocongratulation plutôt sombre et sarcastique. « Regarde, mon pote : voilà ce que tu as fais ». C’est la première chanson sur laquelle nous ayons bossé. Le titre est venu de là, très tôt.
Vous avez quand même pris le temps, un peu, de réfléchir à ce que vous vouliez faire ?
Ben : Pas autant de temps que nous pensions. Nous avons eu un mois et demi après la dernière tournée, pour nous reposer. Mais ce n’était certainement pas suffisant pour oublier tout ce que nous avions traversé les mois précédents. On a senti que ça allait, encore une fois, un peu rapide.
Mais ne pas oublier ce qui s’était passé a été utile, non ?
Andrew : Oui, sans doute. Ce qui rend l’album, selon nous, sincère est peut-être effectivement de l’avoir écrit dans cette période très particulière, dans cet entre-deux.
Ben : Nous cherchions une situation confortable, calme, un moment où nous pouvions être en paix avec toute chose pour commencer à écrire. Mais au final, nous avons senti que nous avions beaucoup à expulser sur cet album ; et c’est une bonne chose de l’avoir écrit à ce moment là, que nous n’ayons jamais atteint cette paix et ce confort. Ce que nous avons traversé nous donnait de toute façon une matière immense pour écrire…
Musicalement, vous saviez ce que vous vouliez ? Vous parlez d’une réponse à Oracular Spectacular, d’un témoignage de ce qui vous est arrivé… Comment cela se traduit-il ?
Andrew : Je crois que les choses se sont précisées petit à petit, sur l’année qu’il nous a fallu pour écrire Congratulations. Quand nous avons commencé, nous n’étions pas vraiment certains de la manière dont les styles, dont les choses que nous avions en tête allaient s’articuler, allaient former des chansons, un tout. Tout a commencé à prendre forme et à faire sens après quelques mois d’écriture.
[attachment id=298]Sentiez-vous le besoin de prouver quelque chose, à vous-mêmes comme au monde ? Que vous étiez plus que le groupe qui a écrit Time to Pretend ou Kids ?
Ben : Je ne sais pas. Je crois que c’était de toute façon le cas quand nous avons écrit le reste d’Oracular Spectacular : montrer toutes les directions dans lesquelles nous étions capables d’aller. Je crois que cet album est juste une manière pour nous d’écrire notre musique idéale. En gros, nous voulions faire le disque qu’on achèterait sans hésiter si on devait acheter un disque qui sortait en ce moment.
Andrew : Il y a autre chose : nous n’écoutons pas tant de musique contemporaine que ça. C’est une autre image qu’on nous colle sans doute : des gars cools, qui savent ce qui se passe, qui connaissent les bons courants. Ce n’est pas vraiment le cas : en gros on n’a aucune idée de ce qui se passe. Musicalement, évidemment, mais ça va au-delà de la stricte musique –on passe pas mal de temps dans nos propres têtes, sans réellement voir ce qui se passe à l’extérieur. Et puis il y a eu tellement de choses grandioses faites dans le passé qu’on en est arrivé à un point où il est difficile de se satisfaire de ce qui sort aujourd’hui… (rires)
Vous avez cherché à résumer l’histoire de la musique en un seul album ?
Andrew : Nous n’avons pas vraiment pensé comme ça. Mais j’adore fouiner pour trouver des morceaux rares de pleins de groupes, certains très connus, des morceaux obscurs, des morceaux qui me ressemblent. On a peut-être essayé de faire une collection de morceaux perdus de tous ces grands groupes…
Vous avez déclaré vouloir faire un album « complet », sans vrai single qui puisse s’en extraire…
Ben : Je ne sais pas si c’est précisément ce que l’on a cherché à faire. Mais c’était une petite pression assez constante. Pas tant de notre label. Mais à chaque fois qu’on leur jouait des morceaux, ils disaient « Wow ! On adore ! Mais on ne sait pas vraiment quel single on pourra sortir… » Sauf que nous ne sommes pas tout à fait dans cette logique : pourquoi devrait-il forcément y avoir des singles ? Pourquoi ne pas essayer d’accepter le fait que les gens vont prendre l’album comme un album, pas comme une collection de hits ? Mais je comprends qu’un tube potentiel puisse constituer pour un label un filet de sécurité, une chose sur laquelle s’appuyer pour faire la promotion d’un disque. Surtout que nous avions cartonné avec Kids et Time to Pretend, et que les gens attendaient de nous d’autres morceaux comme ça. Mais une fois l’album terminé, nous nous sommes rendus compte que nous en étions très fier, fier de son intégralité, de chacune de ses morceaux, et nous voulons que les gens l’écoutent comme nous l’écoutons.
Andrew : Ce n’est évidemment pas quelque chose qu’on peut exiger. Je m’en fous si les gens finissent par n’écouter qu’un ou deux morceaux de l’album ; mais j’espère juste qu’ils prendront quand même le temps de l’écouter une ou deux fois dans son intégralité. Il fait sens ainsi. Et les gens nous comprendrons mieux s’ils comprennent l’album, de manière cohérente.
Ben : Nous n’avons pas essayé de prendre une position particulière, de faire une déclaration au monde en faisant Congratulations. Mais d’une certaine manière, j’imagine qu’un album comme celui-ci, de la part d’un groupe qui a percé avec des vrais singles, est une forme de déclaration…
Andrew : Ca peut sembler étrange, mais c’est facile d’oublier à quel point nous sommes étranges. Quand nous écrivions les morceaux, on se marrait en se disant « Bordel, c’est la musique la plus étrange qu’on ait jamais écrite ! » Et maintenant, ça sonne à nos oreilles comme de la pure pop music… Un morceau comme Kids nous a fait directement passer dans le mainstream, donc j’imagine que pour beaucoup de gens, qui ne nous connaissent que par ce morceau, Congratulations est une déclaration, une réaction, et un truc qui va sonner un peu… bizarre.
Ben : Nous ne devrions pas être dans le champ d’action de quelqu’un comme Perez Hilton, de gens qui traitent d’ultra pop culture, de truc super mainstream. Nous ne devrions même pas être connus de gens comme ça, si on considère d’où on vient et ce que nous sommes. Si ces gens n’arrivent pas à comprendre Congratulations, c’est sans doute mieux comme ça. Nous n’essayons pas de faire de MGMT un groupe inaccessible : nous voulons juste montrer plus fidèlement qui nous sommes. Nous sommes devenus, par la force des choses, un objet de pop culture. Mais je crois que nous le sommes devenus par erreur.
Andrew : Et en réaction, de faire se poser des questions à certains. Qui sont-ils ? Pourquoi parlent-ils de nous ? Ils ne savent rien de rien, sur rien, et en particulier pas sur ce que nous sommes.